Je suis.
Siphonnée.
J'ai encore du mal à réaliser ce que je ressens vu que pour être tout à fait honnête : Je ne sais toujours pas si ce donjon était un simple rêve ou si je viens bel et bien de vivre l'expérience la plus dure de ma vie. Je suis sortie de la clinique les yeux dans le vague et j'ai été mollement me restaurer dans un coffee shop. Cette fenêtre... elle ne s'en va décidément pas. Ce n'est pas possible que ce soit une simple hallucination, je peux interagir avec et elle me paraît bien trop cohérente dans sa façon... d'exister on va dire. Quand je swipe ou appuie quelque part dessus, ça s'active tout à fait comme un téléphone, une tablette ou n'importe quoi de tactile. Donc soit c'est très loin d'un hasard ou du résultat d'une névrose, soit... soit je suis très sévèrement atteinte et là, je me sentirais sacrément conne à toucher un faux écran dans le vide depuis hier.

Les gens commencent à me regarder bizarrement à agiter ma main dans le vide... Je devrais arrêter. Enfin, si ça leur pose problème, ils n'ont qu'à se concentrer un peu plus sur leur cul, je n'ai pas que ça à foutre que de me soucier du regard de connards qui n'ont pas trois pourcents du contexte... Enfin pour le moment. J'y ferai attention quand je n'aurai plus l'impression d'être seule au monde.
J'ai envie de dire, je ne sais pour l'instant pas exactement ce qui a causé l'illusion que j'ai subi là-bas... mon chef ou le couloir piégé ? Si c'est le cas du deuxième, il serait raisonnable de penser qu'une telle capacité pourrait m'affecter même une fois sortie du donjon. Et c'est en admettant que tout cela était réel ! Je veux dire... La douleur était palpable et... ma peur aussi. Ca me semble presque inconcevable de juste m'être réveillée comme une fleur sur le sol du centre-ville.

Urgh, ça me donne mal à la tête... Ca ou le café glacé qui me donne un brain freeze.
Et... Et j'ai trop à penser de toute façon, je vais faire avec. Demain j'ai du boulot et je dois m'occuper de mes factures d'électricité. Quoique je pourrais m'en charger directement en rentrant si mon cerveau est fonctionnel. Le cas échéant, je demande à Julia de me donner un coup de pouce. - Elle est tellement sympa après tout.-. Allez, il est temps de me rentrer. Je suis à quelques stations de métro d'ici, ce sera rapide...

...
...
...
C'EST TELLEMENT LENT.
...
...
...

Pffff, vu mon état, dix minutes me paraissent être une heure, je devrais vraiment me reposer... Mais les factures Scarlet, pense aux factures... Parce que demain tu auras la flemme et tu reporteras encore.
Urgh, même le couloir menant à l'appartement me semble plus long que d'habitude. Par contre, j'entends du bruit qui vient de chez ma chère voisine. Classique, elle doit être en train de fabriquer quelque chose. J'espère juste qu'elle m'entendra sonner. Bon, jusque là, je n'ai jamais eu ce problème avec elle mais vu ma chance du jour, je ne serai pas spécialement optimiste. Quoique... Je devrais jouer à la loterie pour le principe. Heh.

*DING DONG*

-Allez ma Juju, tu ne vas quand même pas laisser ce chaton dans le besoin sur le pas de la porte...

Bon, si je dois sonner de nouveau, je me laisse trois fois et si elle n'ouvre pas, je rentre chez moi.

Plus que quelques soudures avant de terminer ce nouveau petit bébé. Cette pensée était quand même particulièrement motivante ! Le fait de concrétiser un projet était toujours particulièrement gratifiant, presque autant que d’en commencer un nouveau. Mais là, on parlait d’un truc qui allait être tellement pratique pour mes balades à travers le monde !

Contexte déjà. La dernière fois que j’ai mangé en Chine (et pas à un restaurant chinois, celui en bas de la rue est passablement dégueulasse), je me suis retrouvée comme une conne face à la petite mamie traditionnelle qui parlait pas un mot d’anglais. Ni de français. Ni d’allemand d’ailleurs. Bref, autant dire qu’elle me regardait avec de grands yeux en espérant que, miraculeusement, la culture linguistique locale m’apparaisse comme la vierge ! Autant dire que ça n’a pas super bien fonctionné, et que ce fut un client pas loin qui, lui, réussissait à bafouiller deux trois choses, qui m’a sauvé la mise - et mon estomac-.

Donc, pour éviter de me retrouver à nouveau comme une idiote, j’me suis mise en tête de fabriquer un petit truc. Une sorte de traducteur, mais genre automatique. Avec un système de détection de vibration au niveau des cordes vocales et tout. Et dans l’idée, ça promet d’être fonctionnel, avec une petite puce en forme d’oreillette pour transmettre les infos rapidement. Bon évidemment, y’a des délais de traitement, mais avec une bonne IA… Ouais, j’résolvais beaucoup de trucs avec des IAs. Pas ma faute si une fois implémentée ça permettait de faire un peu près tout dans son domaine.

Mais autrement, j’pensais que pour le néophyte, j’devais être une sorte de magicienne. Genre une avec un chapeau brillant et des habits pas possibles. Alors qu’en fait, ce n’était que de la science ! Enfin, les résultats étaient parfois étrangement similaires, mais j’dirais que les seuls bouquins que je regardais c’était les derniers manuels de prog dont mes étagères fourmillaient un peu trop bien. J’commençais à m’imaginer des trucs en plus ! Plutôt que de balancer des incantations en latin ou autre langue complètement désuète, bam, la ligne de commande. Ce serait tellement simple d’avoir un “boule_de_feu.exe”...

Digression donc. J’avais ma musique à fond les oreilles et ma petite soudeuse sur mon bureau dans un coin de mon appart. En vrai, j’faisais ça en douce. Si le proprio savait à quoi j’passais mon temps, je suis sûr qu’il me ferait payer deux fois plus pour les cotisations anti-incendie. Alors qu’il n’y avait AUCUN RISQUE, ou presque. Ceux qui étaient arrivés avaient été maitrisés de ma main de toute façon !

Hum ? J’crois que j’avais entendu un petit truc. Genre le voisin du dessous mécontent ? Encore ? Ou c’était dessus. Dans le doute, mon regard se braqua en direction de l’extérieur, à savoir la porte, alors que je retirais de mon oreille un des haut-parleurs de mon casque, histoire de garder l’utile, à savoir si quelqu’un était en train de me faire signe, à l’agréable, ma musique. Et lorsque les coups recommencèrent, je fus forcée de me bouger quelque peu.

“J’arrive !” Dis-je, mais probablement pas suffisamment fort pour que la personne ne m’entende. Probablement parlais-je à mon futur bébé dira-t-on, qui m’attendait sur la table d’opération qu’était mon bureau. Dans tous les cas, casque autour du coup, musique toujours présente, je me pointais à la porte, utilisant un marchepied pour atteindre le judas (les américains étaient un poil grand par rapport à moi), avant de voir une tignasse rousse derrière !

“Tiens-tiens !”

J’ouvrais du coup, déplaçant du pied ma petite estrade, pour voir ma voisine préférée ! En même temps, le choix était restreint, mais bref, elle l’était tout de même !

“Salut Scary !” Fis-je avec un bon sourire, avant de voir qu’elle était… Passablement molle. Les yeux un peu fermés, le genre d’état post-grippal qui n’aide pas. “Tu tires un de ces… Face ? Genre… Scarface ? Mouais, pas terrible. Tu veux rentrer ? Un café peut-être ? Bien noir j’imagine !”

Il fallait croire que je n'aurais pas à attendre bien longtemps vu qu'après avoir sonné, le bruit de bricolo s'arrête directement... Alors... ? Elle attend peut-être une confirmation... Je toque en plus alors. Bon, comme d'habitude, il faut que j'attende que la petite Ju' regarde à son judas, ce qui implique une manoeuvre à base de marchepied à cause de sa petite taille. Je dois dire que la première fois que je l'ai vue, j'ai cru à une ado, et même à ce stade, il m'a fallu apercevoir vaguement sa carte d'identité pour réaliser que nous n'avons que trois ans d'écart. Parce que ma voisine est.. spéciale dirons-nous. Elle se comporte comme je n'ai pour ainsi dire jamais vu quelqu'un se comporter. Une sorte de petit électron libre qui construit des bidules.
Mais cette attitude, je dois dire que ça me plaît pas mal depuis que je la connais, elle a toujours le chic pour me remonter le moral.

Mais bon, je doute qu'ouvrir la porte et voir ma bouille de zombie tout droit sorti du cul d'un vieux taureau fatigué la mette dans de bonnes dispositions. Je fais donc de mon mieux pour reprendre un air un peu plus "habituel" mais visiblement sans grand succès vu de l'extérieur.

-Salut ma Juju', comment tu roules ?

Evidemment que j'ai l'air fatiguée. Et pas fatiguée dans le genre il me manque une heure de sommeil. Plutôt dans le genre je viens de me faire transpercer de part en part et j'ai miraculeusement survécu...

-On va dire que j'ai eu une journée compliquée. Plutôt du style "fin de Scarface" que "tout le reste du film". si tu me suis.

C'est compliqué pour moi de rentrer dans ses métaphores. Déjà habituellement mais encore plus maintenant. Enfin, je crois avoir réussi un truc potable cette fois. En tout cas, je cracherais pas sur le café. Un énième café, comme si ça allait changer quoique ce soit mais vous savez, j'ai le placébo conscient.

-Ouais, ça fera que le sixième aujourd'hui. Il faut bien que je m'entretienne.

Je m'invite donc à l'intérieur, constatant donc qu'elle travaillait bien sur quelque chose avant que je n'arrive. Et encore une fois, je serais bien infoutue de vous dire précisément ce que c'est. Tant que c'est rien qui risque d'exploser, moi ça me va. Les odeurs de brûlé qui peuvent émaner de chez elle ont eu le don de m'inquiéter. Ce n'est pas arrivé si souvent que ça mais je m'en souviens assez bien. Je suis devenue peut-être un peu trop prudente pour mon propre bien.
Je m'installe alors en me frottant les yeux et en retirant mon bonnet pendant que Julia prépare le café.

-Ma première expérience de donjon est... pas dingue. Tu t'y connais un peu ?

Si je pouvais avoir la moindre info sur comment fonctionnent les illusions et si ma situation est ne serait-ce qu'un peu normale, ce serait vraiment salvateur. Mais pour le coup, je n'ai jamais vraiment eu l'impression que ma Juju s'intéressait foncièrement à tout ce qui entoure le monde des éveillés. "Mariée à la science" dit-elle. J'espère bien que ... Pfff, je voulais être pinçante mais j'ai des douleurs qui me relancent un peu... Faut que je me calme, y a plus rien là où j'ai été attaquée...
J'ai ces espèces de douleurs fantômes depuis que je suis sortie de l'hôpital, ça me ramène dans ce couloir à chaque fois et ça me rend d'autant plus consciente de mon interface. J'ai rien trouvé d'autre que... d'attendre que ça passe...

Ouais, j’étais à peu près certaine que Scary avait vu des meilleurs jours. Il me semblait pas vraiment l’avoir vu dans un état aussi… Affligée ? Je saurais pas trop dire, mais là, c’était comme si elle avait vu la mort en face. Mais genre directement. Un connard qui roulait à contresens et sur le trottoir alors qu’elle n’était qu’en trottinette électrique ? Pire que ça je supposais, donc probablement que la vitre était ouverte et que de la musique bien pourrie passait en plus à la radio. Mourir passait encore, mais mourir sur une musique de merde était tout de même quelque chose d’abominable. Oui bon, j’exagérais, comme d’habitude.

“Perso, ça va ! A part que j’ai eu l’air d’une conne à Shanghai. Les petites vieilles un brin traditionnelles qui te capte même pas deux mots en anglais et qui se font des grands signes de tête pour te faire comprendre que tu t’en sortiras pas comme ça… Oh mais j’te rassure, y’a pas que là-bas où j’peux avoir l’air d’une conne !’’ Je me tapais un peu le sommet de la tête, pour montrer une certaine forme de bêtise dont j’étais parfois une spécialiste ! Mais bon, tant pis, le ridicule ne tuait pas, et ce qui ne tue pas rend plus fort, donc, par définition… J’ai faim. A force de reparler de chinois aussi…

“Du coup je me suis lancée sur un nouveau projet, un traducteur automatique performant, fiable et personnalisé ! Le genre à pouvoir te traduire en temps réel une conversation. J’essaye de faire la structure déjà. Mais bref, assez parler de moi.”

De son côté… Eh bien, c’était visiblement pas forcément très la joie. Elle était dans un de ces états… Les petits monstres qu’elle devait surveiller plusieurs fois par semaine avaient été particulièrement insupportables aujourd’hui ? A ce point ? J’en doutais fortement. Et la référence au célèbre film était probablement appropriée.

‘’Je vois l’idée… Mais si ça peut te rassurer, y’a pas de piscine dans mon appart !”

Au moins, elle ne finirait pas la tête dans l’eau, ce qui, à défaut, était déjà un avantage non négligeable. Au moins était-elle chaude à l’idée d’un café, même si j’aurais pu en cracher un à entendre que c’était déjà son sixième du jour ! Bon, une performance à relativiser, certains en gobaient… Trop. Trop par jour. Mais tout de même, c’était pas mal, surtout compte tenu de la situation.

“J’t’en fais un du coup. Entre ! Tu le veux comment ? Bien serré, ou plutôt cool détente pénard ? Je crois qu’il doit me rester quelques capsules à la vanille…”

Dans tous les cas, je m’y attelais. Ma machine à café était un des premiers investissements que j’avais fait en arrivant dans la vie active, afin de remplacer celle qui m’avait accompagnée durant mes années d’études, tombée au champ d’honneur peu avant mon diplôme.

Autrement, je la laissais s’installer sur mon canapé. La table basse était un peu encombrée, mon petit bordel organisé pouvait être peu accommodant, mais bon, j’étais chez moi merde ! Non, la zone à éviter, c’était mon bureau. Fallait dire qu’au fil des ans, bah… j’avais prit l’habitude de manger devant. Le cliché de la geek… Au moins, les assiettes vides couvraient les ronds de café, mais bon, elles n’étaient jamais empilées très longtemps. Je faisais la vaisselle et le ménage tout de même assez régulièrement !

Et donc… elle commençait à raconter. Sa première expérience en donjon ? Ah, probablement que cela était plus grave que prévu… Fin, au moins elle en était sortie entière, c’était déjà ça non ?

“J’y suis jamais allée malgré mon éveil. J’ai trop de truc à faire ici. Je suis pas dans le rouge, mais faut quand même que j’me bouge le derche à gauche et à droite. Au moins quand t’es mobile, les contrats tombent bien, et quand t’es compétente, encore plus ! Enfin, détail ça.”

Je me posais, tasse en main, à proximité, tout en la servant.

“Donc t’en a fait un ? Il s’est passé quoi ? Quelqu’un de ton groupe qui y est resté ? Des faucheurs ?”

Un... traducteur ? Pour quoi fai- Oh. C'est vrai que j'ai tendance à oublier que l'anglais n'est pas la langue native de tout le monde. Mais ne m'en voulez pas, tout le monde le parle de nos jours, avec plus ou moins d'accent certes mais c'est presque devenu un must depuis l'éclatement des temps de trajet ! A ce moment-là, c'est pas si bête que ça. Je me demande bien si le résultat fonctionnera aussi bien. Ce genre de chose, même maintenant, ça me semble toujours un peu futuriste. C'est comme les earpods, je me sens comme une agent du FBI quand j'en mets alors que je ne fais que surveiller des mômes dans une cour de récré.

-Eh bien, tu as de quoi révolutionner les rapports internationaux avec un truc pareil...

Habituellement, j'aurais probablement montré plus d'enthousiasme. Le fait est que je n'en pense pas moins. Mais on dirait que je suis suivie depuis que je suis rentrée à force de jeter des coups d'oeil à droite tout le temps. Si c'est pas moi l'agent du FBI, on pourrait croire qu'il y en a un qui a trouvé du LSD chez moi... Evidemment, j'en ai pas, vous êtes tarés ou quoi ?! Enfin, pas trop...
Après, je doute pas qu'avec un petit coup sur la langue je me vois bien dans une piscine mais là, le fait est qu'il y en a pas chez Julia... Je me demande dans combien de temps cette discussion lui fera réellement construire une piscine dans son salon. Et j'ose espérer que mon hallucination se sera barrée d'ici là.

-Ca va, je pense que j'ai eu ma dose pour la journée, pas besoin de changer de façon de faire.

Euuuuuh... Pffff, à ce stade, n'importe quel café me va mais je pense que mon organisme ne survivra pas à un trop serré de plus.

-Va pour la vanille sinon mon coeur va me claquer entre les doigts...

Je dois dire qu'au début, j'avais du mal avec le foutoir de Julia mais avec le temps, je me suis rendue compte que même en rangeant, ça finit par revenir. Donc j'ai un peu lâché l'affaire avec ça et je me suis faite à l'idée que c'est pas aussi propre que chez moi quand je viens ici. Et de toute façon, à part deux, trois merdouilles sur le canapé, y avait rien de bien dangereux pour mon confort.
Cela dit, comme je l'imaginais, Julia peut... assez moyennement me renseigner visiblement. J'imagine qu'elle a dû y pointer quelques fois mais sans spécialement plus s'investir. Enfin, ça va pas m'empêcher de lui poser la question quand la douleur sera passée. Ca me prend un moment de revenir un peu sur terre, le temps de réaliser que les hypothèses soulevées sont presque... eh bien moins enviables que ce que j'ai ressenti. Un mort ? Ca aurait pu être moi. Des faucheurs ? Probablement qu'il y aurait eu plus d'un mort.

Je prends ma tasse, j'avale une gorgée.

-Dans le ressenti... Ca m'a vraiment donné la sensation de mourir... Je me gratte l'arrière de la tête. J'aime autant pas donner tous les détails mais... je me suis faite piéger par mon groupe pour tester le piège d'une salle... Le gars a utilisé une illusion pour me leurrer dedans et le truc, c'est que je sais pas où elle commence et où elle s'arrête... Je pousse un léger soupir. Du coup je me demandais si tu savais jusqu'où une illusion ça peut tenir parce que je crois que j'ai encore des restes là...

Je fixe la fenêtre flottante... avec mes stats dessus. D'où ça sort ce truc ?

Etre chez-soi permettait d’avoir tout de même un sacré paquet de repères. Mais bon, ce n’était pas comme si Scary était bien loin de chez-elle. Suffisait qu’elle aille à la porte d’à-côté hein ! A la seule différence qu’elle n’aurait ni le café, ni la discussion. Enfin, discussion, je pouvais aussi bien me surnommer la nuisance sonore tant parfois je pouvais parler pour rien dire. Mais bon, si elle était là, c’était qu’il y avait une raison non ? Bref, je papotais si je le voulais !

Et déjà mentionait-elle mon projet du jour, le traducteur ! Probablement voyait-elle ça avec un poil trop d’optimisme. Révolutionner carément ? J’irais pas jusque là, mais vrai que ça pourrait être pratique… Peut-être que les ministres et autres diplomates étaient tombés sur la même grand-même incapable de parler un seul mot de la langue de… Bien des gens. Pourquoi en citer un spécifiquement ? Bref, si c’était le cas, ce serait l’occasion de trinquer avec des acteurs célèbres que je reconnaitrais probablement pas. Ce serait cool en vrai !

“Boarf… Peut-être ? C’est à usage personnel déjà. Puis si ça fonctionne bien… Ouais, j’pourrais poser un brevet et le commercialiser. Mais ça m’obligerait à en faire un truc moins brouillon, plus concret, et passer des heeuuuuures dessus lorsque d’autres truc me feront envie…”

Et oui, il fallait parfois tempérer un peu. Mais bon, dire ça alors que j’étais en train de faire chauffer la machine à café aux aromes de vanilles était un poil particulier, car les cafés, eux, seraient bien chauds ! Oh oui, les tasses elles-mêmes seraient en train de fondre. Pour ça qu’il y a les anses après tout. Mais d’une certaine manière, faire le café trop chaud, c’est une sorte de challenge. Comme ça, le premier qui boit montre qu’il n’a pas froid aux yeux, qu’il supporte une chaleur intense en bouche, et que ça ne le fait même pas chier ! Ouais, un café, c’est parfois une sorte de rapport de force. Mais ici, avec la douceur et l’onctuosité de la vanille. On est pas des barbares non plus.

“Et voilàààà ~ Tention, il est chaud !”

Cependant, l’heure était venu pour elle de parler de pourquoi elle avait cette triste mine. Son donjon donc… Déjà, rentrer dedans c’était pas sans risque, mais elle-même le savait. Je pense qu’elle le savait même mieux que moi. Bon, déjà, car elle y était rentrée, mais d’autres part… Bah l’Australie. Déjà qu’ils vivaient la tête à l’envers là-bas, pour elle ça doit avoir un autre sens. Enfin, un double. Double sens ? Oh puis merde.

Donc… Elle avait eu l’impression de mourir. Un gars de son groupe, une illusion, un leurre… Ouais, ça donnait pas spécialement du baume au cœur ça. L’impression d’être utilisée était vraiment désagréable, surtout lorsque c’est sa vie qui est en jeu. Du coup… Le goût amer qu’elle doit avoir en travers de la gorge ne partira pas avec une simple tasse. Ni avec de la javel. Enfin peut-être que si, mais clairement pas pour les mêmes raisons !

“Hum, combien de temps peut durer une illusion ?”

Vraie question ça en soit… Mais si elle était sortie du donjon et tout…

“Je suis pas une experte dedans, mais probablement pas si longtemps que ça. Je veux dire, au pire, quelques minutes non ? Surtout que tu devais pas être dans un si gros donjon, donc les gens avec toi -des connards d’ailleurs pour t’utiliser ainsi- devaient pas être trop fort non plus…”

J’essayais de réfléchir tout de même à s’il y avait un cas. Mais à part le coup sur le crane, je ne voyais pas trop ce que cela pouvait être.

“Du coup t’as encore des effets secondaires dans l’immédiat ? Tu te sens encore dans cette illusion ? Hey j’peux t’assurer, t’es plus dans le donjon là ! Et… enfin, comment j’pourrais te prouver ça… Fin, si c’est illusoire, j’crois pas que ce type me connaisse, ni qu’il sache que t’es ma voisine ! Et tout ! Enfin… Je suis pas une illusion quoi !”

Restait que si elle avait des effets secondaires, c’était inquiétant, mais qu’est-ce que ça pouvait être, ça…

“Chais pas, c’est quoi tes symptômes et ce que tu vois ?”

Oh vous pouvez vous moquer ! Je ne m'y connais pas trop en science, je dis juste que de loin, un traducteur automatique et portatif, ça ressemble à une invention révolutionnaire. Alors après, si ma Juju se dissipe trop pour en faire du concret et du démocratisable (si tant est que ça se dit)... ça n'annule en rien la prouesse ! Il faut dire, elle gère ses inventions bizarrement. Vu qu'elle passe d'un concept à l'autre, ils ne finissent pas bien peaufinés et elle passe juste au suivant. Ce n'est pas vraiment comme ça que je gère mes créations mais je pense qu'une composition n'a pas du tout le même type de travail  que ce type de gadgets à la pointe.

-Tu devrais peut-être... l'envisager. Je te sais efficace sur ce genre de choses donc pourquoi pas essayer d'en faire quelque chose de commercialisable.

Allez... un nouveau café. Je commence à avoir l'impression que ce goût fusionne avec mon palais... Mais ça fait du bien d'en boire... même si ça doit commencer à être corrosif pour mon estomac à ce stade.
Bref, il est temps de parler de ce qui fâche et malgré son manque d'expertise, je l'écoute relativement attentivement. Ne serait-ce que pour avoir son avis sur la question. Reste que ça ne me rassure pas des masses. Que quelques minutes dit-elle, ça ne m'a pas l'air de correspondre à l'idée et elle a sûrement raison : malgré leur sac à merderie, les gens avec moi n'avaient probablement pas un niveau suffisant pour m'altérer à ce point. Mais le donjon aussi donc ça ne pouvait pas venir de là non plus... Quoique le couloir où je me suis retrouvé m'a paru sacrément hors de propos pour une zone de bas niveau.

Ce serait un genre d'anomalie ?
Attends, si une illusion fonctionne de par le donjon... qu'est-ce qui me dit que je ne suis pas encore dedans ? Ca expliquerait que ça dure si je suis encore dans une salle. Donc... Mais pourquoi il me ferait croire que je suis sortie avec une pauvre modification dans ma vision ? Ma vie est à peu près la même donc je ne vois pas pourquoi une illusion rajouterait ce truc précis, cette interface...
Donc...

-Je... pense que je vais te croire sur le fait de bien être sortie de là...

Ca va être... compliqué de bien décrire ce que je vis mais... on va essayer.

-C'est... spécial. Tu vois dans les jeux vidéos, ces espèces d'interface avec des stats et un inventaire... J'ai ça qui... flotte dans mon champ de vision.

...
Ca sonne complètement con, mais à un point de stupidité... Mais bon au point où j'en suis...

-5 En vitalité, 10 en vigueur, en agilité et en intelligence, 5 en perception, 2 en volonté et 1 sur tout le reste... Je peux... accéder à un inventaire mais il n'y a rien dedans.

Pitié crois-moi, dis-moi que je suis pas timbrée par pitié... Je crois que c'est la première fois que j'essaye vraiment de faire quoique ce soit avec et honnêtement, je n'aurais jamais cru que ce soit aussi détaillé. C'est presque trop complexe pour n'être qu'une illusion.

-Oh mon dieu, en le disant, ça me paraît encore plus absurde que de réellement le voir...

Ah, finir ses projets… C’était une théorie que je connaissais, même si je devais admettre que je n’étais pas spécialement une grande partisante. Lors de mes années d’études, je prenais un maximum d’avance dès le début, au point de presque le finir. Et généralement, c’était les autres de mes groupes qui le terminaient, plus ou moins laborieusement. Ça m’était déjà arrivé de sortir une version finie dès la première semaine. Mais bon, c’était avant, avec des deadlines et tout. Là, je remplissais mon frigo avec des petits boulots sans trop de prétentions tout en développant deux trois trucs lorsque l’envie était présente. Donc ouais, maintenir l’envie pour en faire quelque chose de commercialisable.

“Ouais, j’devrais surement… Mais bon, tu m’connais. La flemme et l’envie de faire autre chose. Fin, ça dépendra d’en combien de temps j’arrive à en faire un prototype ! Déjà, faut que je termine le support et que je commence les tests. Y’aura surement un temps d’adaptation vu que j’ai une IA dedans, et même si elle connaît les dicos, la phonétique c’est pas aussi inné que j’le voudrais. Mais j’ai déjà bossé sur des trucs de reconnaissance vocale, donc ça aide.”

Sans entrer dans les détails évidemment. Je risquais de la perdre. Et avec le regard qu’elle avait et la fatigue… Ouais, j’avais déjà franchi ça. Bref, un détail encore une fois, de toute façon, un café entre les mains, les sujets pouvaient venir et partir comme une gorgée brûlante. Tain, elle était motivée tout de même. La fatigue faisait que son bon sens était parti en flamme ? Peut-être… Mais vu le sujet qu’elle abordait, je commençais presque plutôt à soupçonner un coup sur la tête.

Bon, au moins elle écartait la thèse comme quoi tout était une illusion. Ce qui en soit permettait d’expliquer beaucoup de choses, mais ça aurait été se voiler la face. J’me sentais, perso, bien réelle, donc ça devait aller ! Cependant, la description de ses symptômes était… Un peu plus particulière. Elle voyait une sorte d’interface ? Avec des stats et un inventaire ? Mais whaaaat ?!

Je devais admettre qu’au fur et à mesure qu’elle entrait dans les détails, mes yeux s’écarquillaient un peu. Non pas que je lui faisais pas confiance hein, mais c’était quand même dur à gober.

“T’as l’air d’être au bout de ta vie… T’es sûre que c’est pas la fatigue qui te fait avoir des hallus ? Fin, ça expliquerait pas spécialement pourquoi t’es aussi épuisée… Hum…”

Franchement, c’était difficile à croire qu’elle avait, soudainement, une sorte d’inventaire et des stats qui étaient apparues. Pour ainsi dire que c’était un peu inconcevable. Mais cependant, j’devais admettre que ça paraissait suffisamment excentrique pour paraître au minimum plaisant. De plus… Ouais. Y’a certains trucs qui trompaient pas.

“M’enfin, t’as l’air d’être trop crevée pour spécialement me faire une blague. Donc euh… A défaut, je vais te croire, même si ça parait super étrange. J’veux dire, y’a vingt ans personne pensait qu’on pourrait un jour balancer des boules de feu et bam, les éveillés, les runes et les donjons, donc ça serait pas le truc le plus improbable !”

J’affichais un sourire un peu confiant, limite assez optimiste pour le coup. S’il y avait ça qui commençait à apparaître… J’avais pas spécialement de réponse.

“Chais pas, t’as peut-être eu une sorte de truc spécial dans ce donjon ? En tout cas, c’est pas un truc commun… Une sorte de “super perception” ? Après, je sais pas à quoi correspondent trop tes stats, ni leurs valeurs d’ailleurs. Hum… Faudrait peut-être retrouver les types avec qui t’étais en donjon, et leur demander s’ils ont la même chose ? Au pire, ils te regarderont avec de grands yeux, non ? Puis, t’as sûrement des comptes à régler vu leurs méthodes !”

Trouver des solutions, essayer de rationaliser ce qui ne pouvait pas l’être, ou du moins, pas encore à mon échelle. L’hypothèse du coup un peu trop fort sur la tête ou de la fatigue demeurait hein, vu que je pouvais pas spécialement voir ce qu’elle avait en tête. Difficile de faire une preuve.

“Mais bon. A part des statistiques de JDR, t’as quoi d'autre ? Un inventaire c’est ça ? Y’a même pas tes vêtements dedans ? Ou alors ils sont dans une fenêtre d’équipement ? Faudrait tester un peu ! Damn, tu me rends curieuse, et pourtant je peux rien voir !”

Sur ces explications scientifiques si détaillées par ma Juju... J'affiche un regard qui en gros veut dire : "Ouais grave ! J'ai absolument RIEN bité à ce que tu baves comme saloperies scientifiques mais je soutiens à fond poto !" Bah oui, j'ai déjà de base pas le cerveau paramétré pour ces trucs-là, alors en ce moment encore moins. Et c'est clairement pas un café qui va m'aider à comprendre. Déjà que ça va à fond la caisse là-haut...

-... Ouais.

A pensée de bille, réponse de bille. Enfin, avec ce que j'ai dit plus tôt, je pense qu'elle a bien pigé que je soutiens le projet. Je le montrerai un peu plus un autre jour par contre.

Cela dit, je savais bien que cette histoire était juste complètement absurde. Je veux dire... Pourquoi elle croit que je demandais si c'est une illusion ? Même elle, son premier réflexe c'est de penser à une hallucination. Et je commence à me demander aussi. En vrai... Je ferai mes taxes demain, je vais commencer  à me lever et aller me reposer... Mais avant même que je bouge, ma Juju recommence à cogiter et elle commence à évoquer des possibilités que... j'aurais honnêtement pas envisagé. Une sorte... d'évolution ? Mais comment je me prouve ça moi... ? Un truc bizarre dans le... Merde, je veux pas me rappeler... Je veux pas...

-Je... peut-être, sans doute, je... je veux pas refaire le film, c'est trop frais...

La clé de l'histoire est sûrement dans le tiroir où j'ai décidé de ranger les détails mais j'ai pas le courage de l'ouvrir sinon je vais m'effondrer...
Et... retrouver ces gars-là ? Elle est folle ? Ils avaient tous un niveau de plus que moi et ils ont fait leur service militaire. Je suis une témoin gênante, il est hors de question de me repointer devant eux ! Pas tant que je suis à ce point en bas de l'échelle en tout cas.

-N-Non non non ! Je vais éviter ! J'ai vu qu'ils ont essayé de me fumer, même indirectement, ce serait une occasion en or de me faire taire !

Faut revenir sur les faits de ce que je vois et ce que je peux faire avec en effet. Je peux interagir avec mais qu'est-ce que je peux faire de plus...

-Mmmmh...

Je pourrais la prendre en photo- Je suis conne ou quoi ? S'il y a que moi qui peut le voir, mon téléphone le verra pas non plus... Oh mais y a un inventaire là-dedans. Et y a mes vêtements mis en cosmétiques sur ma page d'équipement. Peut-être que je pourrais... mettre un truc dans ma réserve... Ouais, genre mon haut. Ca fait-

*POP*

Soutif à l'air.

-... Eh ?

HOULA HEY NON ! REMETS CA ! Voilà mieux ! On va faire ça avec le bonnet hein, ça marchera mieux !

*POP*

-... On va écarter la thèse de l'illusion donc.

Je suis un peu... abasourdie et je dois processer beaucoup... beaucoup de choses. Genre... je suis pas tarée. Attendez, c'est peut-être juste un truc de base de chasseur ça ! Si ça se trouve... Je prends ma tasse, je la descends en trois bonnes gorgées et j'essaye de la ranger dedans et... CA MARCHE ?!

-... C'est pas vrai... Je... Juju, j'ai pas rêvé, les objets que j'ai mis dans l'inventaire, tu les vois plus hein ? Je suis pas en train de faire un rêve fiévreux ?

Ouais, Scarlet était encore un peu en état de choc. Fin, pas au pic de ça, mais je crois qu’elle n’arrivait pas encore à bien comprendre ce qu’elle venait de traverser. Une sorte de début de traumatisme ? Peut-être, après tout, je savais pas ce qu’elle avait traversé dans ce couloir, ou dans cette sorte d’illusion. En tout cas, lui parler de science et toutes ces choses était pas spécialement la meilleure des idées, loin de là ! On allait se limiter aux choses simples alors, et prendre le temps de bien faire les choses.

“T’inquiètes, après ça on fera autre chose ! Doit bien y avoir quelques séries qu’on devait se découvrir. Avec tout ce qu’ils sortent en ce moment… La dernière que j’ai vu avait des effets spéciaux épouvantables ! Genre qu’ils avaient un balai en guise de post-prod. Ou un bébé. Ou peut-être les deux ? Boarf…”

Cependant, après cette digression, la proposition de revoir les types de son donjon fut accueillie avec, comment dire, un certain refus. Elle comptait laisser couler ça ? Les laisser filer alors qu’ils avaient voulu la refroidir ?! Putain !

“Évidemment va-y pas toute seule ! T’as surement un service des réclamations à la guilde des chasseurs ! C’est sûrement pas la première fois que ça arrive, et c’est comme si ces types étaient des faucheurs, donc bon, t’imagine bien qu’ils devraient pas trop laisser passer ça normalement ! Mais ouais, le cas où ils font rien faute de preuve, ça risque de te retomber dessus.”

Il fallait donc réfléchir à une solution. Une qui serait efficace même sans la guilde des chasseurs.

“Hum… Te faut des gros bras. Genre tout un troupeau de gorille ! Pas forcément littéralement cependant.”

Dans tous les cas, aussi évidentes mes propositions pouvaient être, restait que ce n’était pas le plus important dans l’immédiat, et que Scary était en train de voir des trucs chelous à cause de ce qu’elle venait de traverser. Si elle avait un inventaire, alors elle avait sûrement moyen d’avoir des informations. Genre combien d’argent elle avait dans son porte monnaie sans même compter. A vrai dire, à par connaître le contenu de ses poches, donc ce qui devait être un avantage lorsqu’elle cherchait ses clefs, je voyais pas trop l’utilité dans l’immédiat. Sauf si elle se déssapait d’un coup devant moi.

“Hein ?”

J’avais… Fermé les yeux un instant, et je me retrouvais avec Scary qui… Venait d’enlever son haut. En l’espace d’un centième de seconde ! Et même pas qu’elle l’avait enlevée, elle venait de le faire désintégrer !

“Oh my !”

Petit commentaire surpris évidemment, me laissant rire un coup, avant qu’elle ne le fasse réapparaitre sous mes yeux. Genre… Normal. Attends, elle venait de faire depop et repop ses vêtements ?! Une nouvelle fonction que je ne connaissais pas ou… Nan j’avais pas rêvée, elle venait de faire la même avec son bonnet ! MAIS WHAT ?!

“T’as fait ça comment ?! Nan question stupide en fait…”

Car j’avais la réponse directement. Ce qu’elle ne voyait n’était pas qu’une simple illusion mentale. Elle… Elle avait littéralement débloqué des supers-pouvoirs ! Un inventaire dimensionnel qui lui obéissait au doigt et à l'œil ! Et c’était pas simplement qu’une garde-robe portative, non ! Car elle venait de faire disparaître un mug, non sans avant avoir fait disparaître le contenu encore fumant dans sa gorge !

“Woh putain !”

Ouais, première réaction. Instinctive. J’en restais bouche-bée. Je la regardais avec de grands yeux, stupéfaite de ça.

“Eh bah Scary, t’as débloquée des superpouvoirs."

Pour essayer de lui prouver, je posais ma main sur sa tête -fallait lever le bras haut, je sais-. Elle devait bien sentir qu’il n’y avait plus de bonnet de ici ! Ni même de tasse, même si cette dernière n’était pas sur sa tête. Encore heureux d’ailleurs.

“Du coup ouais, pas une hallu, ni un coup sur la tête. Faut croire que ma théorie sur le fait que t’ai débloquée un truc spécial dans ce donjon est pas complètement folle ! Ouah quand même, ça peut impliquer tellement de choses… Genre hey, tu peux tout prendre dans ton inventaire ? Genre des même des chaises ou le canapé ? Attends, vérifie déjà que tu peux sortir la tasse. Pas envie de me faire cambrioler de la plus scientifique des manières ! Oh, et attention à la réception. Ça se trouve, ça les balance par terre plutôt que de les poser. Trop envie de tester un max de trucs !”

Ouais... faire autre chose, ce sera pas de refus... Même, je crois que je vais virer timbrée si je le fais pas. Ca me permettra peut-être d'oublier un peu ce que j'ai... voilà...

-Je... dirais pas non ouais...

En tout cas, Julia a l'air vraiment à fond dans l'idée de rendre justice. Faut pas croire, moi aussi, c'est juste... trop tôt. J'ai besoin d'un peu de temps, ne serait-ce que pour me reposer. DE toute façon, pensez bien que j'ai gardé et noté tous les noms des connards présents ce jour-là. Que ce soit tôt ou tard, je veux qu'ils bouffent le bitume. Mais vous m'imaginez là ? Aussi crevée que si je venais d'accoucher et avec la gerbe comme pas permis aller demander qu'on casse la gueule à des gens ? Ca ira merci.

Et puis quoi encore ? Les menacer avec un gros bras ? Haha quelle blague- Oh merde elle vient de le proposer. Nan mais ça va pas ? C'est déjà risqué de base alors me mettre à jouer la méchante ? On va éviter.

-N-Non non, je passerai par les voies légales ! Tu sais, les interrogatoires de chasseurs, ça doit être basée sur une sacrée stat de Perception. Donc faute de preuves, ils verraient que je ne mens pas.

J'espère en tout cas.

Mais c'est en faisant tout ces tests que... mon cerveau bouillonne. J'ai chaud. J'ai... tellement de pensées qui me viennent. Ca ne veut pas s'arrêter. Je revois la salle, je ressens la douleur, je me rappelle de la peur, de TOUT.

Et je réalise.
Que c'est arrivé.

-A-Aaaah...

Je sais qu'elle parle mais je n'arrive plus à écouter. Je revois, je ressens, j'ai chaud. C'était réel ! C'était TELLEMENT REEL PUTAIN ! J'ai envie de vomir, j'ai la tête qui tourne. Je vois flou. Non, je vois rien, je vois RIEN ! Juste les bougies ! Les bougies et cette brique, cette putain de brique que j'ai prise pour ma salvation ! Non, non, non NON ! JE SUIS SORTIE ! JE SUIS PLUS DEDANS ! POURQUOI JE SUIS LA ?! J'ai envie de vomir, je Où je suis ?

-Hic- eurgh...

Les... les toilettes...

-Eurgh... Euuuugh...

... Ca fera... un problème de caféine en moins...
Je lève la tête... ça tourne toujours... Julia, elle m'a suivie ? Oh putain, j'espère que j'ai pas cassé ses canalisation avec ça...

-...J'étais morte Julia... Et ce truc m'a ramenée... Ca disait que... que j'allais devenir une Joueuse...

Parmi toutes ces scènes plus absurdes les unes que les autres, j'ai compris ce qui m'était arrivé d'un point de vue. Merde... Je suis morte... Je suis vraiment morte...

Mouais, la volonté de Scary à passer par les voix légales était un peu embêtante dans cette situation. C’était que, bon, ça serait sa voix contre celle des autres, et faute de preuve, cela serait bien difficile, surtout qu’elle avait été laissée pour morte et, maintenant, ne présentait pas la moindre blessure. Fin je la croyais de mon côté hein, entre ça et la démonstration que j’eu juste ensuite, j’avais aucune raison de douter de sa sincérité ! Cependant, suffisait que les types soient suffisamment préparés pour masquer leurs traces et ils se retrouvaient pénards. Ouais, mauvais plan ça…

Cependant, le problème qu’il y eu ne fût pas administratif, loin de là. Scary commença à se sentir pas vraiment bien. Elle était presque livide et suait à grosses gouttes. Dès vertiges ? Un malaise ?

“Scary ?”

J’essayais de lui parler un peu, pour la faire garder connaissance mais… Elle était comme possédée, en pleine crise de démence là ! Elle se leva, et marcha maladroitement vers mes toilettes, avant de… Eh bien… Dégobiller dans mes chiottes. C’était pas spécialement le café qui en était responsable hein ? Nan, question idiote hein, c’était bien pire que ça, clairement une sorte de contrecoup de sa transformation. Ou de ses nouveaux pouvoirs. Un truc du genre. Et dans ce genre de moment, à part être choquée et la regarder vomir dans mes toilettes, j’étais juste impuissante. Bon sang que je détestais ce genre de moment où je pouvais rien faire.

Et… Elle balança ce qu’elle avait traversé. Elle racontait avoir été tuée et… Ressuscitée ? Putain, le dernier qu’avait fait ça avait eu un culte à son nom si fort qu’on en parlait deux milles ans après. Est-ce que j’étais sensée être sa première fidèle ? Son apôtre ? Nan, c’était pas vraiment le genre de la maison… Mais c’était surtout le terme employé. “Joueuse”... Elle était une joueuse ? C’était le nom de ce qu’elle était ? Et un truc qui l’avait ramené à la vie ? Putain qu’est-ce que c’était que cette merde… Bon, déjà, l’important c’était elle.

“Déjà, termine c’que t’es en train de… Sortir.”

Ouais, c’était pas très beau à voir, ni à sentir. Mais dans ce genre de situation là, c’était la priorité. Sitôt qu’elle arrêta de dégobiller, je la pris dans mes bras pour l’allonger dans mon lit, avant de la forcer, qu’elle ne le veuille ou non, en PLS. De toute façon, vu son état, je crois qu’elle allait pas être d’une super grande résistance. Restait à prendre rapidement à l’autre bout de la pièce un sac, qui servirait en cas d’urgence. Après, plus qu’à m’installer sur ma chaise de bureau, pour me mettre juste devant elle. Putain…

“Reposes-toi déjà, t’es au bout de ta vie. Tu dors ici ce soir, t’arrivera rien.”

Au moins, ça allait me permettre de garder un œil sur elle. J’pensais pas spécialement qu’elle allait refaire une crise ou un truc du genre, mais… Bon, elle était pas spécialement en bon état. Ça me paraissait pas être une mission impossible de l’amener dans son appart, à côté, mais… J’crois qu’avec ça, j’avais au moins besoin de me rassurer sur le fait qu’elle allait bien.

Cependant, ça amenait d’autres questions tout de même. Une joueuse ? Un truc qui l’avait… Ramené à la vie ? Putain, est-ce qu’elle était en train de me dire qu’il y avait véritablement une forme de vie supérieure qui nous jugeait ? Jamais été pieuse, mais là… J’avais littéralement eu un miracle sous mes yeux, donc j’crois que je devais reconsidérer la chose là.

Urgh, tout mon café qui ressort. Ca dure... beaucoup trop longtemps. C'est insupportable... J'ai pas vomi comme ça depuis... 6 ans... J'espère juste que... que je vais pas me retaper la dépression qui va avec. Je crois J'ai presque l'impression de plus être là où je suis... j'arrête juste... pas de voir ce que j'ai vu encore et encore... Merde, j'ai l'impression d'être torchée dans ce long couloir, j'arrive plus à marcher. Je marche ? Oh putain je viens de revenir sur terre. Julia me ramène dans la chambre et... eurgh... Ouais j'en ai besoin. Je peux pas rester toute seule là, je vais juste rester... là...
Et... et ça me rassure de pas rester toute seule cette nuit.

-O-Oui... ça... me ferait sûrement du bien... Merci ma Juju...

Je m'allonge et... ouais je suis pas en super état, j'ai la tête qui tourne, comme quand on a un peu trop fait la toupie et qu'on tombe par terre. J'attends... un peu que ça passe en mettant mon bras sur mes yeux.

-... Je voulais devenir plus forte... et voilà que je trouve le moyen de mourir dès le premier pas... C'est ridicule...

Tu parles d'une australienne en bois... J'aurais pu rapetisser encore plus notre nombre, déjà plus bien haut... J'en ai déjà parlé à Julia, que c'était mon envie, faire des donjons et éviter que ça n'arrive à nouveau... alors  elle plus que n'importe qui elle doit bien voir l'ironie de la situation.

-C'est peut-être... un avertissement... Je dois peut-être arrêter...

Ou alors...

-Ou alors... on me donne des armes pour mieux y arriver... Mais si c'est ça...

Si c'est ça, le gars en charge de cette merde est un enculé de sadique. Si... S'il voulait me donner de nouveaux outils pour arriver à mes fins... Il y avait peut-être... PEUT-ÊTRE PLUS SIMPLE NON ?! Genre... Un artefact ?! UN bijou ?! Juste un deuxième éveil ?! Mais le trauma, c'était vraiment OBLIGATOIRE ?! Allez... Allez vous faire mettre... Putain j'arrive plus à parler, j'ai la gorge trop nouée...

-Désolée Julia, je voulais pas t'embêter avec ça... Je suis vraiment désolée...

J'ai la tête qui tourne... Je crois que je suis en train de sombrer...

***

Merde... Je me souviens pas d'avoir aussi mal dormi depuis des lustres... J'ai l'impression d'avoir dormi une semaine entière et- Julia ? Ah oui j'avais oublié qu'elle se gênait pas pour dormir avec quelqu'un... Je lui dois bien ça vu qu'elle a accepté de m'héberger pour la nuit... et qu'elle a dû supporté ma crise... Je... Je vais me lever et lui préparer le petit déjeuner pour la peine.. Alors direction la cuisine... Je dois déjà faire le café... Et me concentrer là-dessus, ne pas me laisser me rappeler de quoique ce soit d'autre...
Des oeufs, du bacon et... Ah, ça y est elle est levée.

-Oh, salut ma Juju... T'occupes de rien, je prépare le petit déjeuner... Pour te remercier de m'avoir laissée dormir ici.

Pour être particulièrement honnête, ça avait pas été spécialement la meilleure nuit que j’ai pu avoir ces dernières années. Oh, j’en avais eu des pires. Et plus courtes aussi. Des fois où, plus ou moins involontairement, je me rendais compte trop tard qu’il était… Bah, trop tôt. Et d’autres insomnies aussi, pour ne rien arranger. Cependant, ça m’avait laissée tout de même sacrément songeuse sur tout ce qui pouvait passer par la tête de Scary actuellement.

Forcément, lorsqu’une personne que vous appréciez vous balance qu’elle s’est faite tuée dans un donjon et que maintenant elle peut faire des miracles, ouais, j’me demandais si j’étais pas en train de devenir une sorte de témoin de… Je sais pas trop quoi. En tout cas, avec la fatigue, elle avait eu quelques petits délires, des phrases soufflées dans une détresse à laquelle je pouvais pas faire grand chose, si ce n’était veiller sur elle. Dans cet état… Punaise, j’étais impuissante quoi. Et je pouvais juste lui dire que ça irait sans en être certaine. Même si bon, chez moi, c’était sûr. Et je m’en assurais en verouillant à double tour mon repaire. Ça arrêterait pas forcément grand chose, mais c’était psychologique.

Du coup, pour passer le temps, je continuais à bosser sur mon traducteur. Un peu de code hein, j’allais pas faire du fer à souder à proximité d’elle. J’étais pas folle non plus ! Mais au moins ça m’occupait l’esprit, et de temps à autre, je vérifiais qu’elle dormait bien. Elle eu tout de même quelques marmonements, comme si… Ouais, quelque chose la travaillait, et j’pouvais que comprendre. Et je du rester comme ça pendant quelques heures, avant de me dire que, peut-être, ça serait mieux si j’allais dormir aussi. Au moins ça ferait passer le temps.

Donc j’enjambais (et vu ma taille, c’était un challenge) l’australienne dans mon lit, avant de m’affaler du côté opposer. Réussir à me faufiller sous la couverture et arracher un bout d’oreiller fut simple, étant donné que j’en avais une sacré collection. Je sais plus qui disais que si tu dormais avec plus de deux oreillers, t’étais un psychopate, ou un truc du genre. Peut-être, mais au moins j’en étais une qui dormais particulièrement bien. Première qualité du psychopate, son sommeil !

Bref, restais plus qu’à fermer les yeux, juste un peu, avec quelqu’un dans mon lit… Mais rien de plus, évidemment !

*****

Ce fut quelques vibrations un peu molles qui vinrent à me faire sortir de mon sommeil. Enfin, manière de dire. C’était pas parce que j’avais gagné un semblant de lucidité que j’étais parfaitement émergée. Loin de là en fait… La nuit avait été courte et j’étais pas mal décoiffée. Et ouvrir un oeil fut une sacrée épreuve en fait… Ah oui, quelqu’un… Oh, y’avait quelqu’un ? Ouais, Scary. On avait rien fait pourtant. Dommage, ça aurait pu être drole. Mais elle était pas dans un état. Ah oui, la veille me revenait en tête. Bon sang, devait y avoir une odeur dans les chiottes… J’allais devoir mettre du produit ou un truc du genre. Ou je l’avais fait hier ?

“Hummmmpf…” Fis-je en me redressant difficilement, faisant craquer les deux côtés de ma nuque avant de dévisager la forme orangée sans bonnet qui circulait dans mon appart. Et il fallait lui accorder une salutation digne de ce nom.

“Lu’.”

Ouais, j’avais fait mieux. Mais ça demandait habituellement plus de sommeil. Et au moins que je m’étire une grande fois, ce que je fis, essayant de faire craquer la moindre partie de mon corps. Punaise, je me sentais comme engourdie, à un point… C’était pas le plus agréable si je devais être spécialement honnête. Mais bon, au moins, j’avais une satisfaction temporaire en entendant les petits bruits successifs de mon corps.

“Aaaah… Ça va ? Pas trop mal dormi ? Tu m’excuseras, j’ai la tête dans le… Cul, ouais.” Pourquoi être polie hein ? “Et t’inquiètes, vu comment t’étais hier… C’était soit tu dormais ici, soit j’dormais chez toi. Et vu qu’on était là… C’était plus rapide.”

Mathématiquement exact en plus. Je pouvais balancer des vérités le matin, woah, je m’en rendais même pas compte ! Mais bon, sauter dans mes chaussons déjà, trainer les pieds jusqu’à la cuisine en prenant en même temps ma tasse pour la mettre à proximité du service offert… J’allais pas refuser non plus, hum ?

“Tu prépares quoi ? Tain, ça fait des lustres que j’ai pas eu un vrai petit dej. Fin sauf à l’hôtel. En fait, c’est quand quelqu’un vient que j’en fais… Ou lorsque j’ai un creux. Une sorte de gouter du matin. J’veux dire… C’est intemporel les céréales, pas vrai ?”

J'ai... vraiment mal dormi cette nuit. J'ai eu terriblement chaud et j'ai passé le temps à revoir des flashs de ce qui s'est passé. Et... Je crois que mon interface est présente même en rêve donc... sur le moment j'étais un peu rassurée au moins vu que ça me confirmait que je n'y étais plus. Et pourtant... La panique était bien là, tellement intense que j'en avais presque envie de me réveiller. Et je n'y arrivais pas. J'appelais à l'aide mais rien ne sortait, comme si ma voix s'était éteinte le temps de cette nuit. Je repense en faisant le café à ce moment où j'ai voulu appeler Julia pour qu'elle me réveille mais que ma gorge refusait de laisser passer le moindre son.
C'est comme... les terreurs nocturnes quand on est enfant... qu'on veut appeler Maman pour qu'on nous sorte de ce cauchemar mais que rien n'y fait. Elle ne vient pas et on est coincé jusqu'à se réveiller par la force des choses... Parce que Maman dort...

-Putain...

Au moins je me console un peu en me disant que je suis pas la seule à avoir une tête de serpillère au réveil. Quoique je dois aussi donner l'impression d'avoir du phare à paupière. J'ai tellement de cernes que je les sens peser en haut de mes joues. Donc est-ce que j'ai bien dormi ?

-... C'est relatif... D'un côté j'ai dormi avec ma voisine préférée et de l'autre, j'aurais presque voulu ne pas dormir...

Donc qu'est-ce que je prépare ? Rien de bien cavalier. Du café, des oeufs au plat avec du bacon et des tartines beurrées. Enfin, j'espère que le bacon en question est encore bon. Les oeufs aussi d'ailleurs... Et le pain. OH et puis merde, je peux quand même partir du principe que Julia a encore des produits frais chez elle. Rien n'a l'air moisi ou mal odorant.
Bref, je fais cuir les oeufs sur le bacon, ça leur donne du goût. Je sers tout ça dans une assiette avec les tartines grillées sur le côté.

-Je fais du classique, oeufs, bacon, tartines, café. Au moins, ça nous fera décoller pour la journée...

J'espère en tout cas.
J'apporte tout ça à table mais avant de m'asseoir je... prends Juju dans mes bras. Juste un peu, je pense que j'en ai besoin...

-Merci de ne pas m'avoir lâchée ma Juju...

Et ainsi je vais m'installer pour commencer à manger. Bon, moi j'ai l'habitude vu que c'est mon petit-déjeuner habituel mais de ce qu'elle a dit, c'est assez rare pour Julia de manger ce genre de bouffe au réveil. J'espère qu'elle n'a pas de problème avec le salé en sortant du lit. Je sais que ça peut en dégoûter certains. Mais bon, j'y ai quand même mis du mien ! Le blanc des oeufs n'est pas gluant et le jaune est resté coulant, le bacon est à l'extrême limite entre pas assez et trop cuit et les tartines sont... Euh, dépend de ses goûts je pense. Je les ai juste faites dorées.

-Tu devrais les tartiner vite avant qu'elles refroidissent. Je prends une bouchée des trois ingrédients en même temps. Le beurre fondra plus vite.

J'ai l'impression de dire des évidences mais si ça se trouve, elle n'est vraiment pas au courant si elle se contente de céréales tous les matins... Après, ça fait peut-être un peu méprisant, ce sont les mêmes conseils que je donne aux enfants qui mangent le petit-déjeuner à l'école le mercredi. Si si, ça se fait, pour les parents qui partent travailler trop tôt. Ils déposent leurs gamins et on les fait manger.