Je ne sais pas combien de fois j’ai pu entendre que d’aller à Rio était foncièrement une mauvaise idée. “Tu va te faire tuer !” m’a-t-on dit une douzaine de fois avant que la goutte d’eau ne déborde. Évidemment, j’enfonçais des portes ouvertes en disant que certaines régions du monde étaient moins dangereuses que d’autres, ça tout le monde le savait, et Rio ne faisait pas spécialement exception à cette règle. Mais c’est comme tout. Souvent, en ne faisant pas de vague, tout se passait bien, et cette fois-ci, un petit boulot pas très compliqué s’était pointé à ma porte.

L’idée était relativement simple : reparamétrer quelques antennes sur les toits de la ville. Un orage un peu violent avait eu lieu lors des dernières semaines, et je sais pas si c’était la foudre, le vent ou des canettes de bières lancées depuis les sommets qui avaient réussi à les détraquer. Évidemment, l’assurance ne voulait pas fonctionner et les pros étaient comme qui diraient absents. Dès lors qu’il y avait besoin d’un peu de technique, c’était nettement plus compliqué ici, et cela permettait à des free-lances tels que moi de pointer le bout de leur nez et d’empocher une bonne somme sans trop d’efforts, à condition de ne pas poser de problèmes. Mais hey, money is money !

Donc ouais, j’m’étais retrouvée, tablette en main, à arpenter les toits de Rio. Autant dire que certains endroits étaient passablement dangereux et glissants, mais je faisais l’effort (si tenté que c’en était un) d’éviter de me péter la gueule. Une chute aurait été… Compliqué, et je crois que mon contrat ne stipulait pas du tout une prise en charge en cas d’accident du travail. On peut pas tout avoir je suppose.

J’avais passé les deux derniers jours à me balader ainsi, vaquant d’ici et de là. Parfois, j’étais accueillie le sourire au lèvre par une mamie trop bienveillante qui voyait là de la compagnie et quelqu’un avec qui faire une partie de scrabble durant des heures alors que, de mon côté, la seule chose que je voulais c’était d’aller sur son toit. Mais bon, les biscuits étaient bon. Mais parfois c’était autre chose, et je devais escalader la façade le plus discrètement possible pour atteindre mon objectif tant les proprios étaient… Peu réceptifs ?

Bref, ce dernier cas fut de ce style, et après avoir reparamétré la bête, j’épongeais la sueur de mon front d’un petit revers du poignet. C’était pas trop tôt tout de même, et j’allais pouvoir profiter d’une bonne petite nuit de sommeil. J’avais à vrai dire qu’une hâte : retourner bosser sur mon IA dans mon logiciel de traduction instantanné. Elle était encore sacrément capricieuse, pour ainsi dire que j’étais une brique dès lors que je voulais communiquer en portugais. Une sacrée brique même.

Du coup, fallait que je m’y retrouve, et déjà que je descende de ce toit. Vu comment j’avais dû faire des pieds et des mains pour monter, fallait que la descente soit plus simple. Bon, en regardant certains toits… Hey, je pouvais peut-être tenter quelque chose ! Genre sauter là, glisser sur cette pente ici, m’accrocher à ce fil de linge et hop, descendre comme une goutte d’eau suivant la rosée du matin ! Qu’est-ce qui pouvait mal se passer de toute façon ? J’étais surement une très bonne ninja !

Ni une ni deux, je sautais. La glissade suivit, mais de manière… Un peu plus incontrôlée. Autant dire que de m’accrocher au fil fut une utopie que je ne réussi pas vraiment à saisir. Et donc cette harmonieuse et stylée descente avec plus ou moins de saltos se solda par une dégringolade maladroite où mes fesses servirent plus de fois d’amortisseurs qu’un new-yorkais utilise son klaxon lors d’un embouteillage. Bon, peut-être pas, mais façon de parler…

“Aie… J’suis pas une bonne Tomb Raider…” pestais-je en anglais.

Autant dire que c’était pas terrible… Mais bon, le sol avait été moins dur que prévu. Je m’attendais à me réceptionné en plein milieu des pavés, et là… Bah ils avaient une drôle de couleur. Certes c’était un peu le soir, et donc quelques ombres orangées du crépuscule donnaient une ambiance plutôt sympa, mais là c’était différent…

C’était surtout que je m’étais réceptionnée malgré moi sur quelqu’un.

“Oh merde !” Fis-je en bondissant sur le côté, avant de me tourner vers le pauvre bougre pour lui demander en portugais, catastrophée : “Ça va ? Vous êtes heureux ?”

Les rencontres les plus intrigantes sont souvent les plus étranges, et il est particulièrement étrange de voir une femme tomber du ciel. Le choc ne fut pas très douloureux, juste déstabilisant et il ne fallut pas plus de quelques secondes pour me relever et m’épousseter.

Je baisse les yeux pour voir une jeune fille brune, maigre comme une brindille habillée comme une sorte d’ouvrière. Elle ne paye pas de mine, mais il vaut mieux se méfier a l’époque où nous vivons, un éveillé peut cacher beaucoup de ressource sous des apparences trompeuses.

La voyant toujours au sol, je lui tends le bout de mon parapluie fermée, pour l’aider à se relever. Ses paroles me laissent penser qu’il s’agit d’une étrangère, avec un portugais plus que discutable. Mais je ne vais pas lui jeter la pierre, il faut un certains temps pour s’adapter a un nouvel environnement.

Une fois redressée, j’ôte mon chapeau dans une révérence amusée, reprenant mon parapluie à la manière d’une canne. Au vus de ses problèmes, j’opte pour l’Anglais comme langue pour cette prise de contact.

« Bienvenue au Brésil, Estranha ! Tu peux m’appeler Lucifer, enchanté de faire ta connaissance. »

Posant mon parapluie devant moi pour m’y appuyer, je lève les yeux vers le toit d’où elle semblait être tombée.

« Le temps ne se prête pas a ce genre de pluie pourtant … J’imagine que tu avais donc à faire sur les toits de Rio. Des petits boulots ? Pour alimenter ton séjour, peut-être un peu préparé a la hâte ? »

Je garde toujours un sourire affiché, moquant la fougue de la jeunesse comme un vieil homme amusé par cette dernière.

« Mais qui es tu, Estranha ? Et qu’est ce qui a bien pus te porter au Brésil ? »

Je devais admettre que dans l’immédiat, c’était un peu la panique. Bon déjà car j’avais tout de même un peu mal au postérieur malgré “l’amortisseur” qui s’était trouvé juste sous mes fesses lors de l’impact, mais surtout j’étais inquiète pour le dit amortisseur, qui s’il n’était pas dans une condition physique acceptable, risquait d’avoir quelques os de brisés ! Merde, moi qui voulait faire une chose un peu stylée, et voilà que je me retrouvai à avoir amoché quelqu’un ! Faites que ça soit pas une petite vieille ou un petit vieux !

Et… Ça l’était pas. Fiou… Un problème de moins je suppose. Malgré une tenue qui oscillait entre le complètement négligé et le trop propre sur lui -ouais, un constat perturbant, je ne savais pas si j’étais entrée en collision avec un SDF ou avec un député-, il se relevait assez facilement, comme si de rien n’était, avant de… Faire une révérence ? Et de me tendre le bout de son parapluie pour que je m’aide à relever. Bon j’acceptais, mais j’étais pour le moins un peu confuse, à le regarder avec mes grands yeux bicolores.

Dans tous les cas, il se présentait. Il paraissait être beaucoup trop serein pour qu’il soit affecté par ma dégringolade. Limite j’étais son divertissement en fait, mais vu ses manières, j’avais un peu plus l’impression d’être son public. Lucifer donc ? Drôle de surnom… Ou c’était son vrai nom ? Qui appellerait son enfant Lucifer ? Damn, ils sont bizarres ces Brésiliens… Mais partons sur l’idée du pseudo. Vu l’endroit, ce serait pas étonnant.

“Euh ouais, enchantée, moi c’est Julia ! Drôle de manière de tomber sur quelqu’un ! Enfin, peut-être que tomber est probablement trop juste vu la situation… Mais bon, avec un peu d’entrainement, dans trois tentatives, je pourrais passer au cran supérieur, à savoir rebondir avec panache !”

J’essayais de plaisanter, pour ne pas marquer l’inquiétude qui disparaissait petit à petit. Bon, au moins ça allait, et de toute façon, vu qu’il semblait apte à parler anglais sans trop de problème, j’avais concédé l’utilisation de mon traducteur à celle d’une de mes langues presque natale ! Mais lui se permettait de plaisanter dessus aussi.

“Hey, il est pas si préparé à la hâte que ça ! J’ai regardé la météo avant et il ne prévenaient pas non plus qu’il pouvait tomber des personnes. Encore une fois elle nous ment ! Fin remarque, vous avez l’air d’être équipé vu le parapluie, même s’il en faudrait un plus gros contre d’autres cas comme moi !”

Cependant, pour éviter de me faire trop gronder sur cette incident, je n’hésiterais pas à utiliser de mes charmes, à savoir faire une tête de chaton triste. S’il en restait insensible, cela voudrait dire que c’était probablement à moi de courir vite et loin. Mais bref, un détail ça.

‘Sinon, c’est pour le boulot oui ! Fallait que je reparamètre des antennes sur les toits de la ville, et certains proprios étaient… Réticent à l’idée. Donc fallait que je m’accroche où c’était possible, et une fois mon “méfait” commit, que je redescende. Et je me suis imaginée un truc à base de petites glissades et de petits tours un peu agiles qui ont un peu foiré à la première étape. Et la chute de la blague, eh bien… J’crois que vous la connaissez autant que moi.”

Autant être directe hein, j’avais pas de raison de prétexter autre chose. Sauf s’il détestait la technologie, et dans ce cas, j’étais un poil mal. Ou s’il détestait les antennes. Ou d’autres choses qu’il détestait. Mais bon, fallait que je me fasse pardonner ?

“Toutefois, vous connaitriez pas une bonne adresse pas trop loin d’ici à laquelle on mange bien ? C’est que travailler, ça creuse, et je m’en voudrais de pas vous inviter pour me faire pardonner, histoire que vous soyez un peu plus dans ma tête que “Lucifer, le coussin de substitution”.”

Je suis tombé sur un bout de personne bien excentrique il faut dire. J’écoute ses paroles avec un sourire amusé, laissant patiemment la jeune femme s’exprimer. Elle disait avoir préparé son voyage, pourtant, il me semble basique de prévoir un certain capital avant de se lancer dans un voyage. Les petits boulots, ça ressemble plus au domaine des fuyards et des sans le sous.

Toujours est-il que la discussion s’entamait sur un ton léger des deux cotés, bien que la jeune femme semblait gênée des circonstances de cette rencontre et voulait m’inviter pour se faire pardonner, ce qui aiguisa mon sourire amusé.

« Haha, je ne sais pas si une demoiselle réparant des antennes illégalement pour vivre est en position de m’offrir quoi que ce soit. Mais, je connais bien un endroit où nous pourrions faire plus ample connaissance, Julia. »

D’un mouvement fluide, je me range aux cotés de la demoiselle, rabattant mon parapluie sur mon épaule avant de l’ouvrir en guise d’ombrelle. Je lui emboite le pas, jouant avec mon ombrelle au fil de mes pas tout en questionnant cette dernière  sur un ton frivole.

« Tu n’as pas répondus à ma question d’ailleurs. Qu’est ce qui t’as amenée au Brésil ? J’imagine que cela doit être urgent ou important, pour que tu en viennes à faire des petits boulots pour de l’argent, ici a Rio. Tu cherche quelque chose en particulier ? Ou quelqu’un, peut-être ? »

Nos pas s’enchainent dans les rues sales de Rio. Faute d’organisation centralisée, les gens en sont livrés à eux même pour ce qui est du traitement de leurs déchets. Chaotique et désorganisé, il n’est pas rare d’entendre au loin des conflits entre quelques gangs d’éveillés, bien plus spectaculaire que ceux des humains.

La donnée capitale pour moi ici, c’était que je n’étais pas tombé sur une personne qui visiblement voudrait ma mort ou mon porte-monnaie pour lui être tombé dessus. Et c’était déjà un sacré soulagement. J’étais à peu près certaine que d’autres auraient sorti un couteau à la taille déraisonnablement grande juste pour entamer les négociations avec moi. D’autres auraient probablement bombardé la zone à coup de runes afin de me faire passer un sale quart d’heure. Ouais, dans l’idée, je ne m’en sortais pas si mal du tout ! Juste que je ne connaissais pas encore l’estomac de cette personne. Peut-être risquait-il de me mettre sur la paille juste avec des petits gâteaux et des cafés. Ce serait le pire ! Une vicieuse manière !

Mais bref, il allait de nouveau de son commentaire, plaisantant sur le fait que je n’avais peut-être pas les moyens de lui payer un repas. Hey, j’étais peut-être pas une dame d’honneur ou je ne sais quoi de super sérieux, mais j’avais tout de même suffisamment de dollars pour pas être sur la paille ! Et puis ma tablette était sensée être quoi du coup ? Du toc ?

“Alors déjà, c’était pas illégalement ! Y’a quelqu’un d’important qui m’a demandé de le faire ! C’est juste qu’il avait oublié au préalable de me dire que la majorité étaient dans des zones privées, et donc qu’il fallait que je me débrouille. Et puis, j’ai rien fait de mal ! Lorsqu’ils auront un super débit internet, ils me remercieront !”

J’haussais un peu les épaules pour le coup. Mes services n’étaient peut-être pas appréciés pour le mieux, mais au moins ils étaient utiles !

“Et je suis pas sur la paille ! J’ai parfaitement de quoi vous payer un repas ! Fin, tant que vous prenez pas spontanément les trucs les plus chers. Dans ce cas, va falloir que vous serviez plus souvent de réception. Et c’est pas trop le but.”

Au moins j’avais l’honnêteté de le dire, et ça me faisait tout de même bien marrer d’imaginer un contrat d’amortisseur. Comme quoi, y’a de tout dans ce monde, mais surtout de la bêtise. Pas moi qui l’inventait celle-là. Et donc on commençait à marcher à travers les rues, lui reposant cette question fatidique de ce que je faisais là. A ça, pas de miracle :

“Juste qu’il faut savoir sauter sur les bonnes occasions. C’était un boulot pas trop long, qui payait bien, juste qu’il fallait aller à Rio pour ça, et j’avais le cœur à faire du tourisme, du coup, hop ! Rio me voilà ! Surtout que c’était dans mes cordes. Et j’ai plus d’une corde à mon arc, même si les saltos n’en font pas encore trop partie.”

Dans les faits, y’avait rien de plus. Je n’étais pas une évadée ou je ne sais quoi qui pouvait être dans ces rues. Juste une geek qui savait se rendre utile et qui n’avait pas trop trop froid aux yeux. Ouais, dit comme ça, j’étais un poil téméraire tout de même, mais bon… Tant pis ?

“Donc non, pas de recherche de personne ou quoi que ce soit. Y’a juste mon traducteur que j’essaye d’améliorer mais j’imagine que si on parle anglais, c’est que ça a pas si bieeeen fonctionné. Il a sorti quoi encore ? Je suis curieuse !”

Curieuse de savoir mon échec. On appelait ça la science. Oh, et en parlant de curiosité.

“Et vous donc, Lucifer c’est ça ? Vous faites quoi ici ? Et puis, c’est un pseudo ? Pourquoi celui-là ?”

Il ne s’agissait donc seulement que d’une course ? A l’autre bout du monde ? Quel étrange idée, mais j’imagine qu’avec les portails, ce n’est pas si choquant. Je me demande tout de même qui irait recruter quelqu’un d’un autre pays pour réparer une antenne … Vient ensuite la question fatidique de qui j’étais, et pourquoi un surnom aussi sombre. Sans aucune once de gêne ou d’hésitation, je m’engageais sur ce sentier qui ne devrait pas tarder à nous mené à un sujet intéressant.

« Beaucoup voient en Lucifer une figure démoniaque, maitre du mal et roi du mensonge, d’autres y voient une vague de chaos détruisant toute les règles du monde, d’autres encore y voient un patron des opprimés. J’imagine que sous un angle ou sous un autre, je corresponds bien à ces trois visions. Dans un monde abandonné de Dieu, il ne reste plus qu’a se tourner vers le diable pour la salvation, pas vrais ? Pour ce qui est de ton argent, tu n’as pas à t’en faire, tu pourrais finir ta journée avec quelques crédits supplémentaires, si tout se passe bien. »

Quelques pas s’enchainèrent avant que je repense a la question de la demoiselle au sujet d’un traducteur.

« En voilà une construction qui me serait utile lors de mes voyages, bien que je doute qu’il soit de coutume de demander a quelqu’un s’il est heureux après lui être tombé littéralement dessus, haha »

Nos pas nous portent vers le bar dans lequel j’ai élus domicile, le Minuano. Comme le reste de Rio, il est assez sale. Même avec la meilleure volonté du monde, il y a toujours des gens pour venir arroser le carrelage de sang, et le sang, c’est dur à effacer. Et puis, ça donne un certain cachet à l’ endroit d’après Sam. Je salue ce dernier d’ailleurs, d’un signe de la tête en entrant, le bar autour de l’épaule de la demoiselle. L’endroit empeste la cigarette, l’alcool, le tout avec une petite odeur métallique.

Deux habitués discutent avec Sam au bar lorsque nous entrons, nous adressant un bref regard, avant de reprendre leurs discussions, à l’exception de Sam qui se fait plus vocal.

Sammy:

« Ah, Lucie ! Quel genre d’ennuis tu nous as ramené cette fois ? »

« Rien de bien dangereux Sammy, juste une bricoleuse. Mais, prépare nous deux petits bourbons s'il te plait. »

« Haha, dommage, j’aurais bien aimé un peu plus de rouge. »

Il s’en retourne, tapotant le sabre japonais suspendus derrière son bar, comme mise en garde envers les clients pouvant poser problème.

« Dis-moi, que pense tu du monde d’aujourd’hui ? Des humains, des éveillés, des donjons et des guildes ? »

Je fais signe a Julia de s'installer sur la plus grande et confortable banquette ornant le coin du bar, bien que pas vraiment plus propre, avant de m'installer a ses cotés.

Les rues de la ville étaient habituellement assez étroites, et surtout, majoritairement en pente. Une mauvaise chute, et c’était une dégringolade assez méchante, avec parfois des virages et / ou des poteaux pour rythmer. J’crois qu’il y avait déjà eu des accidents assez critiques, mais de ce que j’avais vu, les cliniques se trouvaient en bas majoritairement. Serait-ce pour pallier justement à ces “dégâts” qui pouvaient surprendre n’importe qui, ou bien juste un hasard du monde ? Boarf, tant que je ne tombais pas, ça irait. Enfin, pas de nouveau quoi !

Du coup, il expliquait pourquoi il avait ce surnom. Ou plutôt il l’expliquait en tant que tel. Ouais, figure démoniaque, et tout et tout… C’était pour le moins particulier, surtout qu’il se présentait comme un ensemble de vision un peu chelou, et mon premier mot à la suite de cette présentation bien particulière fut…

“Edgy… Fin je veux dire que c’est quand même bizarre. Surtout que bon, se présenter en tant que roi du mensonge… J’devrais pas croire ce que vous dites ? Bah… Roi ou pas, je dois vous inviter pour me faire pardonner, Lucifer coussin d’urgence ! Drôle de vision tout de même…”

"Je ne dis pas que je suis un menteur, seulement que c'est ce que certaines personne me voient ainsi, tout comme d'autres y voient ... Autre chose ..." Répondit-il directement, sans faire allusion à son nouveau petit surnom, ou plutôt fonction. Ça laissait tout de même assez songeur d'être face à une personne qui, d'une certaine manière, ne se masquait pas du tout d'avoir plusieurs côtés, et que tous ne l'apprécient pas. Qui était le mieux pour parler de nous ? Nos amis ? Ou nos ennemis ? Aaaah, trop de sérieux...

Cependant, en y repensant, il y avait un petit truc qui me faisait tiquer à la fin.

“Et comment ça que je finisse avec plus d’argent que prévu ? Vous allez pas m’embarquer dans un truc louche tout de même !”

Je plissai les yeux l’espace de quelques secondes. Ouais, je préférais éviter de m’embarquer dans trop d’affaires. Surtout s’il me balançait un contrat un peu étrange où il fallait que j’aille livrer telle chose à tel endroit. J’en connaissais quelques-uns des plans foireux, et personnellement, je préférais les éviter. Et je disais ça alors que j’acceptais un petit boulot qui me demandait à Rio. Ouais, plusieurs niveaux j’imagine.

Cependant, il semblait être intéressé par mon traducteur. Enfin, vrai que ça devait être pratique, surtout si l’on avait la bougeotte comme moi… Fallait croire que Scarlet avait raison, ça serait bien pratique… Hum, j’avais peut-être un business à me faire, si tenté que mon attention ne se focalisait pas sur autre chose.

“Je suis toujours en phase de test ! Faut que je réussisse à bien paramétrer l’IA. Vu qu’elle doit analyser les vibrations de mes cordes vocales, y’a encore quelques erreurs. Une syllabe qui change et hop, on part d’un côté à l’autre.”

C’était la théorie, et un sourire me gagna par rapport à ma précédente erreur.

“Mais c’est vrai que ça peut sonner bizarre pour le moment ! Hey cependant, dans un certain sens, ça peut ! Doit bien y avoir certains dans le monde pour qui c’est le pied de se faire sauter dessus depuis un toit par une fille poids-plume, non ? Enfin… j’attends pas une réponse directe hein ! Question ouverte !”

Bref, on arrivait jusqu’à un nouvel endroit. Une sorte de bar un peu malfamé. Ouais, complètement malfamé en fait. Des traces de sang à quelques endroits, une arme bien placée en évidence… Un sabre japonais ? Ouah… Peut-être plus weeb que prévu en fait ! Enfin, j’allais peut-être pas faire la remarque. Y’a des fois où je savais me taire. C’était rare, mais là, je crois que c’était adapté.

“Hey !” Fis-je tout de même, histoire d’être polie et sympathique, même si à ses yeux je devais être une étrangère bizarre parmi tant d’autres. Mais bon, les clientes étaient les clientes non ? Puis j’étais avec Lucifer, et vu sa tête, il avait l’air d’être comme un habitué, si ce n’était un VIP ! Du coup, on s’asseyait tous les deux au niveau dans un coin du lieu, à l'abri des regards un peu, pendant qu’il commandait des verres de bourbon. Ah, pas ma grande cam, mais bon, c’était à ma solde de toute façon.

Cependant, il vint à se tourner vers moi, pour me poser une question… Ma foi très ouverte. Trop ouverte en fait. Le monde, les humains, les éveillés et tout le bordel qui suivait. Ouais.

“J’dirais que c’est le bordel. Fin, ça l’est depuis longtemps ça, mais les donjons ont rajouté un chaos sans nom… Je dirais qu’on a de la chance tout de même d’avoir eu l’éveil et les guildes. Sans ça… Je crois qu’on serait un peu à l’étroit dans un bunker en mode survie sans vraiment de solution par la suite. Vous voyez l’idée ? Enfin, pourquoi cette question ?”

J’écoute attentivement l’opinion de la demoiselle, alors que Sam s’activait derrière son comptoir pour nous apporter notre commande. Je n’étais pas surpris par les mots de Julia, bien au contraire, elle suivait exactement le raisonnement que j’avais prévus. Toutefois cette dernière se questionnait sur le pourquoi de cette réflexion, ce à quoi je m’empressais de répondre, toujours avec le sourire.

« Dans quel monde vivons-nous, pour que le simple fait de poser des questions ait besoin d’une raison, haha ! Mais pour répondre a la tienne, je suis simplement … curieux, je pense que c’est le mots le plus approprié. Comme tu l’as si bien résumé, le monde est malade, et ce depuis bien avant que les donjons n’apparaissent. Prend … la société moderne, par exemple. Quel sens y a-t-il à ce que certaines personnes en dominent d’autres, simplement a cause d’une valeur abstraite, dans un tableau virtuel ? Et pourquoi ces dominés souffrent-ils au nom de ce score de vie ? Pense tu que cela soit normal ? Beaucoup le pense, non sans un certain fatalisme. « C’est la vie »,  « C’est comme ça que ça marche », et toute ces incantations qu’ils ont appris pour maintenir bien sagement le système en place. »

Samuel s’approche de nous avec un plateau, une bouteille et deux verres, qu’il dépose sur la table en face de nous, avant d’y ajouter un dernier verre blanc.

« Un petit verre de lait pour Blanchette. » Ajouta-t-il avec un sourire narquois.

Je lâche pour ma part un petit ricanement, mais juge bon de ne pas en rajouter, prenant ce temps pour me servir un verre et me replonger dans cette banquette au combien confortable, guettant la réaction de la demoiselle qui ne devait sans doute pas s’attendre a ce genre de dénouement en se levant ce matin.

« Les éveillés ont le pouvoir de changer la face du monde, et c’est cette vérité qui fait trembler les titans de peur, eux qui se croyaient intouchable jusqu’à présent. Alors, ils nous domptent, ils nous apprivoisent, nous donnant leur précieux dollars comme l’on nourrirait un chien de friandise. Et lorsque l’on ne leurs serra plus utile, ils nous abandonneront sur le bas-côté, s’ils ne nous exterminent tout simplement pas. »

Je m’arrête pour laisser a mes paroles le temps de murirent un peu, profitant de cette occasion pour prendre une bonne gorgée d’alcool, avant de reprendre.

« Tôt ou tard, il y aura une guerre, Julia, j’en suis profondément convaincus. Des millénaires d’Histoire me prouvent que les humains ne sont pas dignes de confiance. Nous ne pouvons compter que sur nous même dans ce monde que les humains ont créé, et que nous sommes les seuls à pouvoir sauver. »

Le ton de cette dernière tirade se fait bien plus solennel et moins trivial que ne l’avait pus être le reste de mon argumentaire. Je conclus mon intervention en descendant le reste de mon verre, sans doute sous le regard perdus de la jeune femme.

C’était tout de même un endroit assez singulier. Entre les odeurs et les traces encore visibles, je pouvais, sans trop de problèmes, visualiser ce qui avait pu se passer ici. Là, le mec s’était fait attraper, et bam, tête contre la table, avant de se faire balancer sur le mur. On voyait encore quelques traces de l’impact. Je crois que s’il y avait des images de vidéo surveillance, ce serait un spectacle à regarder. Particulier, mais un spectacle tout de même. A croire que le barman, avec son sourire en coin, avait ouvert l’endroit spécifiquement pour ce genre de divertissement… Possible hein !

Du coup, Lucifer répondait à ce que je venais de dire, et ce fut avec de grandes et grandes tirades ! Woah, je crois que je venais de trouver quelqu’un à ma hauteur en termes de débit de parole ! Sauf qu’à la différence, je sortais surtout des conneries moi. Les sujets trop sérieux avaient tendance à m’ennuyer alors que lui semblait être un polémiste acharné. Genre une figure politique, ou un truc du genre.

“Je sais pas, elle paraissait être un peu hors contexte.” Répondis-je rapidement par rapport à sa remarque sur le fait de poser une telle question. Puis bon, ça n’avait pas foncièrement d’importance. Lui se définissait comme curieux, et commençait à expliquer que le monde était malade, que la société moderne et patati et patata. Ouah, je crois qu’il était en train de me perdre là !

“Euh… J’dois admettre que j’étais pas prête à ce genre de discussion hein ! Genre pas du tout. Habituellement, on me demande plutôt c’que je pense de la dernière série en vogue ou du dernier drama internet.”

Au moins les bases étaient installées, qu’il ne s’attende pas à la rhétorique du siècle. Un truc de dominant / dominé…

“Puis… Ouais, y’a un fatalisme chez les gens. La majorité cherche juste à être tranquille non ? Donc je suppose que de se plier aux règles ça doit convenir…”

Cependant, le barman vint à s’approcher, apportant ainsi des verres et… Un de lait ? Genre j’avais besoin de ça ? Et sérieux, blanchette ? Diantre, il me prenait vraiment pour une gamine en fait ! Mais bon, j’devais admettre que l’impression était… Difficilement contestable. Donc autant jouer le jeu avec un grand sourire !

“Hey, si j’voulais un soft, j’aurais demandé un jus de fruit ! Avec une paille et le petit jouet du Happy Meal !”

Mais bon, les discussions sérieuses reprenaient de plus belle, par rapport à la place des éveillés dans le monde et toutes ces choses. C’était… Un peu sectaire quand même, si bien que je roulais des yeux face à tout ceci, pour finalement m’exprimer dessus.

“Dans les faits j’sais pas hein. Déjà bon… Dans les “Ils”, y’a surement des éveillés aussi hein. C’est plus les riches que vous ciblez j’ai l’impression… Puis, de l’autre côté… Bah y’a des personnes qui sont tout autant dans la galère sans être éveillés. J’veux dire, le mien a pas spécialement changé grand chose à ma vie, et dans tous les cas, y’a les factures qui tombent à la fin du mois.”

Mais bon, difficile de lui faire changer de discours. Peut-être que j’étais tombé sur une sorte d’illuminé persuadé de ses propos. J’devais admettre que oui, dans un certain sens, il avait raison. Tout du moins sur certains points. Y’avait un système en place, y’avait des dominants et des dominés, mais était-ce vraiment le conflit humain-éveillé que l’on devait chercher ? En tout cas, lui en était convaincu.

“J’peux pas dire que ça arrivera pas. Y’a des pays qu’on une peur pas possible des éveillés. Cependant… Je sais pas s’il y aura une chasse aux sorcières tant que la dite sorcière peut faire péter un quartier sans pression. Sauf s’ils trouvent un moyen d’empêcher les éveillés d’utiliser leurs pouvoirs. Dans ce cas… Ouais, ça pourrait être tentant pour eux d’utiliser ça. Fin eux, je parle des gouvernements et tout.”

Une discussion politique au milieu d’un bar. Punaise, je crois que j’étais à un stade de ma vie bizarre. Et le fait était que j’prenais un peu de mon verre, ressentant bien bizarrement le goût du vin. C’était… Peut-être spécial pour moi.

“Fin, j’suis sûre que ça ferait de gros romans polémiques, mais de là à ce que ça arrive…”

Je lâche un petit souffle amusé en voyant combien mes mots ont pris de cours la jeune Julia. Elle ne devait pas s’attendre a ce genre de revirement. Mais … elle ne me frappe pas comme quelqu’un mût par des principes, plutôt le genre de larve à se laisser porter par le courant. Au moins a-t-elle vraiment conscience des risques que représentent les gouvernements. Elle ne résumait toutefois tout cela seulement à un roman polémique de plus, ce qui ne manquait pas de m’arracher un petit rire supplémentaire.

« Haha, je ne peu que comprendre ta réaction. Après tout, ce n’est que la preuve de l’efficacité de leurs méthodes, et pourquoi serais-je aussi alarmiste si elles ne l’étaient pas ? L’Histoire finira par me donner raison. Mais ne t’inquiète pas, tu auras l’occasion de te faire ton propre opinion avec le temps qui passe, et cela ne changeras pas ce que je vais te proposer. »

Je m’avance vers la table, pose mon verre avant de plonger une main dans les couches de vêtements que je porte sur le dos, avant d’en sortir une carte, que je glisse sur la table en direction de Julia, avant de me réinstaller confortablement.

« Ma carte. Si tu as besoin de trouver des compagnons pour tes donjons, d’une maison pour te loger, ou d’aide pour te cacher de quelques personnes louches, appel moi, et je verrais ce que je pourrais faire pour toi. J’ai quelques amis, par-ci par-là, qui pourront te filler un coup de mains. Si tu le souhaite, je peux également t’ajouter au réseau, et te prévenir si un client me demande un service et que tu corresponds au profil, t’octroyant au passage une bonne partie de la récompense.  Evidemment, silence radio quand a ces activités, sous peine de finir avec un contrat sur la tête. Certains de nos clients sont … frileux à l’idée que leurs affaires soient dévoilées au grand jour. Je suis sûr que tu comprends. Encore une fois, rien d’obligatoire, mais un moyen simple de sa faire de l’argent en indépendant. »

Donc, si je devais récapituler… En tombant sur un mec dont je ne savais toujours pas si c’était le clochard du coin ou une personne important, je me retrouvais dans un bar douteux à entendre des réflexions pas complètement débiles sur le monde, les gouvernement, les riches et les éveillés, pendant qu’un barman avec un sourire presque malsain m’avait apporté un verre de lait. Putain. J’allais pas faire gachis, donc je me retrouvais à boire ce “cadeau” cul sec. Et le constat fut sans appel.

Degueulasse.

Sérieux quoi, je tenais mieux le vin que le lait. J’avais des questions à me poser. Mais bon, des questions, ça j’en recevais, et le fait était que j’étais au moins un peu confuse face à tout ceci, surtout que Lucifer continuait de poursuivre sa longue explication. L’efficacité de leurs méthodes et tout… C’était assez complotiste tout de même, mais d’un autre côté, je pouvais pas nier qu’il y avait quelques symptômes à travers le monde qui laissaient penser ça. De là à sombrer dans la paranoïa, nan quand même pas cependant.

Donc… Il me proposait un truc. De l’assistance au besoin. Quoi, je lui avait tapé dans l’œil ? Ou il avait prit un coup sur la tête pour me proposer ça ? Fin je lui étais tombée dessus certes, mais… Hum, je devais admettre que c’était pas forcément le genre de service que je pensais avoir spécialement besoin. J’étais clean moi ! Enfin, à peu près. J’avais déjà fourrée mon nez dans des affaires un peu louches en fait, notamment pour Boris et… Hum, je sentais que si je refusais ce genre de proposition, ça risquerait de me faire défaut à l’avenir. Ou tout du moins me faire sacrément regretter le moment où j’en aurais besoin.

“Mouais… Je sais pas si j’en aurais un jour besoin, mais… Vaut mieux être prévenante, hum ?”

Je prenais donc sa carte, regardant rapidement le recto et le verso. Au moins il y avait le numéro. Je devais juste noter dans un coin de ma tête que ce n’était pas une carte de fidélité à présenter lorsque je faisais mes courses, mais plus une sorte de numéro d’urgence pour des problèmes délicats. Ouais, à retenir, clairement.

Cependant, il proposait également de… M’ajouter au réseau ? Pour me filer des boulots ? Vu comment c’était proposé, ça paraissait pas être spécialement le truc super légal. Fin en même temps, vu comment il proposait la chose. Mais bon, d’un côté, c’était bien payé tout de même, et ça m’ouvrirait d’autres portes. Mais est-ce que j’étais prête à franchir ça ? Humpf…

“Je sais pas… Je crois pas que je vraiment prête à m’enfoncer dans des trucs trop illégaux.” Avançais-je en me balançant un peu d’avant en arrière, essayant de réfléchir aux conditions que j’pouvais poser. “Mais bon, peut-être que des trucs moralement gris, peut-être… Mais j’me donnerais le droit de refuser au cas par cas si j’accepte.”

Cependant, j’imaginais que c’était un peu dur de donner des exemples sans bafouer quelques secrets profesionnels. Encore une fois, ça allait dépendre. Puis bon, j’étais pas parfaite non plus hein. J’avais quelques cyber-délits à mon actif et un plan plus sombre encore dans un coin de ma tête. Donc si je m’enfonçais dans cette affaire, clairement, me fallait une porte de sortie.

‘’Bon, rajoutez-moi dedans à défaut. Mais si c’est pas le genre de truc que j'accepte, j’vous demanderais de me retirer, et on en parlera plus, ok ?”

Excellent ! Une corde supplémentaire venait de s’ajouter à mon arc. Le deal était donc scellé, malgré les quelques craintes de la demoiselle auxquelles je me décidais de répondre.

« Oh, tu n’as rien à craindre a ce niveau, je ne te glisse pas le couteau sous la gorge, si ce n’est pour tenir ta langue sur tout ceci, bien évidemment. Les gens viennent me voir avec toute sorte de requête. Parfois c’est récupérer un chat coincé dans un arbre ou bien régler quelques problèmes de voisinage. Parfois c’est plus de l’ordre de quelques vols dans un climat de guerre d’influence. Cela peut même aller jusqu’à des demandes d’assassinats, bien que très rarement. Dans tout les cas, tu es libre de refuser un contrat, tant que tu te retiens d’en parler aux concernés. Je pèse toujours le pour et le contre de mes contrats avant de les confier a mes protégés, mais si tu as toi-même des informations dont tu voudrais me faire part, pour me faire reconsidérer un contrat, tu es libre de me contacter. »

Je sors un petit papier de mon manteau avec un stylo, plutôt ostentatoire, que je faisais tout les deux glisser sur la table.

« Notes-y ton numéro de téléphone, ou n’importe quoi sur lequel tu puisse répondre dans la minute. Je te contacterais si j’ai des boulots pour toi. »

Je laissais faire Julia, avant de reprendre une fois le papier récupéré.

« Pour ce qui est de la dividende, je ne cours pas avec les crédits, tu verras que je suis souvent plus que généreux, mais ultimement cela dépend des frais que je dois investir dans chaque contrat. 30%, ce sera ta garantie pour un fiasco où l’objectif de la mission est rempli, avec une prime d’efficacité, pouvant aller jusqu’à 40% si je n’ai pas particulièrement à te couvrir. En résumé, fait preuve d’efficacité et de discrétion et tu gagneras gros. »

Je me ressers un verre de Bourbon, avant de me replonger dans la banquette, un sourire aux lèvres.

« Evidemment, le réseau est une grande famille, et je n’aime pas les conflits fratricides. Pas de vol, pas de meurtre, pas d’attaques entre nous. Je serais très strict sur ce point. Si jamais tu as un problème avec le réseau, ce n’est qu’en m’en parlant que les choses peuvent bien se finir. Non pas que je te vois dans la peau d’un Faucheur, mais il vaut mieux prévenir que guérir. Sammy n’est pas vraiment un tendre avec les dissidents. »

Je lançais un regard amusé a Samuel, qui de derrière son comptoir se demande bien ce que lui vaux ce regard malicieux, avant de simplement hausser les épaules et de retourner a son astiquage de verre.

Sérieusement, dans quoi est-ce que j’étais en train de m’embarquer ? Est-ce que je signais un pacte avec le diable ? Vu le pseudo que l’homme en face de moi arborait, j’avais ce genre de petits frissons dans le bas du dos qui m’incitaient à croire que c’était pas spécialement la meilleure idée. Mais de l’autre côté, si c’était des petits boulots qui se feraient sans trop de problème, ça irait. Cependant, j’étais assez claire avec ma conscience sur certains points : Tout ce qui serait trop grave, ça serait non. J’en étais pas réduite à ça.

“Je vois… Ça me parait acceptable. Mais simplement éviter de m’envoyer les… Ouais, les demandes d’assassinats et autres trucs dans le genre. C’est pas le genre de truc que j’accepterais de toute façon.”

Et ça me permettrait de mieux dormir la nuit si j’en étais pas spécialement au courant. Ah, j’avais tout de même l’impression de sombrer, mais je crois que d’une certaine manière, faire des trucs sous le manteau était en quelque sorte devenu la norme. Puis bon, venir bosser ici, au Brésil, pour une poignée de dollars montrait déjà en quelque sorte que j’pouvais accepter des trucs un brin particulier, que j’étais pas juste une fonctionnaire qui vissait son cul son une chaise pivotante aux heures administratives. Fallait pas avoir une conscience trop fermée.

Et du coup, je me retrouvais avec de quoi noter. Je pris le stylo, me préparant à écrire, avant d’avoir cependant une hésitation. Des doutes tout de même, des derniers instants de stress avant de, finalement, simplement poser le stylo. Le papier était resté blanc.

“Ça va attendre un peu cependant.” Fis-je en m’affalant, un léger sourire en coin : “Vu dans quoi j’ai l’air de m’embarquer, j’pense que ça serait largement mieux si j’différenciais légèrement ça. Je prendrais un autre téléphone pour tout ce qui sera pro, je vous enverrai le numéro à ce moment là.”

Une excuse certes, mais une excuse tout de même, et véridique en plus de ça. Essayer de dissocier ma vie pro de ma vie perso était un truc plutôt important. Si jamais la première venait à être compromise pour X ou Y raison, ce serait largement plus simple de la changer que si c’était toute la mienne qui l’était. Une petite précaution lu sur un article y’a deux-trois ans, qui, finalement, était pas une si mauvaise idée.

Après, venait les détails un peu plus techniques, les paiements etc. Le genre de truc qui m’ennuyait un peu. Cependant, vu les chiffres, y’avait clairement moyen de gagner de ma vie, même en étant très occasionnelle. Et évidemment, aucun contrat entre nous, c’était au moins assez clair, et la menace de me prendre un barman brésilien serveur de lait me faisait quelque peu reconsidérer la chose.

“Oh zut, moi qui pensait en faire qu’à ma tête, je suis prise comme un rat ! Plus sérieusement ouais, j’me doute bien. Et du coup, j’aurais le droit à un pseudo ? Ou genre un nom de code ? Punaise, j’arrive pas à croire que je suis en train de sortir ça… C’est… Curieusement stimulant.”

J’me sentais presque comme un de ces personnage de fiction, ceux qui acceptait tout tant que c’était bien payée. Est-ce que j’étais en train de devenir une mercenaire ? Bah, est-ce que c’était pas le nom un peu plus propre d’un intérimaire ? Surement dans les faits.

“Enfin, ça vous prend souvent de recruter les gens qui vous tombent dessus ? J’veux dire, littéralement non ? Puis, ça pourrait être n’importe qui viendrait comme ça non ? Vous avez un moyen d’évaluer les gens ? Ou de vous assurer qu’ils vous la mettront pas à l’envers ?”

La demoiselle préfère ne pas aller trop vite en besogne, préférant attendre d’avoir un canal de communication propre à ce genre de travail. Une sage décision que j’avais moi-même appliqué. Beaucoup plus simple pour rebondir en cas de problème. Je reprends donc le papier et le papier afin d’y inscrire quelques mots.

« Tiens, tu m’enverra ça quand ce sera fait. »

Je lui tends le papier avec marqué un mot de passe : Deus lo vult. Un classique de l’histoire des croisades, qui ne devrait venir à l’esprit de personne à notre époque.

« Pour ce qui est de ta question, ma porte reste ouverte pour tout les éveillés qui ont besoin de nous, et ceux qui ne nous causerons pas ombrage. La famille se doit d’être soudée, et ceux qui chercherons à nous prendre en traitre ne recevrons aucune pitié. Des bénéfices certains pour ceux qui joueront selon les règles, un entretient avec Sammy pour ceux qui ne les respecteraient pas … »

A peine avais je finis cette phrase qu’un petit groupe de trois lurons entrait dans le bar. Relativement armé, ils devaient avoir consommé bon nombres de substances pour avoir une dégaine de balourd pareils. Ils lançaient quelques mots russes par ci par là, mais il n’y avait pas besoin de comprendre le slave pour savoir qu’ils ne venaient pas en paix. Je me penchais nonchalamment sur le coté pour prendre mon parapluie, que j’ouvrais au dessus de ma tête, lâchant un petit commentaire a Julia au passage.

« Je te suggérerais de te baisser petite. »

Sam, qui se tenait adossé au mur de son comptoir n’avait pas autant souris de la soirée. Il n’y avait aucune tension en lui, alors même que les russes le braquaient de leurs armes. Les deux partis s’échangent quelques provocations dans leurs langues communes. Et puis, un clic retentit, suivis de quelques mouvements d’air, presque imperceptible.

Sammy n’a pas bouger, son arme non plus, pourtant, la cigarette du chef des loubards et fendue en deux et tombe au sol, alors que son compagnon de droite tombe au sol, hurlant en se tenant le torse, duquel jaillit quelques gerbes de sang.

« Oups, j’ai raté. On dirait que je ne suis plus aussi vif que par le passé … »

Le compagnon de gauche pour sa part, commence à lever son épée, mais une autre bourrasque de vent le prend de court, et lui aussi tombe au sol, agitant ses moignons ensanglantés alors que ses bras tombent lourdement au sol, accompagné par le bruit lourd de son arme résonnant contre le sol.

Le chef pour sa part reste paralysé par la peur, tremblant pour sa survie alors que Sam s’approche de lui, prenant une pose que les connaisseurs attribuerons au Iaï, le sabre sur le coté, rengainé, la main sur la garde.

Des clients, personnes n’avaient dit un mot, ils connaissaient la danse et savait a quoi s’attendre. Tout le monde s’était caché derrière leurs tables, non pas par peur, mais par mécanique.

La dernière bourrasque de vent fut sans égale et projeta des quantités de sang faramineuses de par et d’autres du bar, alors que les trois intrus se transformaient en tas d’abats sanguinolents.

J’intercepte la giclée nous étant destinée avec mon parapluie, commentant nonchalamment la scène.

« C’est toujours pareil … Rio est tellement présenté comme l’enfer sur Terre que tout les criminels du monde se croient en position de faire leur lois ici. Ils en oublient que même à l’enfer à ses règles. »

Je me penche un peu sur le coté pour aider Julia à se redresser, pendant que Sammy retourne calmement a son comptoir, le comptoir reprenant son calme habituel, ignorant presque la présence du charnier.

« Ça va petite ? Tu tiens le coup ? »

Bon, au moins ma preuve de prudence concernant mes coordonnées ne fut pas mal accueillit. J’admettais que, sur le coup, je me disais que c’était un peu un pari, et qu’il y avait le risque qu’ils voient dans cette précaution la preuve que je n’étais pas 100% avec eux. Et c’était le cas hein ! Toutes ces paroles de famille, de traître… Je me voyais plus comme une sorte d’intermitente, assez éloignée de tout ça. C’était que bon, j’allais pas spécialement trop quitter ma chambre pour bosser vu mes compétences, et si c’était le cas, ça serait pas la tête dans la gueule du loup.

Donc après m’avoir passé un… Mot de passe ? J’imagine que ça serait celui que je devrais lui envoyer afin qu’il s’assure de mon identité. Bref, après m’avoir donné ça, il m’expliquait un peu quelques règles. Et je devais admettre être légèrement sceptique. Donc, en cas de problème ou de réelle menace, la seule défense que l’on aurait serait la couverture proposée par un barman ? Ça me paraissait, comment dire… Assez faible.

Sauf que visiblement, la preuve dont j’avais besoin tomba pile à ce moment là. Trois types assez peu recommandables, et surtout, lourdement armés. Enfin, suffisamment pour être une véritable menace quand même. Peut-être pas pour des éveillés, mais pour une petite comme moi c’était une autre galère. D’autant que mon traducteur s’occupa d’intercepter quelques paroles, qui… Laissaient clairement à comprendre qu’ils étaient là pour la caisse. Cependant, je crû comprendre juste après qu’ils ne voudraient pas de témoin. Attends quoi ?!

“Ils-”

Je ne pu même pas expliquer ça que Lucifer face à moi, complètement décontracté, ouvrit son parapluie. Alors autant je crois que ça portait malheur, autant dans cette situation je… Ouais, j’allais pas chercher plus loin, et comme un réflexe de survie naturel, je me planquais sous la table, ravalant ma salive alors que je m’attendais au pire.

Et…Il y eu des bruits sourds. Des cris de douleur et quelques détonations pour ponctuer tout ça. Mais en à peine quelques secondes, plus rien, et c’était… Horriblement inquiétant. Est-ce que je m’étais prise une balle perdue ? Visiblement non, ça allait, et le petit commentaire de Lucifer juste après coup me laissait penser que la crise était terminée.

“Hein ?”

Je sortais délicatement la tête, essayant de voir déjà si ça allait, mais quelque chose me frappa au nez. L’odeur… Urgh, elle était horrible, et… Oh putain merde. Ces types, ces types qui étaient là il y a quelques secondes encore étaient… Ils étaient juste des… Morceaux ?

Mon teint devint alors livide pendant que mes yeux fixaient comme captivés les amas grotesques que ces types étaient devenus. Ils étaient mort. Et ça ne semblait déranger personne. Trois types venaient de perdre la vie, comme ça, sur un coup de tête, et personne ne semblait en avoir la moindre chose à foutre !

Je… Je crois que ça allait être une image qui allait me rester en tête. Trop longtemps.

“J’ai… Besoin de prendre l’air.”

Titubant jusqu’à la sortie, essayant de ne pas marcher dans la mare de sang qui se répandait à travers les plinthes du plancher, je crois que j’avais le regard vide. Mes pupilles ne bougeaient pas, pas le moins du monde, et arriver dehors, j’eu une énorme douleur au cœur qui me poussa à haleter. Putain de… Urgh, j’avais la nausée…

“Putain de… Merde…”

Et je crois que j’étais la seule à avoir une putain de sensibilité ici. Le reste s’en battait allègrement les…

“Urgh… Vous semblez… Habitué à ça…”

Bienvenue à Rio je suppose.