Y’a pas à dire. Etre sérieuse trop longtemps me pompait l’énergie à un point, c’était… Choquant. Mais bon, au fil des années, j’avais l’habitude hein ! Il y avait forcément un moment où, durant les interminables cours magistraux en amphi où je commençais à jouer avec mes stabylos. C’était drôle en plus, ils avaient des têtes de monstres marqués dessus, et… Bah souvent, mes voisins participaient. Comme quoi, j’étais pas la seule à me faire chier ! Et s’il y avait eu quelques réprimandes, ça m’avait jamais empêché de truster les premières places.

Ah, l’univ… C’était une autre époque, qui maintenant me paraissait encore plus lointaine ! Cela faisait à peine quelques heures depuis que j’avais quitté le bureau de Kerwin, à discuter de prothèses et autres choses. Ma tablette était pleine de crayonnés, et dessins, d’esquisses et de plan techniques. Sans parler des instructions, notes, algo et autres que j’avais pu mettre. Ouais, autrement dit, j’avais du pain sur la planche, mais là… J’avais envie de faire autre chose, de me laisser aller un peu à ma connerie. Mais bon, j’étais quand même à l’autre bout du monde et bloquée pour un peu de temps ici.

Mais bon, se faire chier au japon était quand même un sacré défi !

Alors que j’étais devant un distributeur à prendre une briquette de thé au fromage (me demandez pas pourquoi ça existe, j’en ai pas la moindre idée et c’est pour ça que j’ai acheté), une voix pas mal forte détonait avec le reste de la rue. Et en me retournant tout en plantant ma paille dans le même geste, je vis une fille assez… Singulière. Avec sa casquette sur la tête et la cape, on croirait vraiment une personne qui se cosplayait… Enfin, vu l’autre énergumène que j’avais croisé avec son masque, j’crois que j’avais mon lot de surprise pour la journée !

Toutefois, elle me fit tout de même un peu rire. Fallait en avoir de l’audace pour s’exposer comme ça en public, surtout pour avoir un discours aussi… Well, endiablé ! Mais j’devais admettre que sa prestation improvisée était tout de même impressionnante ! Pour être franche, j’avais pas la moindre idée de quel rôle elle était en train de prendre, mais… Y’avait quand même une passion qui se dégageait, s’en était assez rafraichissant.

Et si j’m’invitais ? Que je la faisais interagir un peu ? Why not après tout, ça pourrait être drôle ! Ce fut ainsi que j’m’avançais vers elle. Bon, ma tête devait un peu détoner avec le reste du coin, mais bon, c’était un détail ça.

“Tu peux sauver leur monde, mais peux-tu les sauver d’eux-mêmes ? Ou peut-être que ton attention est trop portée vers demain, futur grand roi-démon, hum ? Je suis sûre que tu ne pourrais même pas quitter ce village sans entrainement. Ou prouves-moi le contraire. Quels sont tes exploits jusqu’à maintenant ? Es-tu digne de la quête que souhaites t’imposer, ou n’es-tu rien de plus qu’une nouvelle prétendante qui ne saurait se démarquer de la masse de “héros” que l’on voit défiler ici chaque lune !”

Je pris une nouvelle pose, mettant ma main gauche devant mon visage, les cinq doigts écartés, de la même manière que le grand maître des bulles. Si elle voulait être mise à l’épreuve, elle allait être servie !

Cette fille était… Oh well, passionnée ! J’crois que c’était le meilleur mot pour la définir actuellement. Au début, il semblait que son émotion était plus une sorte de rictus de colère, d’agacement ou d’énervement. Forcément, se prendre quelqu’un qui remettait en doute ses compétences était pas la chose qui se faisait accueillir le plus chaleureusement. Mettre des batons dans les roues, tout ça… Mais well, c’était un jeu pour moi, une sorte d’improvisation théâtrale, comme un GN improvisé au milieu d’une rue ! Manquait plus qu’à jeter des dés dans la gueule ou des épées en mousse, et on serait parties comme deux folles !

Maiiiis… Chaque chose en son temps. Déjà, j’crois qu’elle se prenait là-dedans, expliquant le rôle qu’elle envisageait. Que donc elle n’était pas l’héroïne, mais l’incarnation du changement. L’apocalypse en quelque sorte, l’épreuve qui amènera l’humanité et tout le reste à évoluer, ou rester sur le bas côté comme un type un peu trop chaud dans le caniveau devant un bar. Ouais, la comparaison était là. Mais ça me faisait tout de même assez sourire, au point où j’continuais en la pointant dédaigneusement du doigt :

“Oserais-tu être la tempête qui approche ? Celle qui provoque les nuages noirs isolés ? Qui, reprenant son nom, né des flammes, a été béni ?!”

Ouais, la référence. Mais bon, vu ma précédente pose, j’crois qu’on était servies ! Cependant, après ça, un simple rire commença chez moi, et s’intensifia alors qu’elle s’y mettait elle aussi. J’crois que ouais, ce petit intermède avait permit de m’changer les idées et de revenir à mon état plus habituel, c’est-à-dire passablement chaotique.

“Héhé, t’inquiètes je comprend ! Bon le reste de la rue un peu moins, mais bon, osef. Des fois ça fait un bien fou de juste lâcher la pression comme ça, et crois-moi, j’en avais besoin !”

Prenant ma petite briquette, j’amenais la paille à mes lèvres avant d’en prendre une grande gorgée. Quitte à se lancer dedans, autant y aller avec ardeur et bon cœur !

Et c’était dégueulasse.

Mes yeux s’écarquillaient alors que je commençais à tousser. J’allais pas cracher ça non plus, mais… Ouah, c’était du fromage ça ? Damn, si je faisais goûter ça à Naomi, j’crois qu’elle se tuerait juste pour pouvoir se retourner dans sa tombe tant son sang de française se sentirait insulté ! C’était dire !

“*Kof kof* Je sais pas qui est le plus audacieux… Ceux qui vendent ce genre truc… Ou ceux qui l’achètent… Car woah, c’est… Pas terrible.”

Et j’risquais d’avoir le goût sur la langue pendant quelques temps en plus. Et une briquette presque pleine dans les mains. Peut-être pour ça que les prix étaient vachement abordables hein… Ça se trouve, c’était juste du déstockage.

“Mais bon… Passons cette tentative consentie d’empoisonnement à l’arme chimique… Moi c’est Julia ! Et toi ? Qu’est-ce que t’avais besoin d’évacuer ?”

Cette fille avait de l’audace ! Et de la passion ! Une énergie telle qu’elle pouvait regarder les gens qui la fixait et leur tirer la langue sans la moindre once de regret, de remords ou de gêne ! C’était cool de tomber sur des personnes qui pouvaient être aussi rafraichissantes ! Les gens avaient tendances à être trop sérieux, trop cambrés et braqués sur leurs positions, sur l’éthique et un comportement correct. Mais vlam ! Suffisait de renverser la table pour les regarder être dans une sorte de malaise constant face à un creux de folie ! Et encore, c’était juste de se lâcher les nerfs. On faisait rien d’illégal jusqu’à preuve du contraire.

J’affichais un sourire un peu satisfait, face à ce qu’elle pouvait dire, approuvant, avant d’être confrontée à la douloureuse épreuve de la briquette. Ouais, dit comme ça, c’était quand même vachement moins classe… Mais bon, le résultat était le même.

“Ouais mais ceux qui fabriquent ça n’ont pas à en subir les conséquences ! Du moins pas trop. Ils mériteraient d’être attachés et qu’on les force à en boire ! Après, et seulement après, faudra voir s’ils trouvent ça bon !”

Toute une stratégie. Surtout que leur adresse était marquée dessus. Enfin, marquée… Y’avait une petite faille dans mon plan : Je lisais ça comment moi ? J’pouvais parler Japonais sans trop de problème maintenant, mais pour lire… Bon, y’avait des applications, mais ça m’obligeait à sortir mon téléphone pour traduire ça. Mais bon, y’avait leur adresse, et j’pourrais remonter jusqu’à eux dans un rêve un peu fou. Cependant, de son côté, elle vint à prendre la pose et se présenter sous le nom de Yamato Mitsurugi ! Une chasseuse hum ? En tout cas elle avait de l’ambition à revendre, et ça faisait plaisir à voir, et ce, malgré son faible éveil.

Y’avait beaucoup de gens qui se désespéraient face à un si bas éveil. Des gens qui voyaient ainsi leur rêve de puissance, de gloire et de richesse s’envoler par une chose qu’ils ne pouvaient pas contrôler. Le mien m’avait fait ni chaud ni froid. De toute façon, je m’étais pas destinée à ça de base, donc forcément, ça avait pas vraiment eu un impact dans ma vie.

Quant à la raison de sa frustration, eh bien elle expliquait que c’était car elle avait été refoulée à l’entrée d’un donjon ? Oh ? Ça arrivait ce genre de truc ? D’un côté c’était logique, y’en avait qui se braquaient complètement face à une excentrique, mais quand même, c’était pas mal injuste.

“Genre tu t’étais inscrite et ils t’ont refusés à l’entrée ? Les baaaatards ! J’suis sûre qu’il doit y avoir une genre de loi pour éviter ce genre de truc. Mais bon, c’est comme tout hein. Y’a la théorie, à savoir les lignes dans le gros bouquin, et l’application, et ça… Bref !”

Autant éviter de s’attarder dessus ! Si elle venait de passer un mauvais moment, se concentrer sur des choses plus gaies était de rigueur, et surtout qu’elle se proposait de me payer à boire après ma bévue !

“Oh ! C’est sympa ! Vendu !”

J’affichais un sourire en lui emboitant le pas, avant de lui expliquer cependant ma manière de faire :

“Mais bon, même si c’était pas terrible au mieux, j’suis contente d’avoir essayée ! J’aime essayer de nouvelles choses, tester tout ce qui peut l’être ! Et là ça va, j’suis soft. y’a des fois où je commence à faire des mélanges… La petite chimiste en herbe ! Et souvent c’est vraiment pas terrible. Mais qui sait, peut-être qu’un jour y’aura moyen de trouver un truc absolument génial ! Mais j’crois que ça sera assez loin de ce goût là…”

Je lui tendis d’ailleurs la briquette en haussant les épaules :

“Tu veux goûter ?”

“Pouah ! J’suis sûre qu’ils font ça à l’aveuglette en prenant les restes qui doivent pas encore sentir trop mauvais, mélanger ça, prendre la première odeur qui leur passe par la tête et zou, c’est envoyé en production en balançant “Quantité limité et collector” !”

Restait que pendant que je préparais ma douce et amère vengeance contre les fabriquants de cette boisson aussi dangereuse qu’infernale, Yamato m’amena du coup jusqu’à une autre machine, où elle insera quelques pièces… Toutefois, avant ça, elle eut tout de même le droit à l’expérience de la dite boisson, et là… Bam !

“T’as vu ?! C’est affreux !”

Cependant, la voir la paille dans la bouche m’avait donné une idée, et cela aurait été trop dommage de ne pas la charier à ce sujet là. D’autant de ce que j’avais pû connaître, que ce soit via internet ou directement ici, les nippons étaient habituellement plutôt prudes. Donc forcément, je me devais de le faire remarquer :

“N’empêche, j’en ai connu qui auraient catégoriquement refusés ! Tu sais, baiser indirect, ce genre de chose.”

Après, vu mon sourire en coin, forcément je n’étais pas si innocente, et si le goût n’était pas aussi infect, j’aurais probablement prit une autre gorgée de cette fameuse boisson au goût si âpre. Enfin bon, tant pis. Dans tous les cas, une fois à la machine, elle me paya ma future briquette tout en voulant être sûre du goût théorique de ce qu’elle venait de descendre :

“Fromage théoriquement, mais je sais pas s’ils sont partis sur le maroual ou sur le camembert laissé au soleil un jour d’été…” Fis-je en haussant les épaules tout de même, avant de me souvenir que ce genre de nom ne devait tout de même pas être foncièrement connu à l’autre bout du monde. “Ah euh, c’est des fromages qui puent. Français.”

Dans tous les cas, cette question ne résolvait pas celle qui allait potentiellement me hanter, à savoir… Qu’est-ce que je prenais maintenant ? Cette découverte avait été pour le moins délicate, et il fallait que j’en choisisse une qui serait… Comment dire, assurément un peu meilleure. Ultimement, mon choix se porta, après deux bonnes minutes de réflexion à inspecter chaque briquette, sur un mélange fruit de la passion. Ça serait probablement moins pire, à défaut d’être spécialement meilleur !

“Voilà, plus qu’à tester ça maintenant.”

Mais avant ça, de nouvelles questions arrivaient.

“So, tu fais des donjons depuis longtemps ? T’as eu l’occasion de croiser pas mal de gens ?”

Oh ? Elle n’était pas de ceux qui s’embarrassent, qui rougissent et bafouillent après avoir eu ce genre de chose ? Un peu dommage, sa réaction aurait tout simplement été priceless à vrai dire, mais bon, celle qu’elle avait était à la fois sérieuse et aussi un peu collector. Un roi-démon so ? My my, mon baiser indirect avait donc de la valeur. Même si c’était plutôt le roi-démon qui avait eu le droit au baiser indirect d’une allemande qui bidouillait beaucoup de choses. C’était pas un titre aussi glorieux que le sien, mais en tout cas nettement plus direct et les pieds sur terres.

Concernant les donjons… Eh bien, elle expliqua qu’elle en faisait du coup depuis quelques temps ! Et qu’elle était visiblement sacrément motivé à en faire ! Donc qu’elle avait croisé un paquet de monde malgré les dangers que cela représentait. Je n’en avais fait qu’un seul et j’avais été un peu sur le cul, pour rester directe. Mais bon, j’admettais sans peine que des gens qui en redemandaient demeuraient à mes yeux de sacrés cas, même si certains n’avaient juste pas le choix. Cependant, peut-être qu’elle serait concluante pour ma fameuse question, même si au début je répondais à sa demande.

“Boarf, j’irais pas à dire quelqu’un en particulier non. Mais plutôt un genre de personne. C’est… Un poil compliqué à expliquer en fait.”

Et je commençais à embrayer.

“A chaque fois que j’pose la question, les gens me regardent de travers en mode “Elle a fumé quoi elle ?” Et rien pourtant ! J’suis clean ! Mais chais pas, ils se disent que forcément, une fille seule un peu bizarre et bruyante qui pose une question un poil pas très adaptée et qui a un double sens, c’est forcément une droguée ou une junkie. Certes, j’ai fait l’expérience fut un temps, un petit voyage aux pays-bas avec des potes. Fin, un surtout. On avait été chez lui, et y’avait un de ces magasins qui font la fameuse réputation du pays. Et ça avait été cool, mais pas au point de poser ce genre de truc en plein milieu d’un donjon ou de l’apocalypse ! Ou juste d’une rue aussi, mais ça… Bon hein, voilà. Surtout que si ça avait des effets des années après, ça serait super inquiétant tout de même, le genre à te tag à vie juste car t’as prit une taffe lors d’une soirée entre potes. A croire que les addictions commencent comme ça… Hey, en fait ça active peut-être vraiment ce genre de truc ? Mais comment derrière tu peux remonter ça… Peut-être qu’on trouvera les moyens un moment… Surtout qu’en plus, à prendre lorsque t’essayes, tu tousses quand même pas mal. C’est pas forcément terrible hein…et l’odeur, pouah, j’en parle même pas, mais les autres ils refusaient d’aérer. On se croyait dans un putain de sauna. Et vu les types, j’pourrais même dire sauna gay. Mais, j’ai un peu la preuve qu’ils ne l’étaient pas. Ou alors c’était derrière mon dos, et pour le coup, avoir loupé ça, ça m’aurait tout de même pas mal inquiété… Fin, ça aurait soulevé d’autres questions quand même. Mais pour en revenir aux junkies, ça se voit que j’en suis pas une non ? J’veux pas dire qu’ils répondent tous au cliché, mais quand même quoi, ça se voit ! Même si au japon ça doit pas être foncièrement la norme… C’est tout de même spécial le Japon. Fin, pas dans le mauvais sens du terme. Juste différent. En tout cas, vraiment différent des Pays-Bas. Et de la France hein. Même si ça me regarde pas ce qu’ils font là-bas. Eux et leur fromage, même s’ils pourraient donner des cours à ceux qui font cette boisson. Genre engager un Français, ça couterait pas un bras. Juste quelques euros, soit surement bien plus de yens. Mais bon, y’a des touristes qui sont prêt à donner un coup de main pour pas grand chose. Y’a même moyen de les faire payer pour ça… Ou alors faudrait engager des Hollandais pour faire tester un parfum d’herbe. Même si c’est pas forcément les experts dans le domaine… Fin pas tous en tout cas.”

Je clignais un peu des yeux soudainement, me faisant réaliser que… Eh bien, je m’étais un peu emportée sans m’arrêter. Mais étrangement, ça faisait du bien de juste se laisser aller au gré d’un sujet, de dériver tellement que le sens premier n’en avait finalement plus. Je la regardais, droit dans les yeux, avant de lui demander, tout en plantant ma paille dans ma briquette et en la portant à mes lèvres :

“Tu préférerais un parfum canabis ou un autre fromage ?”

Comme si cette question allait changer le cours de l’existence. Cependant, je me pris rapidement d’un rire, avant de lui expliquer :

“Désolé, j’me suis emportée ! Mais ouais, pour en revenir à la base… Je cherche des gens un peu spéciaux. C’est des “joueurs” en fait. Mais pas dans le sens jeu vidéo super nes en fait. Ni Playstation ou je sais pas quoi. C’est un autre type, un peu… Bizarre en fait. Mais si tu connais pas, pas grave hein. C’est le genre de truc qui faut vivre en fait pour savoir.”

Buvant un peu de ma nouvelle briquette fraichement payée, et au goût bien plus supportable bien qu’exotique, je devais admettre que parfois, je ne ménageais pas ma gorge. Surtout lorsque je partais dans des délires un brin complotiste. Et encore, elle ne m’avait pas entendu partir sur des trucs super techniques… Enfin, au moins, c’était déjà un peu plus simple. J’avais juste à dire ça dans ma langue natale, et non pas forcer un accent et une langue étrangère pour parvenir à me faire comprendre. Fallait croire que si mon traducteur était capable de tenir la cadence avec ce qui était tout de même un sacré challenge, il était au top ! Après, vu le nombre de fois que je l’utilisais, il avait eu le temps de s’habituer à ma voix… Mais quand même, c’était top !

Cependant, j’étais un peu surprise du fait que Yamato ne se mette à répondre. Habituellement, les gens me faisaient des gros yeux face à ça, avant de me dire qu’ils avaient perdu le fil au bout du quatrième mot. Et pour le coup, c’est moi qui fut un peu surprise. Mais bon, elle récapitula les différents points de mon monologue.

“J’crois que t’es sans doute une des rares personnes qui a capté quelque chose à ce que je peux dire lorsque je pars comme ça. Chapeau bas ! Si j’avais un chapeau en tout cas, mais well… Mais ouais, c’était un peu ça. Je crois. Même si c’est surtout le dernier point on va dire !”

Car bon, faire des briquettes c’était sans doute cool, sympa, amusant et compagnie, mais j’étais plus la cliente que l’artisane pour le coup. Même si engager des français et des Hollandais était plus une blague qu’une véritable proposition dans tous les cas. Cependant, à la vue de ses réponses, je fus forcée à un soupir quelque peu blasé. Un nouvel échec malheureusement, quelqu’un d’autre qui ne semblait pas connaître ce qui se passait…

Pourtant, je savais que Scary n’était pas un phénomène unique. Elle-même me l’avait confirmé. Mais pour le coup, je supposais qu’il fallait avoir une bonne confiance pour admettre ce genre de truc. Mais bon, vu que j’abordais le sujet, c’était que j’étais de base dans la confidence ! Donc bon ! Mais bref, maintenant j’allais devoir désamorcer le sujet.

“Boarf, c’est… Hum, comment dire… J’peux pas vraiment l’expliquer, c’est plus un truc que si tu sais, c’est évident, et qu’à expliquer… Bah, généralement ça passe pas. Un peu comme une sorte de société secrète en fait ! Genre les reptiliens. Mais bon, j’imagine que personne ne se balade en disant qu’il en est un. Reptilien ou joueur. Ou peut-être les deux à la fois, qui sait ?”

J’haussais les épaules face à cette conclusion. Cependant, j’avais d’autres questions vu que ce sujet était clos :

“Et du coup, t’as affronté quoi comme donjon ? Oh, et comme jeux ? Si tu veux, on doit bien pouvoir se trouver une salle d’arcade dans le coin ! J’suis loin d’être mauvaise, j’te préviens !”

Probablement que chacun avait une raison de faire des donjons. Certains faisaient ça pour vivre, d’autres car c’était excitant, et d’autres cherchaient des réponses sans forcément connaître les questions. Damn, cette dernière était un brin trop philosophique pour moi. Et si je me posais encore le pourquoi elle faisait ça elle, elle énuméra rapidement quelques unes de ses précédentes aventures.

“Je vois je vois… Le seul que j’ai fait ça a été un truc super désertique, avec des monstres super bizarres et à moitié mort qui se relevaient. Et des tempêtes de sables ! On avait dû improviser un truc pour se protéger, genre un bélier portatif ! Et j’avais été l’architecte de ce truc. Parfois, un peu de matière grise ça peu aider, mais j’ai pas encore la prétention à dire que j’suis une véritable stratège des donj’. Mais faudrait que j’y retourne un jour, ne serait-ce que pour prendre un peu plus l’habitude de ce que ça peut réserver.”

En grande partie pour être prête si jamais un truc comme New York devait se reproduire… Mais bon, si jamais ça se reproduisait, les gens auront prit des leçons de ce qui s’était passé, n’est-ce-pas ? Bon, probablement que non hein, l’humain était par nature assez con… Donc ce serait à quelques gens d’en prendre conscience, et de se préparer au pire. Après tout, les chefs de guildes et co ne seraient pas toujours là pour sauver les miches des gens, et si jamais ça arrivait à deux endroits complètement différents, il faudrait faire des choix. De très douloureux choix…

Mais bref, le plan était tout autre, et il semblait qu’elle connaissait une salle d’arcade pas trop loin ! Chouette, ça faisait parti des trucs que je devais absolument faire au moins une fois dans ma vie, de jouer dans une authentique salle d’arcade au Japon ! Surtout qu’elles se faisaient de plus en plus rare, donc ça n’aidait pas foncièrement, mais bref, un truc à faire so !

Du coup, je lui emboitais le pas jusqu’à ce fameux monastère du jeu vidéo, un reliquaire plein de surprises et d’antiquités qui, je l’espérais, ne prenait pas complètement la poussière au fin fond d’une d’une étagère. Cependant, pendant le trajet, j’allais me permettre quelques questions sur ma nouvelle amie, histoire de la connaître un peu :

“Et du coup, sinon, t’as quel âge ? Les gens te refusent souvent en donjon ? Oh d’ailleurs, t’en fais depuis quand aussi ?”

J’me permettais tout de même. Après tout, j’étais curieuse hein ! Mais cependant, j’pouvais pas trop lui montrer tous les trucs que je faisais. Généralement, ça laissait les gens un peu geek sans voix ! Et j’pense que j’avais matière dans les faits. Du coup, autre point :

“M’enfin, si jamais tu passes à New York un de ces jours, hésite pas à passer ! J’ai un canapé bien confortable, des conneries dans le frigo, garanti sans thé au fromage, et suffisamment de jeu / animés / tout le bordel pour tenir un siège ! Puis bon, ça t’sera probablement moins cher que l’hôtel, tout ça.”