“Bonjour, j’ai rendez-vous avec M. Friedrich. Ou le docteur Friedrich. Enfin, j’ai rendez-vous avec lui quoi !”

Tels furent les mots que j’avais balancé à la réceptionniste de la guilde des chasseurs qui, évidemment, m’avait regardé avec de grands yeux. Comme si elle se demandait ce qu’une collégienne était en train de comploter pour venir ici, au Japon, sac sur le dos et tout le bazar qui pouvait s’en suivre. Ouais, pour le coup, elle avait dû être confuse, mais dans les faits, probablement pas autant qu’un observateur qui prendrait cette histoire depuis le début.

Dans les faits… Quelques semaines s’étaient passées depuis New York et le bordel qui s’y était déroulé. Des dégâts, ça y’en avait eu. Des blessés aussi, par centaine et milliers. Dont certains qui avaient laissés une partie d’eux-mêmes dans un des quartiers de la grande pomme. D’ordinaire, les soigneurs assez expérimentés pouvaient gérer en cas de problème, mais là ça avait prit une toute autre tournure, une dimension bien énorme. Et surtout, on était aux US, donc pour se faire soigner, fallait mettre un paquet de blé… Quand c’était possible hein, y’avait toujours la réglementation des éveillés qui empêchait certains de faire leur possible.

C’était ainsi qu’un matin, en ouvrant ma boîte mail, un mail m’avait pas mal interloqué. C’était pas un spam habituel ou je ne sais quel contrat, mais une personne, lambda, qui avait trouvé mon adresse sur des petites annonces, et qui m’avait demandé si c’était dans mes cordes de faire une prothèse pour son fils, qui dans l’immédiat, pouvait pas quitter l’hôpital, ses deux jambes ayant finit sous des décombres. Et j’avais dû refuser, c’était pas foncièrement dans mes cordes, mais… J’devais admettre que ça m’avait un peu miné le moral, de me dire que c’était le genre de truc qui pouvait être sacrément pratique.

Du coup, je m’étais renseignée. C’était pas foncièrement le genre de cours que l’on trouvait facilement, mais j’avais touché deux trois bases. Cependant, vu ce dans quoi je voulais m’embarqué, j’avais besoin d’un pro, et ce fut comme ça que je me retrouvais à chercher parmi une liste de docteur grande comme… Je sais pas. Un truc grand. Mais un nom m’avait tapé dans l’œil.

Kerwin Friedrich.

Déjà, il avait tout de même quelques recommandations, ce qui était pas banal surtout vu le manque de diplôme, mais c’était surtout que ce nom me disait quelque chose. Je savais pas d’où, mais ça sonnait un truc. Humpf… Et pour le coup, ça m’embêtait de pas trouver. Bref, il m’était resté en tête, et au moment de choisir, bah il avait été l’heureux gagnant de ma liste. Du coup, ni une ni deux, j’avais bidouillé vite fait un prototype, prit avec moi quelques plans, et hop, dans le téléporteur pour le pays du soleil levant. Ça changeait pas mal de la dernière fois où j’y avais été, de bien mauvaises raisons et… Bah, probablement qu’il allait falloir que je retourne dans ce bar, ne serait-ce que pour tenir Ellyot au courant de cette affaire… Mais c’en était une autre, et dans l’immédiat, ça ne nous intéressait pas.

Bref, j’me retrouvais, posée sur un siège de l’accueil, en train de jouer un peu sur ma tablette. Forcément il y avait un peu d’attente dans toute cette histoire, mais également une certaine excitation. Je savais pas trop pourquoi en vrai, mais j’pense que j’allais bien rapidement le savoir.

C’était terrible ce genre de sentiment. Le moment où tu savais que tu loupais une informations. Le fait de pas savoir une chose que, pourtant, tu devrais était particulièrement frustrant. Une étourderie, évidemment ça arrivait de temps en temps, mais clairement pas de manière aussi prolongé. Bon, j’me disais au minimum qu’une fois devant, j’pourrais mettre un visage sur un nom, puis derrière un contexte, une situation ou je savais pas quoi. Mais dans l’immédiat…

Bref, j’m’étais posée sur un siège, à récapituler rapidement les différents trucs que je devrais montrer. Dépendamment de l’intérêt, ça pouvait aussi bien être réglé en quelques minutes qu’en quelques heures. Mais pour le coup, j’espérais que la première fois serait la bonne ! Autrement j’me connaissais, j’risquais de perdre la motivation, l’intérêt et de simplement laisser ça trainer dans la case des projets qu’il fallait que je reprenne un jour. Autrement dit, la case des projets abandonnés mais pas officiellement. J’me connaissais, c’était beaucoup trop rare les fois où j’me remettais dans un truc laissé en plan…

Cependant, laissée en plan, ça je ne le fus pas ! Car au bout de quelques minutes une personne pour le moins singulière vint à ma rencontre, me touchant l’épaule. Je l’avais entendu juste par les pas, mais… J’crois que j’avais été un peu confuse surtout par son masque. J’veux dire, pas un masque antigénique ou je sais pas quoi comme on pouvait trouver au japon, non. Là c’était un masque noir, comme si c’était un écran, qui m’afficha un smiley en guise d’interaction. Et ma première fut toute simple !

“Woh, stylé !”

Ouais, mon côté geek qui parlait. En vrai, ça faisait un peu bizarre de parler à quelqu’un qui portait ce genre de tenue, mais… Well, j’avais déjà été dans quelques conventions, donc à partir de ce moment là, il en faudrait plus pour me choquer, surtout que bon, on était au Japon, autrement dit l’archipel du bizarre.

Mais well, autrement j’lui mettais un vent là !

“Ah euh oui ! C’est moi, Julia ! Et ouais, j’avais pris rendez-vous ! Pas pour une consultation médicale hein, j’vous rassure ! Enfin peut-être pas justement, mais… Euh… Oui, le bureau, ça serait bien déjà.”

Moi, nerveuse ? A peine. Juste un peu. Juste le temps de passer la surprise d’une telle rencontre. Juste le temps de me redresser, ranger ma tablette dans ma sacoche et de me tapoter les joues en guise de motivation, et on y était. Du coup, direction l’ascenseur, où je le laissais s’occuper de l’étage. Cependant, pendant la montée… Bah, c’était le moment de faire un peu connaissance.

“Du coup… Kerwin Friedrich c’est ça ? Ça sonne pas très japonais… Des origines ? Oh d’ailleurs, on peut parler japonais si ça t’arranges. J’aurais pas de problème.”

J’affichais un petit sourire tout de même, ce qui, eh bien… Contrastait avec les LEDs de son masque. Probablement avait-il une raison pour s’habiller comme ça, hormis d’être un fan assidu de cosplay. Cosplay de qui d’ailleurs ? Aucune idée… Mais bon, déjà, fallait que j’aborde un sujet.

“Aussi, tu es pas connu ? Chais pas, ton nom me dis un truc, mais… J’arrive pas à situer. Et ça m’prend les nerfs !”

La personne face à moi. Enfin, la personne sous le masque, qui était tout de même pour le moins intéressant, venait donc me cueillir à la réception, et semblait du coup bien comprendre le fait de ma demande. Fallait dire que ouais, c’était pas banal. Une allemande vivant à New York demandait un rendez-vous au Japon. Plus complexe que ça… Y’avait surement, mais on était déjà sur un sacré niveau. Dans tous les cas, restait qu’il pouvait y avoir des situations où il pourrait avoir tort :

“Bah, y’en a bien qui font le tour du monde pour voir le meilleur spécialiste non ? Donc ça pourrait… Mais non, rien de médical pour moi !”

Mais bref, durant l’ascenceur, j’posais un peu la discussion. Donc, comme son nom pouvait l’indiquer, il était bien allemand… Ça répondait de suite à quelques interrogations. Cependant, y’avait bien des gens qui avaient des origines et qui pourtant en parlaient pas la moindre syllabe. Mais lui, ça semblait être complètement assumé tout de même, ce qui posait tout de même la question de ce qu’un Allemand faisait ici, au Japon, mais… Bon, j’étais surement très très mal placée pour la poser celle-là, et probablement l’avait-il déjà eu plein de fois. Toutefois, au niveau de sa renommée… Eh bien, je séchais.

“Je sais plus d’où hein. Peut-être un article où j’ai vu le titre une fois en surfant un peu, mais… Damn, ça m’échappe. J’arrive juste pas à resituer, mais ça devait être autre chose. Vous êtes sûr qu’on s’est pas déjà croisé ? Fin, un masque comme ça, j’m’en souviendrais à coup sûr mais… Boarf, tant pis hein. Ça s’trouve t’as un homonyme qu’est dans ma vie !”

Bref, peut-être que ça allait me revenir à un autre moment. De toute façon, on arrivait dans son bureau. Rien de bien exceptionnel, et l’absence de figurines douteuses sur les étagères me faisait penser que non, ce n’était pas un Otaku qui prenait un énorme délire. Quant à la raison derrière, ça, cétait une autre histoire. Toutefois, le jeu d’échec au centre de la table était… Intéressant. J’avais une relation un poil complexe avec ce jeu là pour être franche. Pas une aversion hein, mais disons que je peinais à restée concentrée dessus. Fallait forcément que je fasse quelque chose à côté. J’m’installais donc après qu’il m’y ait invitée (même si j’m’y étais déjà dirigée avant pour être franche), alors qu’il posait la question fatidique en bon hôte.

“Il parait que c’est un test cette question ! Que la réponse que donne la personne a beaucoup plus de valeur qu’on ne le pense. Genre que quelqu’un qui dit café donne bien des indices… Donc j’dirais les deux, mais ma vessie risque de faire grève… Oh allez, café, histoire qu’on en parle plus !”

Car bon, le thé, y’avait tellement de goût que ça relançait la question, ce qui était pas trop le but.

“Mais ouais, c’est un sacré bordel là-bas, donc j’imagine bien que ça a un impact, même ici à l’autre bout du monde. Et c’est en partie pour ça que j’suis là en fait.” Fis-je en commençant à m’intéresser à l’échiquier, avançant nonchalamment une pièce. Une ouverture pas la plus orthodoxe, mais bon.

J’balançais ma tête en arrière, tout en prenant ma tablette. J’allais en avoir besoin de toute façon, avant de continuer mon explication :

“Si y’a eu beaucoup de morts, y’a surtout énormément de blessés, dont beaucoup d’infirmes. Et les délais pour obtenir des soins sont vraiment atroces à ce qu’il parait. J’ai d’la chance d’avoir encore mes deux bras-deux jambes, mais c’est pas le cas de tout le monde. Du coup, j’me suis dit que j’pouvais peut-être faire un truc. Genre faire une prothèse simple, efficace, mais surtout qui soit abordable. Et j’ai fait pas mal de plans ! Sauf que j’ai pas les compétences pour raccorder ça au système nerveux. Et c’est un peu pour ça que j’viens. Dans les grandes lignes.”

Est-ce que j’allais trop loin dans mes délires, mes réflexions et mes conneries ? Probablement hein, sinon je ne serais pas ici, à l’autre bout du monde, en train de proposer une idée un brin farfelue tout de même à une personne que je ne connaissais pas. Ou du moins, pas à ma connaissance. Est-ce que je pouvais le connaître sans le savoir ? Rah, ça m’agaçait cette histoire là, et ça me mettait un peu sur la défensive tout de même. C’était terrible tout de même l’impression de manquer quelque chose qui, normalement, devrait être évident.

Mais bon, café ou pas, lui expliqua en tout cas qu’à la base ce n’était pas un test, ce qui… Eh bien, dans tous les cas, en était devenu un. On pourrait discuter longtemps finalement de ce que pouvait impliquer une tasse de café ou non, mais il y avait d’autres points qui, eux, faisaient que j’étais là. C’était que bon, se faire payer à boire à l’autre bout du monde était pour le moins particulier, mais bref, je n’eu pas spécialement le temps de véritablement confirmer, infirmer ou déblatérer sur sa proposition caféinée que l’on discutait des conséquences économiques de la mondialisation et de l’interdépendance que cela avait créé.

“Boarf, j’ai l’habitude de sauter du coq à l’âne. Dans sans transition…”

Le pourquoi de j’étais là, et forcément, il y avait des choses à réfléchir, ne serait-ce que sur la faisabilité même du projet en tant que tel. Évidemment qu’il y avait des enjeux, et j’allais devoir le défendre comme je le pouvais ! Surtout qu’évidemment, avec le regard neutre qu’il pouvait avoir dessus (et celui de son casque, nettement plus songeur au niveau de son émotion), il évoquait les différents problèmes que cela pouvait entendre, et évidemment, il y en avait des plus complexes que les autres…

Mais je n’étais pas venue ici sans me préparer au préalable, et j’avais au moins quelques réponses à apporter à ça !

“Pour ce qui s’apparente à la corpulence, on peut clairement adapter les choses. Du moins, si on retire le côté esthétique en tout cas. C’est juste un paramétrage à faire, deux trois bidules à changer et à reclipser ici et là, et derrière, c’est bon. Après évidemment, dans les cas extrêmes, avoir un seul modèle couvrira pas tout. Faudra diversifier ça en modèle enfant, modèle standard et… Well, maxi format. Suffit de voir le XL qui offrent au Mcdo pour se rendre compte que ouais, c’est pas la même base. Mais à la place de faire des prothèses ultra-spécifique, en faire deux-trois modèles adaptables et donc polyvalent répondra à ce critère.”

J’étais lancée, et déjà, je griffonnais quelques petits trucs sur ma tablette, histoire d’avoir foncièrement un compte-rendu histoire d’améliorer ça, mais également pour relever les points qui étaient de base les plus importants.

“Mais je pense que l’esthétique peut se virer. C’est une solution d’urgence, pas un accessoire de mode. Pas obligé de rendre ça affreux avec des cables partout, mais pas besoin de passer 7 ans de design pour donner une pomme croquée à la surface smooth et “révolutionnaire”. Mais bref, c’est une autre histoire ça.”

De toute façon, il y avait d’autres poitn à relever.

“Ensuite, pour la rééducation… Faudrait que le temps en question soit le moins long. Y’a beaucoup de blessés déjà, donc les services risqueront d’être complètement saturés. Et pour moi, y’a une solution toute bête : Faire en sorte que la prothèse soit pas qu’un membre “mort”. En faire quelque chose d’intelligent me paraît clairement. On a déjà le cas avec les exos-armures. En détectant un mouvement, j’pense qu’avec la bonne IA dedans devrait pouvoir faire ce qu’il y a d’adapté !”

Un petit sourire en coin se fit alors. Pour ce qui s’apparentait aux IAs, j’étais une des meilleures têtes dans le domaine, donc rien d’impossible. Au contraire, je trouvais ça asses stimulant, d’être confrontée face à un défi de cette taille.

“Et enfin, ouais, j’imagine que de relier ça au système nerveux serait trop long pour rendre ça envisageable, à moins d’avoir une armée de chirurgien ou une machine à cloner les médecins… Pas réaliste. Cependant j’pense qu’on devrait pouvoir faire ça de l’extérieur. Et avec des trucs simples. Genre, les terminaisons nerveuses, y’a quand même des signaux non ? Avec un petit capteur assez précis, devrait y avoir moyen de l’isoler, même avec l’atténuation du corps. J’ai réussi à l’faire pour un traducteur, en cartographiant la position des cordes vocales. En vrai… J’pense ça possible.”

J’me grattais un peu le menton, une mimique tirée de mon père ça. je visualisais bien ce que je voulais faire, et les notes continuaient de fuser. Isoler un tel signal allait pas être évident cependant, et on risquait de perdre un peu le côté premier prix si on partait dessus. Mais parfois, avec quelques financements…

“J’pense qu’en proposant cette initiative à quelques cols blancs, ça pourrait créer un sacré engouement, et si c’est efficace, ça pourrait se lancer assez rapidement. Cependant, pour récupérer l’info des nerfs vers la prothèse, ça, c’est un autre problème. Mais un problème attire une solution, hum ?”

A voir si lui en avait. Cependant, s’il était aussi réputé et recommandé qu’il semblait l’être, probablement en avait-il de réserve. Ou alors d’autres critiques. A voir.

“Et pour ce qui est du café… Eh bien, je vais relancer l’offensive alors. Surprends-moi ! La spécialité du chef !”

So, cette discussion de projet se poursuivait, avec un petit crochet par rapport au café, et vu ce qu’il annonçait… Ouais, c’était un peu mettre un point final à ça. De la morphine, carrément ? C’était pas genre contre la douleur ? Est-ce qu’il était en galère permanente ? Damn, j’avais des souvenirs de ce genre de truc, mais encore uen fois, je peinais à connecter les différents ponts. Fallait croire que quelque chose manquait, ou que mon esprit était ailleurs. Peut-être les deux hein, mais avec New York, j’excluais rien.

“C’est… Le genre de truc qu’est passablement inquiétant. Fair enough.”

Puis était présentement les questions en terme de production, de frais, les coûts que cela allait entreprendre. Évidemment, c’était une sacré galère et j’aimais trop mon sommeil pour commencer à fabriquer des prothèses non-stop. J’étais pas une grande figure politique, quelqu’un qui, de son ordinateur, révolutionnait le cours du monde. J’étais juste une geek qui, de temps en temps, retroussait ses manches pour faire deux-trois trucs sympas, et là, j’m’embarquais dans un gros projet tout de même. Foncièrement, c’était difficile pour moi seule, et j’pouvais me balancer dans la chaise autant que j’le voulais que ça changerait pas les choses.

Seulement, si j’avais pas les moyens, j’avais tout de même des idées, prenant la tasse qu’il me servait dans les mains tout en l’entendant parler de l’acupuncture. C’était une solution en effet, mais ça m’embêtait quelque peu quand même d’en arriver à de tels extrêmes. Dans tous les cas, c’était à mon tour de défendre mes idées… Et mon roi d’ailleurs. D’un mouvement de cavalier, je me montrais plus menaçante tout en lui répondant :

“Pour ce qui s’apparente à la production, je suis pas folle non plus ! Je sais bien que qu’importe ce que je pourrais concevoir, j’aurais jamais le temps pour fabriquer une telle quantité. Cependant, il a jamais été question que ce soit uniquement moi qui mette dans de telles affaires ! Et pas forcément besoin de passer par le système de santé… Douteux des States.”

J’affichais un petit sourire. C’était vrai que ce côté là avait des décennies de retards, mais y’avait tout de même quelques solutions.

“Déjà, faut pas oublier que c’est le business là-bas, et ils cherchent pas tous le profit court terme. Ça veut investir, se sécuriser. Si y’a un truc qu’est prometteur, y’aura des investisseurs, surtout vu le domaine. Avec ce qui s’est passé à New York, y’a pas mal de secteurs qui explosent, et clairement le médical en profite bien, surtout sur un tel truc. Après… Quelques gens, un peu de médias et ça peut vite s’enflammer. Le seul truc qui faut pour faire une belle explosion, c’est des premiers jets, un truc qui soit touchant mais valorisant pour l’Américain. Et pour ça…”

Une mine un peu songeuse se fit alors :

“Pourquoi pas simplement utiliser ceux sur place ? J’veux dire, y’a pas mal de blessés, de gens qui peuvent pas se trouver sur les chantiers… Mais qui sont pas pour autant complètement invalide. J’pense que ça montrerait bien la résilience du peuple américain, c’est le genre de truc qu’ils doivent adorer. En tout cas, suffisamment pour que les grosses chaines en parlent.”

Mais avec les fonctions qu’on souhaitait implémenter, ce serait peut-être pas le plus simple… Toutefois, s’il s’agissait de créer un seul type, j’pense que c’était jouable.

“Avec deux-trois jours de formation un peu spécialisé, les gens seront disponibles. Et vu le projet, pas impossible d’avoir le soutien de la mairie de New York. Ils ont l’argent, et pas de solutions immédiates.”

Bref, y’avait quelques moyens d’y parvenir à ce niveau là. Tout était dans l’ampleur finalement de ce qu’on mettrait en place. Et vu que j’partais dans l’idée de distribuer des prothèses à qui en avait besoin… Ouais, c’était surement plus gros.

“J’dois avoir quelques numéros encore. J’ai déjà fait un petit carton avec un traducteur, donc j’ai des industriels qui me contactent à l’occaz. Vu que j’compte pas vraiment prendre de crédit sur ça… Ça peut en intéresser je pense.”

Car ouais. Je faisais pas ça pour l’argent. Là, c’était vraiment humanitaire ce que je faisais, essayant de mettre ma pierre à l’édifice. Elle serait surement métal la mienne, gravée de trucs geeks et tout dessus, mais… Bon, c’était la mienne quand même ! Cependant, le côté de l’acupuncture me laissait un peu pantoise.

“Pour ce qui s’agit de faire l’IA, je m’en occupe. Ça, c’est mon domaine. Et j’ai déjà eu en projet le paramétrage d’un bras mécanique. J’avais fait un truc vachement solide. J’reprendrais ça comme base. Faudra juste faire le paramétrage après, réussir à isoler chaque signal… Mais par contre, j’aime pas la méthode. Ce serait trop invasif. On va pas demander aux gens de se planter des aiguiles dans la peau chaque matin ! Y’a surement autre chose…”

Proposer une nouvelle idée… Le système nerveux c’était électrique non ? Donc qui disait électricité disait… Magnétisme.

“Faudrait peut-être voir en étudiant un peu le magnétisme que ça fait non ? J’ai jamais trop crû aux magnétisseurs et compagnie, mais en attendant, si ça tient depuis des centaines d’années, y’a surement un truc. Envisageable ?”

Et avoir juste une telle piste était une sorte de folie. Ou du génie. Mais les deux étaient souvent un peu trop reliés. Quant à sa dernière réflexion…

“Pour les chasseurs par contre, c’est pas le but recherché. J’ai clairement pas la prétention de proposer un truc qui permettrait de retourner dans les donjons. En revanche, si y’en a un de blessé, si avec ça il peut retrouver une vie civile normale… Comme grand pas, ça me va. Après, pour ce domaine là, ce serait une toute autre histoire, et on aurait pas cette discussion de catastrophe. J’suis sûre que ça a déjà été évoqué en plus… Faudrait que j’me renseigne. J’avais crû voir le titre d’un article. Une japonaise d’ailleurs, qui bossait dessus mais… Oh well, bref.”

En tant que partisan de… Quoi ? La déontologie ? Ça se mangeait ça ? Ça me faisait penser qu’en sortant, j’aurais tôt fait de passer dans un petit resto de ramens. Le genre d’étals mobiles qu’on trouvait également dans les rues New Yorkaises, mais plus dans Manhattant. Là, y’avait ça assez régulièrement. Miam, j’en avais l’eau à la bouche ! Mais avant ça, fallait que j’me concentre sur le coeur du problème, et honnêtement, je levais un sourcil face à ce qu’il me racontait.

“J’vois pas où est le problème déontologique dedans ! Fin, j’peux comprendre que si on force les gens à le faire, là ouais, esclavagisme tout ça, c’est pas cool. Mais y’a masse de gens qui veulent se rendre utile et qui peuvent pas ! Ce serait eux qui seraient les plus motivés pour ça, étant qu’ils sont… Eh bien directement concernés. J’vois aucun problème là-dedans !”

Après, j’avais pas fait médecine, mais en soit, je voyais pas de problème à ce que des gens atteint du cancer cherchent un remède contre. Au contraire, j’trouvais ça louable ! Et un peu réaliste en fait. Les gens se souciaient généralement d’un problème que lorsque ça les impactait directement. Cependant, cette digression en mena vers une autre.

“D’ailleurs… Ça m’fait penser que j’vois pas de diplôme. J’pensais que tous les docteurs l’encadrait et le mettaient bien en évidence. Ça et l’écriture patte de mouche. Ils ont des cours de déchiffrage les pharmaciens ou c’est littéralement des codes secrets pour éviter que les gens piochent eux-mêmes ?”

Histoire d’épancher ma curiosité sur un domaine sur lequel j’me posais parfois des questions. Mais bon, la médecine était pas mon premier dada. Le corps humain était une machine bien complexe qu’on pouvait pas trop toucher ni upgradé. Et encore moins avec des lignes de codes.

Concernant le programme pour populariser ça, y’avait des solutions. J’me voyais mal mentir pour ce genre d’affaire, mais j’étais suffisamment persuadée du succès que ça pourrait être que j’me mettais possiblement des oeillères. Cependant, j’avais des contacts, des moyens de faire en sorte que ce soit visible. Après, c’était pas spécialement pour moi à la base. Enfin, peut-être un peu. Histoire de me donner bonne conscience vu ce que je n’avais pas pû faire au moment clef… Mais bref, j’haussais un peu les épaules face à ça, réservant sans plus ce sujet là pour la suite.

Ce qui m’intéressait là, c’était la technique, et avec désarroi j’apprenais que le magnétisme ne fonctionnerait pas, mais qu’à la place, il proposait plusieurs solutions, que je passais en revu une fois son explication terminée.

“Ouais, déjà oublions complètement l’idée de mettre une puce dans les gens. Ça résoudrait beaucoup de problèmes surement, mais c’est simplement pas jouable. En aucun cas les gens sont prêt à ça.”

Une qui s’envolait. Dans un autre monde peut-être, mais clairement pas celui-ci.

“La seconde reste un peu… Intrusive ouais. Et je suis pas sûre de l’entrain que ça pourrait générer si les gens doivent s’enfoncer des trucs pointus dans la peau. Ça amènerait au moins une anesthésie locale… Ce serait compliqué, j’aime pas spécialement ce que ça donnerait, mais à garder de côté à défaut.”

J’avançais une pièce sur la partie pendant ce temps, avant de reprendre sur la suivante :

“La troisième en soit me paraît pas mal. J’y reviendrais juste après. Pour la dernière, ce serait trop gros. Faut que ce soit simple. Avec ça… Ouais, ce serait un peu trop pénible pour les gens à porter. Le plus élégant me semble être la troisième.”

Une deux gorgée de café, avant de reprendre :

“La troisième a l’avantage d’être ni intrusive, ni trop grosse. Un truc qui limite passe sous un vêtement. Après, faudra faire en sorte d’éviter qu’il y ait trop de contact, mais ça me semble jouable. J’pense que si on part sur cette solution, le prototype qu’on devra faire devra être solide. Débilement blindé de capteurs. Cependant, une fois qu’on aura fait les tests et qu’on progressera, j’pense qu’on pourra en enlever un nombre assez conséquent, à cause des doublons d’informations et compagnie. Après, en s’assurant du processus d’acquisition, voir avec quelques modifs, on devrait pouvoir éviter d’avoir trop d’erreurs. C’est pas une réaction à la micro-seconde qu’on a besoin pour ce soucis là, donc j’pense qu’à défaut, le prix baissera.”

Autant dire qu’à mes yeux, ça me paraissait solide. Cependant, il y avait un détail qui me laissait un peu perplexe :

“Et du coup… C’est spécialement nécessaire que la prothèse renvoie des informations ? Que les gens aient le sens du toucher, c’est ça ? J’connais pas trop le débousollement que ça pourrait faire, ni la réhabilitation que l’autre impliquerait autrement.”

Ainsi ce fameux docteur n’était pas comme les autres ? Après tout, rien ne me laissait supposer le contraire, et ce n’était surement pas son masque rempli de LED qui allait donner une autre impression. A vrai dire, il me faisait un peu penser à ce fameux cliché des médecins de peste, avec le long bec et tout. Mais avec des éclairages bleutés, un écran et un air futuriste complètement différent. Ouais, en clair, pas grand chose en commun en fait… Sauf le masque en tant qu’entité.

J’haussais juste un peu les épaules dans tous les cas. S’il avait une écriture passable, c’était déjà pas mal ! Mes pattes de mouches étaient pas spécialement plus aisées à comprendre. J’étais plutôt team clavier de mon côté, même s’il m’arrivait de faire quelques petits trucs avec mon stylet. Malheureusement, la tête allait plus vite que la main, ce qui avait amené quelques petits problèmes. Mais rien d’insurmontable. La technologie au service de l’humain, n’était-ce pas une sorte de crédo pour les ingénieurs ? Ce serait classe… Comme une sorte de société secrète en fait !

Mais je m’égarais, encore et toujours. Il m’expliqua du coup en quoi il avait supposé pour le retour des informations. Et son explicaiton fut assez instructive en effet. Évidemment, d’avoir quelque chose d’étranger qui n’aidait pas complètement à retransmettre les informations était assez difficile à manier. Je disais pas ça par expérience personnelle, même s’il m’était arrivée d’être passablement engourdie hein. Mais au quotidien, c’était tout de même une autre galère, et l’exemple de la tasse pouvait bien faire comprendre le problème associé.

“Ouais, j’vois le topo. Le problème après c’est que si on doit faire une prothèse qui renvoie des informations, faudra la truffer de capteurs également, et paramétrer tout ça. En clair, plus complexe, plus coûteuse. Mais je note l’info.”

C’était instructif tout de même, et probablement que je pensais que tout le monde s’en sortirait peut-être trop facilement avec de tels outils à tester. Ça pouvait m’arriver, et que je pouvais m’arracher les cheveux face à un utilisateur un peu teubé lorsque je lui montrais une application pourtant simple de fonctionnement. La manière que j’avais trouvée était de considérer que la personne qui utiliserait une app était comme un ours passablement intelligent. Et encore. Mais ouais, les prothèses. Pas pour les ours.

“Ça reste une solution d’urgence, vraiment palliative que j’veux faire. Faut pas que ça coûte un bras pour remplacer une jambe. Fin façon de parler hein. Par la suite, y’aura des modèles plus perfectionnés, que ce soit par moi ou d’autres, mais les contraintes seront pas les mêmes.”

J’affichais tout de même un sourire. Ma tête fourmillait vraiment d’idées là, et sitôt sortie, j’allais me mettre à faire vraiment tout ce que j’pouvais faire et entrevoir. J’avais déjà plein plein plein d’idées, et la manière d’organiser mon temps serait… eh bien. Elle serait. Tout ce que je pourrais dire. Le sommeil manquerait peut-être un peu… Tant pis.

“Du coup, j’pense qu’on peut partir sur ce concept là ! J’vais commencer à mettre tout ça en place et ce sera bon ! Si pendant ce temps tu pourrais prototyper un petit truc pour l’acquisition des signaux nerveux, avec le tissu intelligent. Faudra qu’on se replanifie une autre réunion une fois un peu plus dedans ! Mais ouais, faudra que j’envoie quelques mails et tout.”

Une impression un peu nostalgique me prit alors, pendant que je faisais cette drôle d’organisation. Et un souffle me prit d’une manière un peu… étrange.

“C’est zarb.. J’ai l’impression d’être des années en arrière, à refaire des projets avec d’autres gens. Je bosse un peu plus en solo maintenant et… E-E-Euh ?!”

Activation des neurones. Je savais bien que ce nom me disait quelque chose, mais quitte à évoquer ce sujet, j’eu un flash qui manqua de me faire tomber en arrière pendant que mes yeux étaient grands ouverts, et pas qu’à cause du café ?

“Attends, Kerwin, Kerwin… Genre de la TUM ?!”

Des étoiles plein les yeux pour une fille qui n’avait pas foncièrement les pieds sur terre, mais plutôt la tête dans la lune. Ouais, ça m’correspondait bien ça ! En tout cas, les notes dont j’avais besoin se griffonaient ponctuellement et j’devais admettre que ça laissait tout de même songeur sur ce que pourrait être la suite. Comme il le disait, c’était que la base ça, un truc qui se produisait assez facilement et qui répondait à une situation d’urgence. Au contraire de ce que j’pourrais faire. Un produit complètement high-tech qui pourrait répondre exactement aux besoins d’un utilisateur. Après, forcément que ça allait pas être la même nécessité ni le même besoin, mais bon…

A la mention du prix Nobel, je soulevais un sourcil face à ça. Les récompenses m’intéressaient pas spécialement. C’était plus de pouvoir m’éclater et de me défoncer sur un projet qui m’intéressait. Après, qu’il se vende ou pas, ça c’était une autre question. Même s’il fallait tout de même que j’gagne ma vie dans ce chaos. Ça m’empêchait pas d’hausser les épaules face à un tel détail, me disant que, de toute façon, si ça arrivait, bah ça arriverait et basta.

Mais… Bah c’qui était la grande nouvelle du jour était concernant l’identité de ce Kerwin ! Ce Kerwin ? Genre sérieusement ? Ce mec qui avait été, un temps durant, dans la même université que moi ? On avait dû faire un projet ensemble, quelques discussions et fréquenté les mêmes cours, mais il me semblait qu’il avait changé de filière peu après. Ou un truc du genre. Damn ! J’avais du mal à percuter !

“Whaaat, genre vraiment ?! Damn, j’en étais sûre que ça me disait quelque chose ! Que c’était pas qu’un simple article sur le net !”

Cependant, vu sa réaction… Lui l’avait sû depuis le début, et je ne pouvais m’empêcher de froncer les sourcils et de plisser les yeux face à ça.

“Ça t’amuse de tourmenter une jeune femme innocente hein ?! Pervers ! Manipulateur ! Grossier personnage !”

Un petit sourire en coin se fit. Mon niveau d’insulte était ce qu’il était, mais avec les sons allemands, c’était suffisant pour intimider bien des gens généralement. Sauf quelques vieux papy en Amérique du Sud, mais ça, c’était une autre histoire.

“Meeerde, j’m’attendais pas à te revoir ! Fin, pas en de telles circonstances ! Et ouais, j’revois bien ! J’comprend pourquoi j’arrivais pas trop à replacer un visage dessus. Ton truc s’est aggravé pour que tu te fringues ainsi ? Fin, vu que tu parlais juste avant d’un cocktail de morphine… Ouais, ça a l’air. Question conne hein.”

Je roulais des yeux face à ça, m’avançant tout de même. Là maintenant, j’étais curieuse, forcément, et plutôt contente !

“Perso, bah… Si l’on enlève ce qui s’est passé à New York… Ça va globalement ! J’vis là-bas, donc forcément, ça a été un peu le bordel, mais écoute… Et toi, raconte ! Qu’est-ce que tu fais dans la guilde des chasseurs à Tokyo ? Ça a l’air d’être une sacrée histoire ça ! Une que je veux entendre en tout cas !”