Bon, comme première opération à la frontière de la légalité je… Je devais admettre que ça aurait pu être mieux. Bon, dans les faits, ça aurait pû être largement pire aussi, preuve était, j’étais toujours vivante avec mes traces suffisamment maquillées pour être largement pénarde, mais…

Peut-être valait-il mieux que j’explique tout depuis le début non ? Ouais… Lucifer m’avait contacté y’a quelques jours, afin que je puisse récupérer des noms d’une organisation criminelle. Et pas de n’importe quel type hein ! On parlait de la guilde des faucheurs ! Évidemment que j’allais pas pouvoir infiltrer leurs rangs ou même avoir accès à l’entièreté de leurs services, mais… Devait y avoir moyen d’accéder à au moins une bonne dizaine d’entre eux, si ce n’est plus. Et après ça, remonter la piste serait envisageable, mais directement de mon ressort.

Donc ouais, faire en sorte que mon premier contact avec ce monde souterrain soit une mission qui pourrait se faire passer comme de l’intérêt commun était… Surprenamment bien. En fait, en faisant ça, j’avais limite l’impression de faire une bonne chose. Après tout, on parlait d’une bande de meurtrier qui avait le sang de beaucoup trop de chasseurs sur les mains. Et en clair, ces types pouvaient frapper n’importe qui, autant bien moi que Scary.

Du coup, j’avais accepté la mission. Je savais bien que Lucifer n’allait pas directement s’opposer à eux hein, mais qu’il avait probablement des clients qui paieraient cher pour avoir ce genre d’info. Et ce n’était probablement pas pour les missionner, auquel cas le contact aurait été fait bien autrement. Non à la place, c’était pour les retrouver, et peut-être pour… Bref, j’avais pas besoin d’entrer dans les détails, et ce fut vers Mexico que notre attention se porta.

Enfin, la leur. Moi, j’avais le luxe de pouvoir tout faire depuis ma chambre. Sauf que fallait obtenir les données. Si j’avais pu pirater le système de sécurité de l’hôtel où résidait la personne qu’on suspectait être des leurs, j’étais pas du tout une personne de terrain ! Ainsi, un homme de Lucifer (tain, dit comme ça… On croirait qu’il aurait invoqué un démon où je sais pas quoi) m’aida, et s’aventura dans l’hôtel pour récupérer une clé usb. Sauf que, manque de bol, il se fit repérer sur la fin, et vint à se prendre une balle. Blessé, ça il l’était, mais il eu le temps de me faire parvenir toutes les informations avant de prendre la poudre d’escampette.

Après, c’était mon job, la partie où j’eu l’occasion de craquer mes doigts. Évidemment, les données étaient cryptées, et il fallait que je trouve une méthode pour parvenir à les identifier. Mais ça… C’était la partie chiante qui n’intéressait personne à part moi, et si ce n’était une bonne grosse stimulation de mon cerveau et quelques tasses de café, il n’y avait rien de plus à signaler.

Ce fut ainsi que je pris le téléporteur pour Rio, avant de me rendre à un endroit assez particulier. Un bar, duquel je n’avais pas que des bons souvenirs. J’étais… Un peu angoissée à l’idée d’y remettre les pieds, clairement, mais déjà, je devais rendre mon compte rendu en main propre, mais surtout, j’avais des choses à demander à Lucifer. Des choses techniques, en face à face.

Ouais, je tremblais un peu quand même…

Mais bon, il allait falloir plus que ça pour me décourager. Sacoche d’ordinateur en bandoulière et tout, ce fut ainsi que je toquais deux fois à la porte de l’arrière boutique du bar, espérant me faire recevoir sans qu’il n’y ait plus de dégâts.

Peu de choses ont changés depuis le dernier passage de Julia au Minuano, qui n’était pas un bar beaucoup fréquentés, si ce n’est des quelques habitués. Sam se tenait a la position habituelle, bien que cette fois-ci il portait son sabre a la taille, plutôt que de le laisser suspendus sur le mur.

Le bar restait majoritairement silencieux, seulement égayé de quelques bruits de verres claquants et de messes basses informes. Mais l’invité principal n’était pas trouvable, sa banquette tragiquement vide. Voyant la demoiselle un peu perdue, Sam lui fit désigna la porte de l’arrière boutique d’un simple geste de la tête, avant de porter de nouveau son attention sur le bar et son entré.

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« Arrêtes de bouger ! Plus tu gigoteras plus ça sera douloureux …»

Je penche sur une planche sur laquelle un de mes hommes se retrouve allongé, attaché même, avec un bâillon dans la bouche pour taire ses cris pendant que je fouille sa chair à l’aide d’une pince à épiler.

« Ah … Je crois que je la tiens … »

Mais une contraction musculaire de trop et je perds la balle dans un autre dédalle de chair et de sang. Je pose ma mains sur le coté de l’installation de fortune, lâchant un profond soupire, avant de tourner la tête pour voir notre invitée.

« Ah, regardez qui voilà. Je te ferais bien une accolade, mais je doute que le rouge sang te sied … »

Je brise cette brève pause pour me reconcentrer sur mon patient d’infortune, replantant ma pince dans sa chair en quête de métal étranger.

« Heureusement que la balle n’a pas touchée une artère … Hmm … »

Je mets quelques minutes silencieuses à retrouver la balle, omettant cette fois de prévenir le patient pour éviter toute réaction malvenue, avant de l’arracher d’une traite, provoquant cette fois un râle étouffé.

« Voi-là ! Maintenant que le plus dur est fait … »

Je pose la pince et la balle extraite sur un plateau argenté, avant de cette fois apposé ma mains sur sa plaie et d’y infuser de ma magie.

« Voilà, tout est finis ! Il ne te restera plus qu’a faire attention a toi dans les prochains jours et tout iras pour le mieux. »

Je me retournais vers la demoiselle, un torchon ensanglanté dans les mains.

« La magie peut bien refermer des blessures, mais elle ne fait pas grand-chose pour le sang perdus ou les balles restantes. Enfin, j’imagine que tu as les informations du client ? »

Pour être parfaitement honnête, recroiser la tête de Sam me mettait dans un état assez particulier. Il suffisait pour que je cligne des yeux pour avoir de nouveau la nausée avec cette scène qui avait été particulièrement violente, sans même le déranger plus que ça. Le pire étant que dans cette situation, il n’y avait pas véritablement d’autres solutions possibles. Ces types auraient tirés sur la moindre personne qui aurait tenté de s’interposer ou de négocier. Mais était-ce nécessaire d’aller jusqu’à la boucherie que cette confrontation fut ? Je n’en savais rien. C’était Rio après tout. Un autre monde bien bien différent du mien.

Et pourtant, c’était là où je mettais les pieds.

“Hey ?” Fis-je, après quelques hésitations, face à la vue du barman. C’était que bon, personnellement, il ne m’avait rien fait, si ce n’était me traumatiser. Mais bon, ce n’était pas avec lui que j’avais des affaires à régler. Il m’indiqua assez rapidement l’arrière boutique, d’un geste de la tête, avant de me laisser en autonomie. Et en entrant, je crois que… J’étais pas foncièrement prête à ça.

Voir Lucifer une pince entre les doigts en train de s’occuper d’une blessure était… Assez surprenant, surtout que le type qui était sur le plan de travail était littéralement l’agent avec qui j’étais en lien quelques heures auparavant. Et forcément, ça faisait un peu mal d’entendre ses cris étouffés alors qu’il se faisait retirer la balle qu’il avait. Et à voir sa salutation avec du sang suur les mains… Ouais, c’était bizarre.

“... Je vais peut-être prendre une vodka déjà.” Dis-je, en détournant le regard, un peu intimidée, avant de secouer la tête. Il était en train de le soigner, c’était pas comme s’il le torturait, bien que les bruits pouvaient laisser entendre ça. “J’préfèrerais éviter ouais. Donc euh… Salut de loin ?”

Est-ce que j’allais voir du sang à chaque fois que je venais ici ? Avec les traces qu’il pouvait y avoir sur les murs et le sol, probablement, mais là c’était plus frais, plus tangible… Erf, encore une fois, j’avais la nausée, et j’étais obligée de prendre mon mal en patience. Cependant, après quelques minutes, il vint à extraire le projectile et à soigner grâce à une rune son patient.

“Je savais pas que vous saviez faire ça. Enfin… J’imagine que la vie à Rio doit aider pour ça.”

Personnellement, je ne m’en verrais pas spécialement capable. Mais dans l’urgence, peut-être que je pourrais improviser ? Enfin… Il y avait des professionnels pour ça dans mon quotidien, juste que quelques journées sortaient parfois de l’ordinaire. Et chaque voyage à Rio semblait être particulier.

“Mais oui, j’ai ce que vous avez demandé et… Au fait, on peut se tutoyer maintenant ? Toujours l’impression de parler à un prof à chaque fois que je vouvoie quelqu’un…”

Dans tous les cas, je posais mes fesses sur le canapé où l’on avait discuté la dernière fois, indiquant à Sam ma commande. Le vin ne serait peut-être pas trop adapté et le verre de lait… Je crois qu’on avait passé le stade de la plaisanterie de toute façon.

“Donc ouais, les données étaient cryptées donc j’ai passé un peu de temps. Du coup, voici la liste !”

J’affichais rapidement sur ma tablette le contenu, les différentes informations que j’avais pu en tirer. Comme ça, c’était juste une base de donnée, mais bien exploitée… Probablement qu’elle allait valoir pas mal.

“Cependant, vu qu’on s’est fait repéré sur la fin… J’imagine que ça va inclure des frais.”

Même si je n’en étais pas responsable, on était une équipe, donc ça allait nous affecter tous les deux. Mais bon, j’avais pris mes précautions, donc normalement, je devrais être tranquille. Pour lui par contre, peut-être remonteraient-ils jusqu’ici. Enfin, Sam s’occuperait du comité d’accueil.

Je suivais la demoiselle avec un torchon ensanglanté dans les mains, avant de le jeter au loin et de m’asseoir sur la banquette habituelle pour écouter ce qu’elle avait à me dire. Les données qu’elle avait réussies à récupérer ne manqueraient pas de nous être utile, tout en contentant les exigences de Mr Suit. Venait ensuite le sujet épineux du paiement, un moment de tension incomparable dans beaucoup de situation. Je répondais donc aux craintes de Julia en croisant les bras, fermant les yeux avec un air penseur.

« Pas nécessairement … »

Le bruit de la porte a coté de nous se fait entendre, alors que mon ex-patient s’en extrait pour aller rejoindre Samuel au comptoir. Je le suivais du regard en continuant ma réponse.

« De ce qu’il m’a dit, les choses ne se sont empirés que sur la toute fin … Et vus qu’il a pris le soin de noyer le poisson en enchainant quelques téléporteurs après t’avoir confié le butin. Non, il y a très de chance qu’ils nous retrouvent, et dans le pire des cas, Samuel s’occuperas de l’accueil … »

Je reconcentrais mon regards sur Julia en haussant les épaules.

« Etant donnés que je n’ai pas eu à mobiliser plus de moyens, je ne vois pas de raison de vous le facturer … »

Je m’enfonce un peu plus dans la banquette, croisant de nouveau les bras et cette fois-ci les jambes.

« Vous aurez donc vos 700 crédits chacun, sur les 2000 du client, comme le stipulait nos accords. Dans le doute, je ne pourrais que vous conseiller de faire profil bas pendant quelques temps, et si les problèmes se manifestent bien, et bien … Vous savez qui contacter. »

Je tournais la tête vers le camarade de Julia qui s’était étaler sur le comptoir, devant un Sam au sourire narquois, ce qui ne manquait pas de m’arracher un certains soupir.

Je ne manquais pas de pousser un soupir soulagé en entendant les explications que Lucius donna concernant la débrouille de mon collègue. Selon ce qu’il racontait, on avait de quoi être tranquille pour le moment, et puis, il y avait toujours Sam en tant que comité d’accueil. Autrement dit, on allait être pénard, normalement, et la paye tout de même avantageuse pour un petit boulot était la bienvenue. Surtout que bon, ce n’était pas de simples dollars, mais bel et bien des crédits. De quoi commencer à envisager de sérieusement m’équiper pour jouer l’aventurière dans des donjons remplis de dragons.

“J’y manquerais pas si jamais y’a des problèmes !” Répondis-je dans un léger sourire, espérant que, tout de même, ils ne viennent jamais à pointer le bout de leur nez. C’était normal après tout, j’avais pas envie d’ouvrir ma porte à une bande de faucheurs qui trouveraient que mon petit jeu informatique avait été un peu trop pénible. Déjà que là ils devaient être sur le qui-vive… Bref, j’allais devoir tout de même être un poil vigilante les prochains jours.

Cependant, j’avais une autre chose sur le feu.

“Euh, avant que tu repartes à tes affaires. J’ai un autre truc.” Fis-je en ravalant ma salive, me redressant un peu plus sur mon siège et… Eh bien, de profiter de la vodka que Sam m’apportait. Ça allait peut-être me donner le courage d’aborder un sujet délicat. Un qui, cependant, allait nécessiter le support de quelqu’un de plus… Approprié dans le domaine.

“Ce serait pour un contrat. Mais cette fois-ci, je suis la cliente.”

Au moins, maintenant que c’était abordé, difficile de faire marche arrière. Je pris alors ma tablette, en commençant à afficher différents dossiers, photos et images afin d’expliquer ce dont je parlais.

“Bon, que je t’explique : Un de mes amis est mort l’année dernière, empoisonné lors d’un match de MMA. J’ai directement comprise que c’était louche, et j’ai mit mon nez dedans. Et toutes les pistes que j’ai trouvé menait vers ce type, Ellyot Akashi. Sauf qu’en analysant mes preuves, je me suis rendu compte que ça avait été falsifié pour lui faire porter le chapeau.”

Mon poing de serra un peu. C’était toujours pénible de raviver ces souvenirs là, mais j’étais venue avec cette idée en tête en plus de rendre mon contrat.

“Donc… Y’a une sorte d’organisation ou de mafia qui cherche à couvrir quelqu’un, et le problème, c’est qu’ils sont assez fort pour couvrir leurs traces. Numériquement en tout cas, je sèche pas mal. Mais je me dis que… Tu dois peut-être avoir des contacts ? Ou peut-être trouver une piste, j’en sais rien… Je cherche juste quelque chose qui me permettrait de remonter jusqu’à ces types.”

Après, ce serait une autre histoire ça. Mais pour le moment, il fallait que j’aille aux devants.

“C’est dans tes cordes ?”

Je fus quelque peu interpelé par la tournure de la discussion, mais fit rapidement signe a Julia d’exposer sa pensée. Je ne pensais pas vraiment que ce serait-elle qui serait la première à venir quérir mon aide parmi mes protégés, mais il faut croire que la vie recèle bien des surprises. Mais visiblement, il ne s’agissait pas d’elle directement, plutôt un de ses amis qui avait payé ses compétences de sa vie. Une fois l’exposé terminé, je haussais les épaules en agitant la tête de gauche à droite avec un certain rictus.

« Oh, je doute que cela soit difficile à trouver. Ta description doit bien correspondre à 70-80% des groupuscules d’humains, ceux là même qui privilégie une liasse de billet à une vie. Je ne doute pas que nous puissions arriver à un accord, Julia, mais il va me falloir plus d’information que cela, plus de … contexte. Le nom de ton amis, les circonstances de ce fameux combat, le pays où tout cela s’est déroulés, ce genre d’éléments … »

Je détournais le regard en me frottant la barbe, pensif avant de me reconcentrer sur la demoiselle.

« Au vus de ta demande, j’imagine que tu demanderas à faire partie de l’équipe ? Ce sera donc ça de moins sur tes frais. Et tu fais partie de la famille … Hmm … Tu ne m’as pas l’air très fortunée, et je sens que tout cela doit être important pour toi … Hmm … Oui, je pense que je peux débloquer quelques fonds personnels pour couvrir tes frais. Mais tu m’en devras une, haha ! »

Évidemment qu’un contrat de cet accabit n’allait pas se faire avec des informations aussi sommaire. Ça, j’en étais bien consciente, surtout pour le fait que je voulais des informations vraiment concrète. Des choses solides qui permettraient de remonter la piste jusqu’au sommet. Enfin, peut-être pas à ce point, mais au moins quelque chose de concret, une erreur qui pourrait leur coûter cher et me permettre d’obtenir ce que je recherchais : la vérité. Mais quel était son prix, ça, c’était une toute autre histoire… Qu’est-ce que j’allais apprendre ? Qu’il était mort pour que trois connards en costards se fassent un paquet de fric ? C’était juste ça ? Je le présentais, et de toute façon, en aucun cas ça allait me plaire.

“Ça oui, j’me doute. J’te fais juste la présentation dans les grandes lignes hein. J’ai tout sur cette clef, tu devrais avoir toutes les informations dont t’auras besoin. Date, heure, affiches et tout… Toutes les pistes que j’ai pu trouver jusqu’à maintenant et qui ont été falsifiées, y compris la vidéo qui me servait de grosse preuve. Ils ont tout fait pour maquiller leurs trâces, et je veux savoir qui ils sont.”

Je ravalais ma salive face à une telle déclaration. C’était… pas habituel de ma part de m’imposer comme ça. Mais là, c’était moi qui demandait quelque chose, qui me mettait à la place du client. J’avais des choses solides hein, c’était pas simplement moi qui demandait à ce qu’on me décroche la lune, mais là, ce serait nettement plus simple si c’était Lucifer qui s’en chargeait, étant donné que pour tirer le vrai du faux, probablement allait-il devoir mettre la pression à quelques personnes qui cachaient leur jeu.

“Et si j’peux te donner un début… Essayes de retrouver le propriétaire de la salle. Il a coupé tout contact après ce qu’il s’est passé et j’arrive pas à le retrouver. Ils se sont bien couvert numériquement, mais… Peut-être que tes méthodes fonctionneront mieux.”

Encore une fois, j’étais nerveuse. C’était vraiment bizarre d’être ici, à demander ça face à Lucifer… Après, j’avais pas foncièrement besoin de me soucier d’être entendue ou non, vu que l’endroit était tout de même sur. Mais j’étais jamais trop prudente. Cependant, pour le paiement, eh bien… Il proposait de régler ça amicalement, un échange de bon procédé. J’imaginais que ça pouviat se faire, mais j’avais déjà mon idée sur la question.

“Pour ce qui est de l’équipe… Si je passe par toi c’est que j’ai déjà essayé, d’autant qu’ils savent que je fouine sur cette affaire. Après, ils pensent peut-être que j’ai baissé les bras, mais… Dans l’doute, vaut mieux que je sois en retrait. Mais lorsque t’auras des informations, ça oui, je serais preneuse. Et pour ce qui s’apparente à ta “faveur”... Enfin, si c’est le bon terme. J’ai un truc pour toi.”

Ouvrant ma sacoche, je sortais une boite, avant de la poser devant Lucifer. Je savais pas si ça ferait complètement l’affaire ou un truc équivalent, mais déjà, il m’avait fait part de son intérêt pour la chose.

“Tu te souviens de mon traducteur ? Je l’ai finalisé, et je t’en ai fabriqué un. Même si pour le coup, celui-là, je m’suis un peu lâchée au niveau des features…J’me suis dit que de pouvoir maquiller ta voix ou de prendre des enregistrements te serait plutôt pratique dans l’idée, et pour le reste, je me suis occupée de quelques détails, genre euh éviter de mettre mon logo dessus, par exemple.”

Au moins ça c’était un peu plus mon domaine.

“Reste plus qu’à l’essayer, de le paramétrer vite fait et de t’expliquer comment il marche. Après ça, tu devrais plus avoir de problèmes à ce niveau là.”

« Ohhhh ... Et bien j’espère que cette version sera plus efficace que la précédente. J’aimerais éviter d’inviter un client à boire le sang de ses morts au détour d’un verre. Ce serait tout de même très embarrassant … »

Disais-je en haussant les épaules tout en agitant la tête de gauche à droite. Avoir un traducteur universel me serrait sans doute utile pour atteindre les plus défavorisés des nôtres, ceux qui n’ont guère eu le privilège d’apprendre les langues.

Je m’arrête quelques instants pour plonger mes yeux dans ceux de Julia, essayant de sonder la demoiselle à la recherche de ses intentions, ses attentes et ses craintes. Sans grande surprise, la demoiselle est plus tendue que la corde d’un pendus, chose normal au vus de son âge. Mais malgré tout, elle était là à pactiser avec le diable. Elle devait vraiment tenir à cette vengeance.

« Bien, je vais voir ce que je peux faire pour cette histoire. Ceci dit, j’aimerais également avoir les plans de ta machine, ou que tu reste disponible pour en produire plus au besoin. Briser la barrière des langues ne peut être que bénéfique pour la famille.

Mais … Je dois dire que ta requête m’intrigue. Je me souviens d’une jeune fille qui abhorrait l’idée de tuer, qui ne voulait que des petits travaux sans grande ambition. Et pourtant il semblerait que tu sois dans une chasse au criminel depuis bien avant notre rencontre. N’est ce pas un peu … contradictoire ? Ou notre rencontre t’a-t-elle ouvert les yeux sur la véritable nature du monde des humains ? Après tout, je doute que tu les traque pour organiser une dinette, pas vrais ? »

Évidemment, il y eu sa remarque par rapport à la précédente version du traducteur. Une qui avait voyagé à travers le monde pour donner des résultats… Eh bien, pas forcément des plus concluants, c’était ça le problème. Mais là, j’avais totalement revu ce qu’il fallait faire, changé beaucoup de concepts et un paquet de truc technique qui, finalement, n’intéressait pas grand monde. Toutefois, le résultat était là, et c’était un truc de bonne qualité que je lui refilais !

“Oh t’inquiètes pas pour ça ! C’est pas un truc que je commercialiserais si c’était pas une version aboutie ! J’suis pas développeuse de jeu vidéo ! Puis bon, vrai qu’on va éviter les incidents diplomatiques hein. Du moins, à cause du traducteur. Derrière, tu fais ce que tu veux.”

Je prenais en même temps ma tablette afin de le paramétrer. Vu que chaque personne avait des cordes vocales un peu différentes, il fallait que je m’assure que chaque son puisse être détecté et enregistré afin d’obtenir un résultat parfait. Rien de plus qu’une app sur ma tablette qui me servait à ça hein, j’avais prévu le coup. Cependant… Fallait continuer d’animer cette discussion, et de répondre à ses questions le temps d’être sûr du bon fonctionnement.

“Pour ça, j’pourrais en fabriquer d’autres. J’ai le coup de main et… Bah, vu que c’est un peu mon business, j’préfère éviter de refiler la tech.”

Autrement, bah… Tout le monde pourrait en faire. Même si j’gardais l’IA adaptée et qu’il faudrait du temps à d’autres pour imiter… Bref, c’était une autre histoire, et Lucifer vint notamment à aborder un sujet un peu douloureux, à savoir… Pourquoi je faisais ça. Évidemment que c’était un peu délicat à aborder, et je regardais des deux côtés du bar histoire de savoir s’il n’y avait pas quelques oreilles indiscrètes. Heureusement, tous semblaient être occupés dans leurs affaires.

“C’est… Compliqué. Et personnel. Celui qu’ils ont tué… C’était mon meilleur ami. Et si j’fais rien, ces types seront jamais inquiétés. Ils ont les connexions qui faut pour faire capoter l’enquête, et l’argent pour rendre aveugle et sourd les flics. Donc forcément, après avoir vu ça… Tu peux bien comprendre que ton discours sur la société qu’est de la merde, ça fait sonner quelques cloches. Pas toutes hein, mais quand y’a des intouchables comme ça qui peuvent faire ce qu’ils veulent au détriment des autres sans jamais avoir de compte à rendre…”

Je ravalais ma salive face à ça.

“Je sais pas encore ce que j’en ferrais de ces infos. J’aurais besoin d’y réfléchir. Mais tu peux te douter que ouais, la dinette, c’est pas au programme… Puis bon, jamais été fait des tasses en plastique. Et j’étais pas invitée de toute façon !”

J’haussais une nouvelle fois les épaules, avant de basculer ma tête en arrière.

“T’façon, tu sais comment me contacter, que ce soit pour des traducteurs ou ce truc là.”

J’écoutais silencieusement les confessions de Julia concernant son histoire, sondant ses yeux à la recherche de cette étincelle qui pourrait faire la différence entre les beaux rêves et l’action. Elle me semblait bien présente, bien qu’encore enchainée par quelques principes tenaces.

J’affichais un sourire en coin en haussant les épaules, reprenant sur un ton toujours aussi amical.

« M’est d’avis que tu sais très bien ce que tu ferrais, ma petite Julia. Tu le sens dans tout ton corps, dans tout tes os, pas vrais ? Ces flammes qui brulent au fond de toi, tu sais ce qu’elles demandent, tu as simplement … peur, peur de ne plus pouvoir revenir en arrière, peur de te retrouver seule. N’ais je pas raison ?

Mais après ce que tu as traversé, y’a-t-il encore quelque chose vers lequel revenir ? Maintenant que tu connais la vérité, je doute que tu puisses retourner a ta vie d’avant, comme si de rien n’était, n’est ce pas ? Et si tu refuse d’agir, tu te ferras des ennemis de corrompus plein aux as qui n’ont aucun problème pour couvrir leurs traces.

Non, il n’y a qu’une seule solution a ta situation, ma petite Julia. Une solution difficile à accepter, je te le concède, mais c’est bien là la seule qui t’accordera la paix … »

Je tendais doucement la main vers Julia pour lui prendre la sienne, que je recouvre de mon autre main.

« Et tu n’auras jamais à craindre de finir seule, car nous serrons toujours là pour la famille. »

Donc… C’était avec des yeux grands ouverts que j’regardais Lucifer en train de me faire tout un laïus sur ma personne, d’une manière un peu théâtrale quand même. Alors si ça collait un peu au personnage qu’il était de faire un coup comme ça, j’devais admettre que pour le coup, ça sortait de nul part, et j’étais plus surprise que vraiment touchée par son discours qu’il venait de me faire. Mais de là à me prendre la main et tout… Woah, ça partait sur un truc assez extrême et louche tout ça, et dans un geste de recul, j’écartais ma main des siennes.

“Woh woh woh, faut j’te calme un peu là ! Hey, ton coup à base de famille, de solidarité… Tu pars un peu loin dedans hein. J’te rappelle qu’à la base, j’suis une indé qui bosse avec toi plus qu’autre chose.”

Fallait que j’mette les choses au clair quand même. C’était ce que je lui avais demandé à la base, et de pouvoir, au besoin, retirer mon nom de ses listes. J’voulais pas commencer à m’embarquer dans une secte ! J’avais d’autres problèmes déjà, donc tant que j’pouvais garder un peu de contrôle sur ma vie.

“Donc s’te plaît, commence pas à me psychanalyser en long, en large et en travers. C’est pas ce que je recherche.”

J’étais venue pour rendre un travail et lui en demander un. Pas pour une séance chez le psy. C’était chiant en plus. Mais bon, j’pouvais admettre deux trois trucs. Ou plutôt rectifier.

“Mais… C’est pas vraiment d’être seule que j’ai peur. C’est qu’en faisant ça, je change en quelque chose que je maîtrise pas, quelque chose qui n’est pas moi. Mais bon, j’exclue rien pour le moment. J’comptabilise juste les cordes que j’ai à mon arc avant de me décider de quelle flèche je tire.”

Forcément, j’avais envie un peu d’en finir, mais de là à faire quelque chose d’irréparable, je savais pas. Fallait que j’étudie toutes mes options au préalable, et pour ça, j’avais besoin de plus d’informations.

“T’façon, ils savent déjà que j’étais sur leurs traces, même s’ils doivent se dire qu’ils m’ont déroutés suffisamment pour que j’leur pose plus de problème. Ou que j’ai abandonné. Mais ouais. J’veux faire la lumière sur cette affaire. Le reste, je verrais.”

Bref, j’l’avais coupé dans son élan, et un léger blanc s’installa, avant que je ne prenne ma tablette pour vérifier rapidement deux trois trucs :

“Bon, le traducteur a l’air de bien détecter ta voix et a commencé à tout mapper. Le reste je l’avais déjà testé, histoire d’être sûre. Du coup… Pour le reste, tu connais mon mail si t’as besoin de plus de détails. Tiens moi juste au jus quand t'auras les infos, hum ?”

Je me reculais délicatement pour reprendre ma place, continuant de fixer la demoiselle avec mon sourire habituel, alors que cette dernière passait sur la défensive. Je m’installais confortablement, n’interrompant pas les dires de Julia, observant de bout en bout sa défense.

Cet échange avait au moins amené Julia à s’exprimer un peu plus sur ses craintes vis-à-vis de sa situation. Plus que la solitude, c’était bien la conséquence de ses actes qui la dérangeait. Elle avait peur de perdre le contrôle, de devenir une tout autre personne, en résumé : peur de changer. Avait-elle seulement un jour eu le contrôle sur sa vie ? N’était-elle pas dans un perpétuel changement ? Que de questions qui me taraude pour l’amener à réaliser au combien les dogmes de cette société corrompues l’entravent et l’empêche de s’épanouir.

Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui. La Julia était déjà bien assaillit de diverses pensées et réflexions, il n’était guère utile de surcharger son esprit, mais je gardais ces pensées dans un coin de ma tête pour une prochaine fois.

Je ne brisais le silence qu’une fois les dernières paroles de Julia prononcée, quittant mon siège avec un sourire toujours aussi prononcé, prenant toutefois quelques instants pour mimer quelques os endoloris avant de me tourner une dernière fois vers Julia.

« Je n’y manquerais pas ! M’est d’avis qu’une fois toute cette histoire finis, tu comprendras bien mieux l’importance des valeurs de la famille … »