Des fois, fallait admettre, y’avait pas mieux que les choses simples dans la vie ! Genre se prélasser dans son lit jusqu’à treize heure un dimanche matin après avoir passée la nuit devant la version longue d’une célèbre oeuvre de fantaisie. Ouais, c’était tout de même bien le pied ! Mais ça pouvait être encore mieux. Comment ? La réponse était plutôt simple en fait : Un bon repas !

Donc c’était ainsi que je m’étais retrouvée, après m’être négligemment habillée et avoir tout de même eu le temps de prendre un bon café dans petit restaurant pas très loin de chez moi, à deux stations de métro. Ils faisaient des burgers tellement bons ! Et c’était pas tous les jours que j’en prenais, donc je m’autorisais ce droit ! De toute façon, avec ce que j’avais traversé ces dernières semaines, je crois que j’avais besoin d’un bon coup de réconfort, et souvent, ça passait par des choses simples.

Aaaah, l’odeur du pain chaud et d’un bon steak-fromage sur la langue… Y’avait des choses qui se remplaçaient pas. Et je parlais de burgers qu’étaient artisanaux hein ! Pas les trucs qui sortaient du micro-onde ou qu’étaient produit par pack de douze sur un grill multifonction. Fallait dire que j’avais jeté un coup d’œil curieux en cuisine la première fois que j’étais venue, et j’avais pas été déçue. D’autant que le serveur était super sympa en plus d’être un brin canon…

Enfin, y’en a qui diraient que de manger seul au restaurant était d’une tristesse infinie. Mais ceux-là comprenaient pas tout j’pense. Des fois, c’était cool. Juste de s’asseoir, de profiter d’un bon repas en écoutant d’une oreille furtive mais curieuse les conversations des autres. Je m’étais réjouie de quelques bonnes nouvelles, énervée face à la connerie de certains. Et des fois, je me retenais pas d’y aller de mon petit commentaire ! Souvent, les gens me dévisageaient après coup, et je devais même admettre que j’avais bien ri lorsqu’une bonne femme qu’arrêtait pas de critiquer mon chouchou de serveur avait été tellement vexée par ma remarque qu’elle s’était barrée du restaurant, décidant de prendre à emporter. Une bonne anecdote tout de même…

Cependant, j’me retrouvais assise à ma table, à attendre du coup qu’un serveur vienne s’occuper de moi. Et c’était un petit bordel, étant donné que la salle semblait être comble. Le nombre d’enfant présents ici était… Un peu trop important en fait. Je crois que ça devait être un anniversaire, mais que le McDo en haut de la rue était fermé pour cause de travaux. Ou un problème d’hygiène. Et vu comment la troupe réclamait des burgers, les parents avaient dû se résoudre à aller ici. Les prix étaient pas les mêmes par contre, donc probablement qu’ils allaient devoir négocier avec les proprios s’ils voulaient pas être sur la paille.

Toutefois, y’avait cette fille aussi. Une, longs cheveux roux. Et quand je disais long, c’était que sa natte arrivait presque par terre. Woah, c’était plutôt impressionnant pour le coup ! C’était presque une crinière à ce stade ! Et si je l’avais remarqué, les gamins eux étaient presque captivés. C’était un peu attachant pour dire, enfin, jusqu’à ce qu’un, un peu turbulent, se dise que d’essayer de les écraser de son pied était la bonne idée !

Mais pas sous ma vigilance !

“Hop-là !” Fis-je en attrapant la longue natte d’une main, la soulevant juste à temps pour que le pied ne tape le sol et ne résonne sur le plancher de bois. Sa mère, ou tout du moins l’adulte à côté, ne semblait pas du tout s’en soucier, et on venait d’éviter l’accident. Et le pire, c’était qu’avant que je ne puisse dire la moindre chose, il fila à l’autre bout, rejoignant une autre table, non sans me tirer la langue.

“Oh c’te p’tite merde là !” Grognais-je un peu, presque vexé de la jeunesse. Punaise, j’étais comme une petite vieille là. Sauf que je réalisa juste ensuite que j’avais toujours la natte dans ma main, comme une idiote ! Euh… Fallait que je la relâche non ? C’est ce que je fis en tout cas, expliquant la situation comme je le pouvais :

“Ouais désolé, ce sale gosse là s’est dit que d’écraser tes cheveux avec son pied était l’bon plan. Dommage pour lui, je veillais !”

Bon, expliqué comme ça, ça pouvait être un peu bizarre non ? Tant pis, j’assumais ce côté là, et d’un regard sur la pièce, je me rendis compte qu’elle était probablement en train de rechercher une place :

“Tu veux t’installer ? J’attends personne, donc y’a de la place !”

Aaaaah, New York. Une ville si grande et connue à l’étranger que j’ai longtemps cru qu’il s’agissait de la capitale des États-Unis d’Amérique avant d’apprendre, au détour d’une lecture sur les présidents du pays, que je me viandais lamentablement. J’savais éperdument que j’étais loin d’être la plus maligne mais y’a des moments où j’trouve ça grave quand même.

Le réveil de bonne heure ce matin avait été dur mais nécessaire pour les plans que j’avais aujourd’hui. J’avais réussi, de peu, à prendre le premier train vers Paris et, après quelques minutes de galère à trouver mon chemin dans cette gare infernale, étais parvenue à emprunter l’un de ces fameux téléporteurs tout droit direction la fausse capitale américaine ! Et tout ça pourquoi ? Se bouffer un VRAI BON burger américain et pas l’une de ces merdes de McDo ou autre fastfood ultra gras et sans saveur, voilà pourquoi ! Ouais, m’en faut peu… M’enfin, faut dire que ma dernière expérience avec mes potes était ressortie par l’entrée et plus vite qu’elle n’y était entrée… Pis le gras m’a collé à la gorge pendant des jours… Fallait que j’répare cette injustice.

Ainsi, équipée de mon fidèle sac à dos, mon casque audio et mon téléphone portable, je m’étais lancée dans ma petite quête personnelle. L’avantage d’avoir eu des parents de pays et langues différentes, c’est qu’ils avaient forcément dû trouver un terrain d’entente pour commencer à se connaître et avaient fait de l’anglais ma seconde langue. Un atout de choix pour voyager un peu partout. Quelques tapotages sur mon téléphone portable, une ou l’autre lecture d’avis sur internet ici et là et j’étais partie à la chasse d’un petit restaurant où l’on vantait aussi bien les mérites du café qu’ils servaient que de leurs burgers.

Est-ce que mon flair légendaire ou est-ce les réseaux de métros new-yorkais étaient vraiment bien foutus ? Je ne le découvrirais que lors du chemin retour mais j’avais mis très peu de temps à m’y retrouver et atteindre la station adéquate. Restait plus qu’à suivre le petit plan de Google MAPS sur mon téléphone et j’arrivais rapidement à destination et…

Bordel… Des gosses… partout… ils crient et courent dans tous les sens… et la salle est bondée… Pas la moindre table de libre. Enfin, « libre », si techniquement, j’pourrais bien m’asseoir en face de quelqu’un mais mon côté très asocial a décidé de reprendre le dessus à l’instant même où je me suis rendu compte que ces gosses étaient si bruyants qu’ils passaient au travers de la réduction de bruit active – et à fond – de mon casque.
J’envisageais déjà de quitter l’établissement alors que je le scrutais d’un œil désespéré pour trouver un endroit où me poser alors que, soudainement, je sentis qu’on se saisissait de mes cheveux. Dans un calme Olympien notamment motivé par mon envie d’avoir la paix dans un pays où je doute qu’on puisse me connaître, je retirais mon casque et me retournais lentement pour poser mes yeux sur une petite brunette qui était visiblement en train de grogner en regardant de l’autre côté de la pièce.

« Oui, bonjour ? » l’interpelais-je en la dévisageant très légèrement.

L’air un peu gêné, elle m’expliquait avoir sauvé mes cheveux de la basket d’un sale gosse qui prenait visiblement bien trop ses aises puisqu’il se permettait carrément de lui grimacer. Mon regard se posa sur lui et il ne manqua pas de remarquer la pression monter, si bien que, dès qu’il le croisa, il s’arrêta net et se fit tout petit.

« Sans toi, ce p’tit merdeux aurait certainement appris les joies du saut en parachute… sans parachute. Et moi j’serais sûrement en train de déblatérer avec les flics pour expliquer mon comportement « inadéquat envers un jeune enfant », gngngn, gngngn… Hum-hum. Merci beaucoup, vraiment. Mes cheveux sont très importants pour moi. »

Alors que je décidais d’éteindre mon casque et le ranger dans mon sac à dos, elle me proposait de m’asseoir auprès d’elle. En voilà une occasion en or que je n’allais certainement pas rater !

« Oh beh, si c’est si gentiment proposé, j’vois pas pourquoi j’me gênerais alors ! » Il n’en fallut pas plus pour que je pose mon derrière bien confortablement et pose mon sac à côté de moi, histoire de l’avoir à l’œil. Dans un élan de sociabilité incontrôlé, je m’élançais aveuglément dans une conversation ;

« J’m’appelle Kayle. J’suis pas d’ici mais ça fait un moment que je voulais me faire un burger artisanal ricain ! Et toi ? C’est quoi ton p’tit nom ? T’es du coin ? ».

Ouais, j’avais fait ma bonne action du jour, et à la voir presque bouillonnante face à ce morveux mal élevé, j’me disais que c’était peut-être plus pour ce rejetton que directement pour elle, et à sa réponse, ouais, clairement, c’était assurémment le bon plan ! Même pour être franche, je venais probablement de louper un spectacle assez divertissant. Clairement, voir ce gamin suspendu à un lampadaire par le caleçon aurait été une barre de rire bien méritée, même si, évidemment, tous n’avaient pas cet humour. Mais bon, autant éviter de gacher une fête d’anniversaire hum ? Ou peut-être que si…

“Ça lui aurait peut-être appris le respect après… Mais bon, s’il continue comme ça, y’aura bien des gens pour lui donner des claques en douce. Ou même pas forcément en douce en fait. Et j’me demande ce qu’ils feront lorsqu’il fera une crasse à un flic justement ! Là, clairement, y’aura un spectacle que je ne voudrais pas louper.”

Ah, qu’est-ce que j’adorais l’éducation des gamins. Surtout des bruyants, turbulents, malpolis et compagnie. Je me pris même d’un petit rire à m’imaginer ça. Presque un peu déçue, mais bon, il restait à proximité. Y allait bien en avoir un de cette troupe qui allait refaire une connerie tôt ou tard. Et il serait surement imaginatif sur la manière de faire. D’autant que selon elle, ses cheveux étaient très important pour elle, et ça se voyait !

“Ça, j’te crois sur parole ! Ils ont une longueur… Alors autant c’est classe hein, tu dois dépenser une fortune en shampoing. Et être un cauchemar pour les coiffeurs ! C’est quoi ton secret, hum ?”

Probablement de ne jamais les avoir couper je supposais, mais bon, peut-être qu’il y avait d’autres tours que je ne connaissais pas ? Dans tous les cas, elle profita de mon invitation pour poser son derrière juste en face de moi, ce qui me fit sourire. Comme quoi, toutes mes pensées par rapport au fait de manger seules tombaient un peu à l’eau, même si je pouvais rajouter la possibilité de faire des rencontres inattendues comme celle-ci ! D’autant qu’elle se présentait sous le nom de Kayle, une étrangère en vadrouille !

“Enchantée du coup ! Moi c’est Julia, et ouais, j’suis du coin ! J’ai un appart à quelques rues, mais à la base j’viens d’Europe. Et si je devais deviner, je suppose que tu viendrais de là-bas aussi. Hum… Un bon anglais, crinière rousse… A la base, j’serais partie sur écossaise, mais… Manque un accent un peu fort. Irlandaise peut-être ?”

Après bon, je partais sur des clichés pour me repérer et identifier ce pays, mais bon, c’était amusant de tenter l’expérience ! Et peut-être qu’avec un peu de chance j’allais faire un coup au but ! Mais bon, c’était une chance sur… Beaucoup. Surtout si je considérais les états dans les états. Genre dire à un gallois qu’il était anglais… Ouais, pas la meilleure idée.

“Et ça faisait aussi un petit temps que j’en avais pas pris un. J’y viens de temps en temps, mais là ça datait. Et parfois, ça fait du bien de manger un bon truc local ! J’ai tendance à me ballader un peu partout dans le monde, et à tester les différentes bouffes. Y’en a des pas mal hein ! Mais je crois que mon petit faible restera ce genre d’endroit. Enfin, derrière la pizza entre potes devant un jeu multi ou un film à la con !”

Et ouais, y’avait des niveaux d’appréciations qui se découvraient parfois avec l’accompagnement. Comme quoi, ça dépendait de beaucoup de chose.

“Et du coup, tu fais quoi dans la vie ? A part être visiblement l’attraction des gosses mal-élevés j’entend.”

Mes cheveux ! Avec mes tatouages faciaux, c’est le sujet sur lequel on me pose le plus de questions. Faut dire que c’est l’une de mes fiertés et si y’a bien une chose que je ne supporte pas, c’est qu’on vienne à les toucher sans mon accord. J’compte plus le nombre de pains qui sont partis sans prévenir pour rencontrer intimement le nez de celui qui me les agrippait… et j’veux certainement pas avoir affaire au premier qui sera assez fou pour essayer de m’en couper une mèche.

« Héhéhé, ouais j’dépense pas mal de fric en shampoings et après-shampoings mais, nan, j’suis loin d’être le cauchemar des coiffeurs. J’laisse personne en qui j’ai pas confiance toucher à mes cheveux, question de principe. Et les laver… c’est une vraie horreur ! J’suis mon propre cauchemar en ce sens ! »

J’ai pas pu m’empêcher de rire de ma connerie. Faire des choix de vie qui m’handicapent plus qu’autre chose, c’était un peu ma spécialité quand j’y repensais et l’ironie qui en découle m’a fait partir au quart de tour.

« Mon secret pour cette longueur de cheveux ? Aucune coupe en près de vingt ans de vie, une tignasse si résistante qu’elle pourrait servir dans le milieu de la construction, un cheveu naturellement en excellente santé et des heures de galère pour natter, dénatter, laver et sécher tout ce bazar ! Sérieusement, j’demande parfois l’aide d’amis pour ne pas que ça me prenne une journée complète ! Oh, et beaucoup de levure de bière aussi. C’est con mais ça aide beaucoup ! »

Et c’est là que la p’tite brunette en face de moi me répond. J’le sens bien venir : ça va causer sec aujourd’hui ! Boh, de quoi j’me plains, I asked for it dans un certain sens. Et puis, avoir une connaissance aux States me donnera peut-être davantage envie de quitter ma semi-campagne pour rencontrer d’autres gens et voir du pays ? Pourquoi pas en profiter même pour enfin passer ce foutu permis moto qui me nargue depuis mes 16 ans et enfin me lancer dans la chevauchée des routes touristiques des States ? Ou de n’importe où dans le monde d’ailleurs ! Julia donc, la ricaine qui m’accompagne, ne serait finalement pas ricaine d’origine mais Européenne. Qu’est-ce que le monde est p’tit… Mais par contre… Sérieusement ? Écossaise ? Irlandaise ? Bon, faut dire que j’frappe dans les clichés entre mon anglais, ma rousseur, mon sang chaud et mon goût pour la bière mais quand même !

« Raté ma belle ! J’suis Belgo-Norvégienne. Belge de mon père, Norvégienne de ma mère. À la maison, je parlais français avec papa et anglais avec maman jusqu’à un certain point où j’ai commencé à ne parler que norvégien avec elle. C’est très pratique pour participer à des fêtes médiévales à thème viking ou comprendre ce que des groupes racontent ! Ou bien avoir des réduc’ auprès d’artisans norvégiens locaux qui découvrent avec joie que tu as fait l’effort d’apprendre leur langue avant de venir dans le pays ! »

Quand on me dit qu’on est motivé par le voyage autour de la terre uniquement pour la nourriture, je dois reconnaître que j’suis plutôt du genre à imaginer des poires dépassant les 100kg se déplaçant presque en déambulateurs tant y’a de la masse corporelle à bouger et pas vraiment un p’tit machin plus petit et frêle que moi. Faut croire que j’pousse le vice un peu loin… Par contre, qu’entends-je ? Soirées pizzas autour de jeux ? Hell yeah ! Ça c’est du bon ! En voilà une base solide qui fait qu’on pourrait s’entendre ! Enfin… si ce n’est l’amour du burger et la visible dépréciation des rejetons.

« C’que je fais dans la vie ? Me démerder, ça me semble plus qu’adéquat compte tenu de ma situation, haha ! J’suis magasinière-stockiste à mi-temps dans une société européenne et Chasseuse l’autre moitié du temps. Enfin, quand j’glande pas à rejouer en boucle aux jeux de mon enfance. Un rouage de plus dans un système un tantinet foireux d’après moi, m’enfin. Et toi ? Qu’est-ce que c’est que tu fais ? »

Forcément ouais. Avoir une telle tignasse, c’était pas que de la frime pas cher et un poids en plus sur la nuque. Non, c’était beaucoup d’entretien, de l’investissement et tout. Déjà, financier comme elle pouvait en parler avec les shampoings et compagnie, mais également rien qu’en terme de temps ! J’imaginais pas le nombre d’heure qu’elle devait passer, sèche-cheveux à la main, pour avoir le bon effet. Ouais, une sacré galère, et pour le coup, j’étais clairement obligée de respecter ça, contrairement au gamin de tantôt, même si je pouffais un peu à la mention de la levure de bière !

“Ah ouais, c’est pas simple ! Clairement ! Mais en même temps, ça te fais un style, ouah ! Ça te va super ! Et les marques sous les yeux ? Tatouage ou maquillage ? Vu le côté extrême de la natte, j’pars sur la première option !”

Un autre détail en effet qui la rendait assez intéressante, mais qui, bah de dos, ne se voyait pas spécialement. Clairement, j’avais face à moi un spécimen assez rare, même légendaire ! Le genre que tu voyais qu’une fois et qui derrière se barrait définitivement à l’autre bout du monde. Ça m’étonnerait même pas en plus !

“Perso, les seules marques que j’ai autour des yeux c’est les cernes lorsque je… Repousse un peu trop le sommeil.”

Et part un peu, c’était souvent beaucoup trop. Mais bon, je faisais avec. Pas comme si j’avais des horaires fixes de toute façon, j’avais le luxe de me balader part le monde pour faire ce que je voulais, quand je le voulais. Enfin, tant que mon compte bancaire n’était pas dans un état critique. Mais ça allait pour le moment !

Cependant, la concernant, elle montra que mes pronostics un peu clichés avaient échoués. Belgo-Norvégienne. Alors, autant la Norvège ça lui donnait un air de viking qu’était… Plutôt accurate, clairement, autant la Belgique… Sur le coup, j’eu un léger mouvement de recul. C’était que… Ouais, j’étais pas encore complètement passée outre ce qui était arrivé à Boris. C’était qu’avec toute cette affaire, j’avais détesté ce pays et tout ses habitants jusqu’à il y a peu, lorsque j’avais confronté Ellyot sur le sujet. Mais… Au moins, c’était le moment de passer outre ce blocage !

“Hiiiin, j’aurais pas pariée ! Enfin, la norvège peut-être. C’était pas dans mes premiers choix, mais maintenant… Ouais ! La Belgique par contre, j’aurais jamais trouvé. Et bonne méthode j’admet. Faudrait que j’essaye ça avec le français, si mes restes sont pas encore trop… Lacunaires.”

Hey, j’avais encore un léger niveau. Léger hein. Puis je risquais pas de sortir la même bourde que Naomi avait fait. Une qui me faisait toujours rire d’ailleurs ! Ah… Faudrait que j’l’a prévienne tout de même. Mais plus tard.

Car la rouquinne viking face à moi m’annonçait ce qu’elle faisait dans la vie. Si son premier job était… Pas foncièrement palpitant hein, l’autre était tout de même la chasse ! Un boulot évidemment risqué, mais bon. Si elle faisait ça à mi-temps, je supposais qu’elle devait être d’un bas rang d’éveil, histoire de joindre les deux bouts.

“Je vois je vois !” Commençais-je, exquissant un sourire à la mention des jeux refaits en boucle. Un péché mignon évidemment, alors que la balle m’était renvoyée. Et comment expliquer ce que je faisais… Eh bien…

“Hum, j’me qualifierais d’une sorte d’esprit libre de technologie ! Ouais nan, trop pompeux. Disons alors que j’suis plus une sorte de mercenaire du net ! Celle qui répond à un peu tous les petits boulots à travers le monde dès lors qu’il y a un petit pépin informatique. Au début c’était chaud à tenir, vu qu’il faut quand même proposer ses services par-ci par-là pour se faire connaître, mais maintenant… Eh bien, j’commence à avoir un réseau ! Et le luxe de choisir ce que j’veux faire et de négocier ma paye !”

Clairement, j’appréciais ce train de vie. Ça me permettait de partir en rush pour enchainer plusieurs contrats dans une partie du globe, me faire quelques repas sur place et être avancée des frais de transport par tous ceux qui me mandataient, et profiter un peu de la cuisine locale.

“Parfois, ça m’fais revenir assez peu ici, à New York. Genre j’me rappelle d’un New-York vers Paris puis Berlin, Varsovie, Talin, Moscou, BAM Tokyo, Seoul, pour revenir à New-York et aller à Toronto et revenir à New York pour livrer les boulots que j’ai pu faire lorsque j’étais dans les trains et les avions. Heureusement qu’il y a les portails, autrement j’aurais juste pas de sommeil parfois. Mais là ouais, j’avais fait fort. Trop fort même, au point où j’avais passée la semaine suivante comme une larve. Mais une larve riche !”

Je rigolais un peu à cette mention, imaginant la chenille dans un cocon de billets. Eh, comme quoi, y’avait des bons côtés.

“Et du coup, sur mon temps libre, ça m’arrive de bosser sur des projets. Des inventions. Enfin, quand je les finis quoi. Ça c’est plus rare. Un peu tendance à changer d’envie. Et en parlant d’envie, voilà le serveur !”

Restait plus qu’à passer commande du coup. Cependant, pendant que j'avais le nez dans le menu, scrutant les nouvelles offres et les petites promos, j'étais un peu trop concentrée, au point de pas voir qu'un nouveau garnement était de retour, le sel et le poivre à la main, les bouchons presque entièrement dévissés, et qu'il s'apprêtait à échanger les nôtres avec les siens pour nous piéger.

« Héhéhé, merci ! Ça me fait toujours plaisir d’entendre qu’on apprécie mon style ! » Alors qu’elle questionnait mes marques faciales, je ne pus m’empêcher de les caresser du bout de mes doigts. Un réflexe aussi bête que celui qui fait qu’on se met à respirer quand on pense au fait qu’on doit respirer ou de celui qui fait qu’on se gratte quand quelqu’un parle de démangeaisons. « Bien vu, ce sont bien des tatouages ! Ah, et, avant que tu ne me poses la question, nan, ça ne m’a pas fait si mal que ça de me faire tatouer ici, hahaha ! »

Enfin, si, j’avais eu mal mais bien moins mal que pour la raison qui m’a amené à les faire. J’me souviens avoir eu le visage engourdit pendant quelques jours après m’être faite tatouée... Et j’peux pas dire que j’avais pas été prévenue ! M’enfin, ils étaient importants pour moi alors ça valait bien quelques heures de souffrance... et d’une gêne omniprésente d’avoir un gars – pourtant très gentil – penché sur moi durant tout le long de la séance à me regarder longuement presque dans les yeux. J’sais bien qu’il était concentré sur son travail mais... c’était une expérience particulière quoi.

Elle avait réussi à me décrocher un large sourire à parler de ses cernes. D’une part parce que… Beh elles ne se voyaient clairement pas ces fameux cernes ! Aurait-elle également un super pourroir ? Le genre de ceux qui sont géniaux, que pas tout le monde peut avoir mais qui ne servent absolument à rien ? Un Super pourroir ? Ça vaut pas ma capacité à faire bouger mes oreilles mais ça a au moins l’avantage de servir à quelque chose de plus ou moins utile pour avoir l’air frais…

Bien que l’envie de rebondir sur le fait que le français l’aiderait pas spécialement à obtenir des ristournes parce que les européens sont composés à majorité d’avares me chatouillait, j’me suis dit que valait p’t’être mieux garder une image plus ou moins correcte du continent d’à côté. S’il fallait qu’elle bouffe quelque part, que ça soit bon et qu’elle ait une réduc’ par-dessus le marché… Well, j’aurais pas été capable de l’aider. Les seuls endroits où j’bouffe, j’ai beau parler toutes les langues que tu veux, y’a pas un centime qu’est retiré de l’addition ! Les seuls endroits où ça m’est jamais arrivé, c’est parce que j’connaissais quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui faisait partie de la famille où du cercle d’amis proches des tenanciers… Et j’payais rarement ma part parce que j’étais invitée… J’suis plus douée pour choper du matos multimédia en excellent état et à des prix cassés, faudra que j’m’y fasse.

Et, à l’instant même où j’me dis ça, la voilà qu’elle me déballe son CV ! Enfin, non, pas vraiment. Autant ça m’aurait pas demandé trop d’efforts de faire le raccord entre son côté geek et le monde du try-hard ou de l’Esport, autant la « mercenaire du web » ¬¬– j’aime bien c’terme –, il sort de nulle part. Ajoute à ça qu’elle parcours le monde plus vite que j’décharge mes camions de transport de marchandises et j’ai pris la plus belle claque de la conversation ! J’m’y attendais tellement pas que j’écarquillais les yeux en grands et gloussait ! Y’a même un « nomdedjeu » bien d’chez moi qu’est sorti tout seul ! P’t’être qu’elle était riche la larve mais elle devait certainement être épuisée ! C’la dit, l’image d’une larve qui n’a pas des feuilles d’arbre pour faire son cocon mais des billets verts à la place m’faisait rire. J’suis la mieux placée pour le savoir mais, comme quoi, les apparences sont parfois bien trompeuses.

« J’suis loin d’être calée dans le domaine mais j’serais bien curieuse de voir ce que tu ponds ! Même si c’est pas fini, genre juste voir. Dans ma tête, les inventeurs, c’est du niveau Nikola Tesla ou Thomas Edison à te révolutionner une époque entière alors j’me demande bien ce que les génies de nos jours peuvent bien essayer de pondre pour encore nous faire évoluer dans un monde où on peut carrément se téléporter ! »

Ma curiosité avait été piquée. Y’a pas grand-chose qui m’intéressait dans la vie mais quand y’avait des opportunités, j’les ratais rarement.

Et enfin, tel un messie venu annoncer la bonne parole, or something like that, idk, don't know nothing about theses, le serveur arriva. Et Einstein-Girl ne manqua pas de le remarquer non plus. Elle attrapa un menu, plongea le nez en plein dedans et se mise à lire alors que je commandais un café auprès du serveur. J’en avais vraiment besoin. Il partit après avoir pris ma demande et j’me mettais à lire négligemment les noms des burgers voir si l’un me faisait envie plus que d’autres. Véritable carnivore de nature, fallait que je trouve quelque chose avec le moins de légumes possibles et, idéalement, avec du fromage, du bacon ou quelque chose qui ajoute un vrai piquant au burger. J’étais ici pour me faire plaisir, alors autant y aller jusqu’au bout !

Mais alors que je passais au travers des lignes de présentation des mets du restau, v’là t’y pas que j’vois un d’ces mioches s’arrêter à notre table. J’lève les yeux et j’le vois poser du sel et du poivre à notre table. J’pense pas qu’il m’a vu puisqu’il les pousse doucement et essaie de nous prendre les nôtres. S’ils sont vides, il a qu’à en demander aux serveurs, pas à venir nous piquer c’qu’on a à table ce merdeux. J’attrape alors le poivre qu’il a déposé par le capuchon et le soulève et… C’est le drame… Alors que j’lève cette merde, le truc se détache de sa base et s’éclate au sol. J’me saisi comme une conne et le gamin aussi. Il ne m’avait définitivement pas vu ce con… Et j’suis prête à parier qu’il l’a fait exprès. Son regard croise le mien et, alors qu’il tente de détaler, j’l’attrape par le bras. J’fais que le tenir, j’ai pas envie de lui briser quelque chose non plus, même si ça aurait pas été l’envie qui m’en manquait. Une chance que j’supporte l’odeur du poivre… J’lui conseille gentiment de ne pas bouger d’un millimètre, le temps que l’serveur revienne, histoire de voir si on peut pas l’faire dégager lui et sa clique. Ça f’rait du bien à mes oreilles qui bourdonnent depuis que j’ai retiré mon casque et commencé à entendre leurs cris…

Vrai que je n’avais jamais pensée à me faire tatouer. Non pas à cause d’une peur bleu de l’aiguille ou par un rejet affreux de la douleur, même si évidemment je n’avais pas envie de souffrir le calvaire, mais plutôt que je n’avais jamais spécialement eu l’envie d’en faire un. Et de toute façon, je ne sais pas ce qui m’irait vraiment. D’autant qu’avec mes proportions à passer du coq à l’âne, j’avais pas foncièrement envie de m’infliger un truc définitif. Et pour preuve, mes oreilles étaient même pas percées contrairement à je sais pas combien de filles !

Mais cependant ouais, j’étais quand même assez impressionnée par son style. Même, si pour le coup, elle le fut par ce que je faisais ! Fallait dire que j’avais plutôt présenté la chose, et parfois j’allais plus à l’essentiel : “Ouais j’suis une geek professionnelle”. Mais bon, c’était tellement vaste qu’il fallait bien préciser la chose. Mercenaire du net était pas si mal finalement comme titre… Enfin bref, bientôt je m’appellerais comme une net-runner et co. Dépendait de mon humeur après tout. Cependant, cela semblait l’intriguer, sur ce que je pouvais faire et les inventions, tout ça.

“De ce que j’sais, y’a beaucoup d’inventions qui se font chaque semaine. Juste que la plupart restent à l’état de prototype qui prend la poussière au fin fond d’un placard. Y’a des savants fous aussi, qui t’inventent des appareils pour épépiner les groseilles. Et parfois, tu tombe sur le truc qui fait que tout le monde en voudra un ! Enfin, le principal truc finalement, c’est pas de savoir comment ça peut révolutionner le monde, c’est savoir si ça va se vendre ou non. Et pour être franche, c’est un poil triste quand même…”

Je roulais des yeux face à ce constat commercial. Un truc qu’on m’avait beaucoup dit. Il faut vous vendre, il faut vous vendre mademoiselle Sherman ! Et bah ta gueule, j’suis pas une pute moi !

“Et ce sur quoi je planche… Y’a quelques trucs, mais j’dirais que le plus concret que j’ai c’est un traducteur temps-réel portable. Il est pas encore au point, mais… Y’a des idées qui bouillonent, au point où j’approche parfois de l’explosion !”

J’affichais un petit sourire en coin par rapport à ça, avant de détailler les fonctionnalités dans de grands gestes :

“Voix adaptative, langues interchangeable, autonomie performante et… Ouais, tout l’bazar qui rendrait ce truc plutôt pas mal. Et dire qu’à la base, c’était juste car une grand-mère en Chine me comprenait pas…”

J’haussais un poil les épaules, avant de cependant être arranguée par les menus. Une bonne nouvelle du coup ! Mon estomac avait déjà fait son choix lui, mais bon, la curiosité l’emportait dans tous les cas. Cependant, il y eu quelques péripéties à cette commande, car un bruit de verre vint à me faire sortir le nez de mon menu, pour voir un spectacle un peu étrange.

Kayle tenait par le bras un des gamins, qui commençait à crier comme une putain de harpie ! Il tente d’ailleurs de s’enfuir, pendant qu’au sol, les morceaux de ce qui fut autrefois une poivrière agonisent dans une scène de crime malencontreuse. Et… Euh… Du poivre ? Ah… A… A…

“ATCHOUM !”

Putain de poivre. J’en avais plein le nez. Et plein les oreilles maintenant avec ce gamin qui criait, au point où un serveur arrivait un peu en catastrophe, et que les proprios des turbulents rejetons ne rappliquent, et que tout soit dans une cacophonie générale des plus emmerdantes.

Mais… De ce que je crû comprendre, avec le fait que le gamin avait dans les mains une salière et une poivrière, c’était qu’il avait voulu nous faire un sale tour, et que la rouquine l’avait intercepté durant son évasion. On allait devoir expliquer ça du coup.

“En fait, ce gamin-”

“Je crois que vous allez devoir partir mesdames.”

“Hein ?”

Je le regardais avec une sorte de confusion dans mon regard. Le genre qui voulait dire “Wesh, qu’est-ce qu’on a fait ?”, avec plus ou moins de politesse. Sauf qu’à voir le regard un peu désolé du serveur… Je crû comprendre le principe.

Évidemment qu’on était pas les coupables, et vu la misère que mettait les gamins, c’était un bordel monstre. Sauf que le problème était financier. On était que deux glandues qui commandait, face à une troupe de gamin qui allait raporter gros. Du coup, entre nous deux et un régiment, le choix avait été fait rapidement, au détriment de la justice.

“Z’êtes sérieux là ? Vous privilégiez ces gosses juste car ils sont nombreux ?!”

“Hey, ils n’ont rien fait !” répliqua une mère surement un peu trop protectrice, qui commençait à tirer son gamin du bras de Kayle.

“Ah oui, je reprend. Vous privilégiez le bordel que font ces gamins et les Karens qui les accompagne par rapport aux autres clients ?! Z’êtes sérieux ?!”

Sérieusement, ça m’énervait. Assez méchamment. Et j’voyais bien qu’avec leurs airs embêtés, ils étaient pas vraiment en position de trop se défendre. Mais bon, ils avaient acceptés de collaborer, et nous étions passées de clientes à persona non grata. Tss… Encore un méfait de l’argent ça… Le genre de moment qui me ferait presque réfléchir à ce que disait Lucifer… Presque hein !

Autant j’étais une bille sur la théorie de la science, autant j’pouvais pas dire que j’trouvais pas ça juste… ÉNORME !!! C’est vrai que, remis dans le contexte, j’suis certainement l’une des dernières personnes à qui on mettrait l’étiquette « geek » sur le front – surtout après avoir fait un passage dans mon appart’ décoré avec tant de conneries celtico-viking qu’on s’croirait tombé à une autre époque – mais tout ce blabla sur la science et la technologie, ça m’botte comme pas possible ! Enfin, sauf si les explications commencent par les formules scientifiques interminables… Là, j’m’endors comme une pierre. Certains de mes profs l’avaient capté ça et, bizarrement, mes cotes en chimie et physique sont remontées toutes seules lorsqu’ils ont appris à dompter la bête.

Ainsi donc, même pour les machines c’est le grand loto de la vie ? Soit tu sers à quelque chose, soit on t’oublie dans un fond de tiroir ? Ça brise un tout p’tit peu mon image du scientifique acharné qui tente toutes les formules possibles et imaginables pour réussir à faire fonctionner sa mini-roquette afin qu’elle ne lui explose pas à la tronche même si j’peux pas m’empêcher d’imaginer des armoires remplies à ras bord de trucs et bidules qui pleurent l’attention de leurs Créateurs avec un C majuscule ne serait-ce que pour qu’ils leurs donnent une chance de les finir. Faut qu’j’arrête de me mettre des images en tête, j’suis legit en train de me rendre triste à imaginer une bestiole comme Terrako qui tend la pince vers Robbie ou Purah en lui demandant de l’attention mais ils s’en contre foutent… M’enfin, cette pincée de tristesse à la limite de l’enfantillage se fait expulser pour être remplacée par une image de savant fou façon Frankenstein en train de rire comme un déjanté alors que sa machine à épépiner les groseilles à enfin réussi à faire ce qu’il voulait tant qu’elle fasse, hurlant même à pleins poumons « IT’S ALIIIIIIIIIIVE!!! ». Cette image ridicule m’amuse tellement que j’en rigole !

Même si mes rires laissent place à un soupire de désapprobation concernant notre système moderne de vie basé sur l’offre, la demande mais surtout le pognon, je n’en reste pas moins attentive à ce que Julia a à me raconter. Elle m’explique alors qu’elle est en train de travailler sur un traducteur en temps-réel ! Elle entre dans des détails qui, somehow, ont réussi à atteindre ma cervelle et me faire tilter ce qu’elle m’explique – ma main à couper que ce sont ses gestes qui m’ont aidé à me concentrer, j’suis presque sûre d’avoir lu ça quelque part un jour ¬– et j’trouve ça encore plus cool et épique ! Bon, c’genre de machine m’empêcherait clairement d’insulter des p’tits cons en Norvégien mais elle aurait surtout l’effet pratique de me permettre d’aller m’paumer n’importe où et quand même pouvoir parler avec quelqu’un ! C’est génial !! Et j’manque pas de le lui dire d’ailleurs !

L’anecdote de la mémé chinoise me fera glousser surtout parce que je sais ce que ça fait. Faut dire, avoir passé quelques années au sein d’un magasin d’une zone pour pétés de thunes de toutes les origines qui viennent acheter 12 ordinateurs portables à  3K€ le PC, ça te permet de voir du monde… Même si c’est pas ultra adéquat de découvrir un autre pays par sa population de richous…

Enfin, revenons-en à ce qui intéresse tout le monde ici : mes problèmes de gamin pourris gâtés…

Alors donc que j’fais que le tenir et que je lui – un peu sèchement je l’accorde – de pas bouger d’un cran pour qu’on puisse régler cette affaire, v’la t’y pas qu’il se laisse pendre comme pendu et se met à brailler comme si je venais de lui arracher une jambe. Putain d’drama queen… J’peux pas l’nier, l’envie de lui mettre une main sur la bouche pour qu’il la ferme m’était passé par la tête…

Ses darons rappliquent, un serveur aussi et, alors que Julia commence à peine à expliquer l’histoire et que la mère au style aussi commun qu’un personnage de remplissage dans un jeu-vidéo mal branlé récupère son môme, que j’relâche bien évidemment, j’entends qu’on est priées de partir. Là, je tique. Mon sang n’fait qu’un tour dans mon crâne. J’suis pas des plus malines mais j’entends que Julia pète un câble car on nous foutrait dehors sous le prétexte qu’on est moins nombreux que la troupe de brailleurs. Qui plus est, l’autre conne prétend que j’suis une menteuse et j’supporte pas qu’on m’fasse passer pour c’que j’suis pas !

L’envie de frapper du poing sur la table me passe dans le crâne mais j’sais très bien que j’vais l’exploser si je fais ça alors, pour une fois, j’essaie de rester calme. Enfin, calme, j’hausse quand même bien la voix tant j’suis en colère, si bien que mon accent Norvégien que j’hérite de ma mère ressort un peu.

« Rien fait ?! Nan mais vous vous foutez d’ma gueule ?! Ils foutent le boxon depuis la toute à l’heure et z’êtes même pas foutu de les garder à l’œil !! » Je pointe rapidement le sel et le poivre présents sur la table puis la salière que le gamin à rapporter. « Ça, c’était sur la table de base et vous pouvez bien voir qu’aucun des deux n’a bougé d’un dixième de micromètre depuis qu’on a posé nos derchs ici. Celui-ci, c’est celui que votre génie d’mioche a ramené en douce et v’là c’qu’il nous a réservé comme surprise !! » J’attrape la salière étrangère et la soulève d’un coup sauf que, cette fois, j’suis préparée à la surprise. D’un geste vif, tout l’appareil se lève et le dessus, comme pour la poivrière nous ayant quitté, se détache tout seul pour entamer une chute que j’arrête nette en l’attrapant au vol, limitant cette casse à une poignée de sel par terre. « Si vot’ fils est tant un Ange que ça, va falloir m’expliquer pourquoi est-ce qu’il perd son temps à faire chier deux nanas qui veulent juste se bouffer un burger !! Et si ça n’avait pas été nous, ça aurait été qui, hein ?! Un gros lard qui n’aurait pas été aussi patient que moi et qui aurait tarté vot’ gamin parce qu’il lui casse trop les burnes ?! »

Clairement, j’mâchais pas mes mots mais il ne méritait pas que je le fasse. L’un d’ces p’tits cons a manqué de commettre la dernière erreur de sa vie et maintenant l’un d’entre eux le venge en voulant me faire quitter le seul truc qui m’a fait me déplacer jusqu’aux States juste pour me faire chier ? Putain qu'l'envie d'leur en mettre m'démange mais putain qu'j'ai pas envie d'avoir d'emmerdes avec les autorités... Privilégiés d'cons...

D’ordinaire, lorsqu’une touriste passait dans la ville, mieux valait mettre au moins un peu les formes pour faire porter l’illusion du doux rêve Américain. Celui de la réussite, de la bonne ambiance et de toutes ces conneries. J’avais eu le droit aux bons refrains patriotes lorsque je m’étais installée dans le coin. Puis, au fil des jours, tu apprends à connaître l’envers du décors, les faits divers tellement horribles et qui pourtant devenaient simplement une routine ici. Enfin, pas tous encore, heureusement ! Mais là, ouais. C’était pas foncièrement la meilleure expérience qu’ils pouvaient proposer. Bien au contraire en fait, c’était même la pire !

Donc ouais, dans cette situation ça, c’était logique de s’énerver. Et pour ça, Kayle mettait les bouchées doubles ! J’en étais presque à compter les secondes avant qu’elle ne tarte plus ou moins volontairement le gamin. Ou qu’elle ne finisse par lui tordre le bras tant ce gamin chouinait comme un déraillé. Surtout que bon, on se retrouvait tout de même dans une situation bien bien moche…

Mais bon, fallait être réaliste. C’était soit nous, soit tout un groupe, le choix était couru d’avance. Maintenant, il fallait réussir à partir avec les honneurs. Ou réussir à retourner la situation avec la plus grande malice possible. Enfin, c’était ça, ou bien les karens finissaient par appeler les flics et cette histoire prendrait une tournure nettement plus pénible pour tout le monde. Personne n’avait envie d’une si mauvaise pub et surtout pas le restaurant qui se retrouverait avec une feuille de commande bien blanche.

Restait donc à la jouer un peu stratège.

“C’est bon Kayle, c’est bon. On est pas responsables de l’éducation de ceux là. En revaaaanche, il se pourrait qu’on soit directement concernées par les avis, commentaires, reviews qu’on laisserait après cette situation particulièrement injustifiée à notre encontre. Preuve à l’appui en plus.” Fis-je en sortant mon téléphone, commençant à enregistrer la scène et faire quelques photographies de la scène de crime. “Permettez hein ? Pour les archives.”

“Je ne vous permet pas de-”

“Pays libre madame ! Pays libre !”

Passe droit qui, probablement, ne devrait pas marcher face à tout le monde. Il y avait surement dans l’assemblée un type qui connaissait ses droits. Enfin, d’ici à ce qu’il se ramène et me fasse la leçon, j’avais le temps d’avancer les exigences qu’il fallait.

“Et franchement, soyons honnête, ce serait quand même dommage que votre établissement soit associé à ce genre de scène. Mais bon, faudrait quand même un geste de votre part pour changer un peu notre expérience. Du genre un geste commercial non ?”

J’affichais un léger sourire en coin, un peu confiante dans ma connerie. C’était que même si l’assemblée et les manières n’étaient pas là, la nourriture elle était bonne !

“Pas mal de suppléments associés à une maxi-réduc pourrait être envisageable… A emporter évidemment. Je sais pas ce que t’en penses Kayle ?”

Ma p’tite démystification de tout ce qui venait de se passer laissait visiblement un goût amer dans la bouche des parents qui savaient plus trop quoi dire. Mais bon, j’doute que ça soit foncièrement suffisant pour nous faire gagner l’procès si j’puis dire…

Le serveur jeta un regard trahissant son envie de prendre parti à notre compte sur la mère mais celle-ci mettait une pression évidente de par sa posture de… Karen… ? Putain, elle est loin l’époque où les patrons foutaient les chieurs dehors sous prétexte qu’ils leur cassaient les couilles… Enfin, elle lui fait son regard menaçant de « m’oblige pas à appeler le responsable » et c’est super efficace I guess alors le gars se retourne à nouveau vers moi pour bien me faire comprendre qu’il ne changera pas de position.

« Oui mais vous voyez… Ce n’est qu’un enfant et votre manière d’agir n’était pas des plus adéquates à son égard non plus… »

J’pouvais voir les gouttes de sueur commencer à perler sur son visage. Était-ce parce qu’il pouvait entendre mon sang bouillir ou bien parce que la vieille dinde à côté de lui le pressait autant que moi ? J’en sais rien mais la chance était de son côté.

Alors que j’étais sur le point de m’remettre à beugler mon mécontentement, Julia reprend la parole et dégaine son téléphone portable. J’la regarde du coin de l’œil, désapprobateur dans un premier temps mais qui finit inexorablement par la soutenir dans le mouvement. J’étais clairement pas du genre à faire chier et encore moins à faire des « dossiers » mais fallait combattre le feu par le feu et, sur ce coup-là, j’étais bien capable d’envoyer valser mes principes à la con par-dessus la troisième corde. De manière évidente, la mère n’est pas contente du tout de ce qui est en train de se passer mais valait mieux pour elle que Julia la joue fine car ça n’aurait pas été la même avec moi.

Continuant sur sa lancée, Julia remet une couche de pression sur le serveur en lui parlant de geste commercial pour éviter que cette affaire ne finisse sur le net. J’suis pas très branchée réseaux sociaux pour ma part mais j’sais que les ricains’ ont tendance à vite s’enflammer avec ces conneries. Y’a qu’à voir l’époque où Trump était au pouvoir… Valait mieux qu’il accepte son offre qui, clairement, nous avantageait mais avait au moins pour effet de pas décrédibiliser la notoriété de l’endroit. Ma camarade m’interpelle directement en demandant ce que j’en pense et bien que j’ai envie de faire chier ces gosses de merde, j’dois dire que si on parvient à s’en sortir avec à bouffer, une réduc’ et la possibilité de bouffer dans le calme, j’dirais pas non.

« J’en dis que c’est le genre d’offres qui ne se refuse pas. Vous gardez vos p’tits diables et leurs portefeuilles gras à souhait et vous engranger un p’tit bonus en évitant une pub contre-productive et que du grabuge supplémentaire ne se fasse. Enfin, ça c’est à condition que les parents tiennent leurs monstres en laisse mais vous saisissez l’idée, pas vrai ? »

J’regardais bien le serveur dans le blanc des yeux pour insister mes propos. Si on était foutue dehors à cause de gamins intenables, fallait que ça n’arrive qu’à nous et pas à d’autres. Question de logique : avantage un groupe au détriment du reste, t’y perdras sur le long terme. Le gars déglutine et secoue la tête de haut en bas.

« Très bien mesdames, je pense que c’est effectivement plus raisonnable comme ça. Dites-moi ce que vous voulez, on va vous les préparer en priorité comme ça vous pourrez quitter la salle au plus vite. »

Héhéhé, bingo. 1 point pour l’Anarchiste et la Geekette ! Un sourire en coin s’afficha sur mon visage tandis que je jetais un regard narquois à la mère qui, agacée – pour ne pas dire furieuse –, s’en alla avec son enfant et son compagnon non sans grogner son mécontentement en disant que « la salle sera peut-être plus agréable sans nous ». Ouais, ouais, c’est ça vieille dinde, va t’asseoir sur un cactus surtout. Urh… M’enfin, on avait gain de cause même si justice n’était correctement rendue.

Je laissais Julia passer commande avant moi car elle avait pu zieuter le menu alors que j’avais aucune idée de ce qui pouvait bien y avoir dans ce bazar. Après un feuilletage rapide, j’optais pour un burger… équilibré ma foi ! Double steack haché de bœuf, tranches de lard fumées, oignons grillés et d’la sauce au poivre pour relever le tout. J’prenais un supplément fritte, mon café à emporter, un soda et même un désert histoire d’avoir de quoi déboucler la ceinture.

Etre espiègle de temps en temps n’était pas foncièrement un mal, surtout lorsque la situation était appropriée. Et là, c’était limite mérité tant ce qu’ils devaient faire à leurs clientes était moche. C’était pas foncièrement de la séduction ou je ne sais quoi, c’était juste un échange cordial de bon procédés afin de réparer un tort outrancier qui… Ouais, peut-être une arnaque, mais bon, c’était leur faute en même temps. Tant pis pour le décor, la salle et l’ambiance. Mes oreilles seraient au moins épargnées des tourments de ces gamins et je serais d’autant plus à l’aise dans mon canap. De toute façon, tant qu’à faire, j’aurais toujours le loisir de retrouver leur playlist et de la mettre en arrière plan.

Du coup, force était qu’au bout d’un moment, ils vinrent à céder, concédant à mes exigences me laissant afficher un sourire grand comme si j’avais remportée une victoire diplomatique dans je ne sais quel jeu de stratégie aux parties longues comme la vie de la reine d’Angleterre ! Bref, un petit V de la victoire plus tard, pose pendant laquelle je marmonais un petit jingle euphorique, pour prendre l’instant d’après le menu histoire de voir ce que j’allais prendre.

Et je me retrouvais ainsi avec une commande… Plutôt grosse. Du style deux-trois burgers, avec une certaine dose d’oignons et compagnie, sans oublier les compléments pour arriver à des menus qui, d’ordinaire, m’aurait coûter un rein et demi sur mon épargne. Cependant, vu qu’on avait le droit à une généreuse réduction, j’allais pas me priver ! Et ils devaient faire bonne figure hein, c’était le prix de mon silence… J’allais pas dire que j’étais incorruptible, mais vu le goût qu’ils ont, c’était le genre à clairement valoir le coût !

“Damn, ça me fait bizarre d’avoir la plus grosse commande alors que je suis la plus petite !”

J’allais pas dire que j’étais un estomac sur patte hein, mais j’avais une bonne digestion tout de même. Puis bon, au pire, je pourrais en faire des restes. C’était toujours une option viable afin de faire deux trois économies. Après bon, une fois au micro-onde, ça allait perdre de sa superbe, mais c’était la première fois, donc fallait bien tenter. Puis bon, à deux… Il allait bien falloir se caler l’estomac !

“Du coup, on mange chez moi ? J’habite pas loin. Le canapé est confortable et l’endroit garanti sans enfant !”

Avec un tel argumentaire, ça allait être difficile de refuser, vu la situation dans laquelle on se trouvait. Mais bon, si elle avait d’autres choses de prévue, ça pouvait se comprendre ! Après tout, on parlait d’aller chez moi alors qu’on s’était rencontrées y’a quoi… Quelques minutes ? Boarf, le courant passait bien, puis ceux qui se portaient garant de la bienpensance pouvaient tout aussi bien allait se faire voir ! J’en faisais qu’à ma tête, c’était bien connu.

Et preuve était, je payais pour nous deux sans l’ombre d’un remord. De toute façon, au point où on en était, on payait à peine le prix des ingrédients. Donc c’était ainsi que, pour moins de vingt dollars, on se retrouvait avec des sacs bien pleins et une odeur qui, déjà, me mettait l’eau à la bouche.

Bref, un petit trajet à patte plus tard, et on se retrouvait dans mon antre ! Le repère de la geek, un petit appart plutôt tranquille qui, par endroit, avait un peu de bordel. De toute façon, je faisais le ménage lorsque je coeur m’en disais. Enlever les poussières, ça oui, mais ranger tout, ça… Bref.

“Voilà, fais comme chez toi ~”

Au retentissement de notre victoire, l’enjouement de Julia sembla reprendre le dessus et elle se mise à fredonner en gesticulant à côté de moi. Enfin, c’était ce que j’étais capable de voir du coin de l’œil du moins. Ça décrocha un sourire plus doux sur mon visage et fit passer l’amertume de la perte de l’ambiance du lieu.

Elle passa commande et… J’l’ai pas vu venir. Est-ce qu’elle allait bouffer tout ça en une fois ou est-ce qu’elle prévoyait une demi-semaine de bouffe ?

« J’te dirais bien que j’fais attention à mon poids mais même pas ! Tout ce que j’ingurgite me fait pas prendre le moindre kilo ! ». En voilà un autre de mes super-Pourroirs. Enfin, celui-là, il a mis du temps à voir le jour, hein… Gamine, j’mangeais autant que maintenant et j’étais pas aussi fringante… Dame Nature s’est un peu foutue de moi quand même. Elle proposa ensuite qu’on aille manger chez elle et j’dois dire que les arguments présents sur la table et la non-objectivité de mes oreilles mit l’un avec l’autre ont vite fait de me faire trancher la question. « Adjugé, vendu ! Et puis, avec un peu de chance, tu me laisseras jeter le coup de la curiosité à ce que tu as bien pu créer ! ». Un sourire nerveux trahissait mon excitation à l’idée de bien pouvoir entrer dans l’antre d’une inventeuse mais également une prise de confiance peu assumée concernant une telle demande… J’étais clairement pas du genre à essayer de « gratter » les choses pour avoir la chance – un privilège en quelques sortes, et ce, surtout à mes yeux – de poser mes yeux sur quelque chose qui ne me regarde pas vraiment.

Le temps de la préparation plus tard, j’étais prête à payer le tout mais Julia avait été bien plus rapide que moi. Là où elle ne l’emporterait pas par contre, c’est le transport des sacs de nourriture. J’m’en saisi et refusa de lui en céder un, prétextant que j’déplace des charges ultras lourdes à longueur de journée et qu’elle avait payé ET qu’elle m’invitait chez elle.

Un p’tit trajet à pieds plus tard – rien de très impressionnant pour qui se tape 12km par jour, j’entends – et on arrivait chez Julia. J’zieutais à gauche et à droite alors qu’elle m’invitait à entrer et faire comme chez moi et j’pouvais pas m’empêcher de penser que c’était bien cozy là-dedans. Pas spécialement mieux rangé ou nettoyé que chez moi donc au moins j’suis pas dépaysée. J’partais poser les sacs de burgers sur la table basse avant de revenir à l’entrer pour me déchausser et permettre à mes pieds de respirer un peu pour finalement revenir vers le canapé. J’devais le reconnaître, quitter l’environnement bruyant et peuplé du restau me faisait le plus grand bien… J’espère que j’prendrais pas trop mes aises à cause de ça mais bon.

« Faudra juste que je sache où sont les toilettes et on est bon pour que je sois presque chez moi ! ».

Disais-je alors que je dépose mon derrière bien au fond du canapé et commençait à retirer burgers, frittes et autres accompagnements des sacs qu'on nous avait reçu.

Voilà, on était chez moi ! C’était vrai que c’était un avantage d’être à proximité, comme ça, je pouvais inviter des presque-inconnues chez moi ni vu ni connu ! Enfin, ça m’arrivait pas tous les jours hein, même plutôt rarement. Mais bon, l’important c’était maintenant, et le fait que tout de même, j’invitais une belge à venir chez moi. Si c’était pas la preuve que j’avais besoin pour me dire qu’ils n’étaient pas tous comme… Ouais, en fait, les seuls que j’avais rencontré étaient sympa. Juste que je savais pas encore qui était derrière toute cette mascarade qui… Bref.

Kayle avait porté le gros des sacs à ma surprise jusqu’à domicile. Non pas que c’était lourd non, mais bon, si elle insistait, j’allais pas non plus me priver. De toute façon, rien qu’à l’odeur c’était comme un food porn pour moi. Ah… Et dire qu’on s’était faites virées de ce resto… Comme quoi, y’avait des anecdotes qu’allaient fuser bientôt. Probablement que Scary allait l’entendre une bonne douzaine de fois celle-là ! Eh, j’ai dit que j’allais pas publier ça sur internet, pas que j’allais pas profiter de l’occasion pour papoter et me marrer un bon coup !

“Au fond, la porte de gauche. C’est derrière la porte en entrant.” Indiquais-je à Kayle en me déchaussant, posant mes quelques affaires avant de sauter sur le canapé, me précipitant presque. Fallait dire que là, c’était l’occasion de se bafrer bien salement, donc autant en profiter. Surtout que bon, vu ma commande, j’avais de quoi finir toute ronde, et rouler bien tranquillement.

“Vu qu’on risque d’avoir un peu la bouche pleine, la démonstration du traducteur attendra. Pour le moment, on s’met un truc ? J’dois avoir encore quelques spectacles à la con… Dont trois en français si c’est plus naturel !”

C’était que regarder un truc dans une langue étrangère, ça pouvait être un poil complexe. Mais je faisais des efforts pour garder cette langue au moins à un niveau acceptable, en partie pour impressionner Naomi lorsqu’elle passera. Entre les coutumes, l’accent et tout… Ouais, j’avais encore un petit chemin, mais je progressais !

“Autrement, j’ai la masse de film et de séries que je regarde par intermittence qui… Oh, tu sais quoi, j’te laisse choisir ! Priorité aux invités non ? J’vais en profiter pour aller chercher des verres. Ça serait pratique.”

Je bougeais mes fesses, non sans effort, pour me lever. Et échec de la mission, j’retombais. Il fallut ainsi que je roule jusqu’au bord pour lever, donc partiellement sur elle d’ailleurs, pour atteindre par la suite la cuisine et sortir deux verres en plastique. Inscriptions geek d’ailleurs. Eh oui, tant qu’à faire, autant y aller jusqu’au bout.

“Ce serait pratique de pouvoir se téléporter parfois… Fin, je parle pas de ville en ville, ça tout le monde le fait maintenant, ou presque. Mais genre d’un bout à l’autre de mon appart… Ah, comme quoi, c’est les trucs simples qui viennent toujours à manquer… Faudrait que je me renseigne si y’a pas une rune pour ça, mais bon, je suis certaine que prendre un tel investissement juste pour mon confort serait… Meh. Autrement, j’peux toujours voir pour me faire une sorte d’intelligence artificielle qui ferait mes trucs à ma place, mais… Le projet que ça serait…”

Un soupir avant que ne ressaute dans l’angle, me mettant à ma place, enfoncée à travers plusieurs coussins. Autrement dit, à l’aise.

“Mais bon, bon appétit !”

M’indiquant l’emplacement du Divin trône de l’urgence gastrique, Julia se libéra également les pieds avant… tout simplement rush le canapé. Enfin, j’exagère… à peine. Elle devait avoir au moins autant faim que moi à ce niveau ! Après avoir étalé le contenu des sacs sur la table, non sans profiter des emballages pour couvrir un maximum de surface afin d’éviter de faire la moindre tâche de gras involontaire, je m’emparais du tant attendu premier café de la journée duquel je m’empressais d’ingurgiter une grosse gorgée. Ça fait du bien par où ça passe~.

Alors que je me réchauffais l’intérieur de l’estomac avec le breuvage riche d’arômes, mon hôte me fit comprendre que le test du traducteur attendra que nos bouches respectives soient vidées du contenu tant espéré par nos estomacs, ce à quoi je répondis en secouant la tête, agrémentés de « mh-mh ! ». Elle enchaîna en me proposant de regarder quelque chose et… là, c’est le drame… J’suis clairement pas du genre à regarder des films, séries ou quoi que ce soit en fait et… ouais, j’savais déjà pas quoi prendre. Surtout qu’elle insistait en m’incitant à choisir le temps qu’elle parte chercher des verres pour boire.

Déposant gobelet en carton sur la table alors qu’elle essayait de se lever, v’là t’y pas qu’elle se viande et qu’elle se met à rouler sur le canapé pour atteindre l’autre bout… EN ME ROULANT DESSUS AU PASSAGE !- J’avale sec ce que j’avais dans la bouche, me dresse droit comme un i et vire au rouge en moins de temps qu’il en faut pour dire « ouf ». Elle parle ensuite de téléporteur, de runes et d’IA Maid qui lui permettrait de ne plus avoir à se faire chier avec des trucs du quotidien mais y’a pas grand-chose qui me passe par la tête à l’instant présent.

J’reste silencieuse un moment, incapable de penser à quoi que ce soit, jusqu’à ce qu’elle me souhaite bon appétit. J’suis pas tout à fait sûre de savoir si elle n’a ne serait-ce que si elle a vu l’erreur 503 qui vient de m’arriver et j’espère sincèrement que non… J’lui réponds alors « Smakelijk ! », c’qui veut dire « bon appétit » dans la seconde langue nationale de mon pays natal et plonge sur mon burger en essayant d’émerger de mon blocage.

Faut dire… J’ai jamais vraiment côtoyé de nanas quand j’étais gamine. J’étais toujours entourée de mecs tantôt très lourds, tantôt « s’entraînant » avec moi pour les bagarres. C’est pas d’hier que j’perds mes marques de confiance quand une fille envahit un peu trop mon espace personnel mais… bwah, j’m’y ferais jamais je pense. J’espère juste pas finir dans une situation gênante à cause de ça tho…

Le silence momentané de Kayle me fit lever un sourcil, avant qu’en ne me retournant, je ne la vois particulièrement gênée. Hein ? J’avais dit un truc qu’il ne fallait pas ? Qu’est-ce que j’avais pu dire… Rune… Intelligence artificielle… Non, ça collait pas. C’était pas trop le genre de sujet qui pouvait embarrasser quelqu’un à ce point… A moins que ça ne soit le moment où je sois passée sur elle ? Si c’était le cas, ça aurait été surprenant pour être particulièrement honnête. Vrai que je m’embarrassais pas trop de ce genre de truc, surtout chez moi où… Eh bien, j’avais encore moins de considération à l’égard de la bonne conduite que d’habitude.

Et probablement que ça allait pas aller en s’arrangeant.

Posant les verres et mon derrière, je commençais à feuilleter rapidement sur ma tablette ce que je pourrais bien mettre. Il y avait le repas de toute façon, et lorsqu’elle prononça un truc, je fut obligé de lui répondre un classique :

“A tes souhaits.”

Je savais pas du tout ce qu’elle avait dit, donc c’était la réponse la plus simple ! Cependant, pour moi choix… C’était que bon, Kayle semblait être un peu trop confuse dans l’immédiat pour véritablement choisir. Puis bon, je pouvais justifier ça en disant qu’un bon hôte devait savoir divertir ses invités… Bref, je commençais à chercher, posant la réflexion sur ce que je pourrais bien trouver. Et ce fut un nom qui vint à me faire hausser un sourcil. Et pourquoi pas ?

“T’as déjà vu Hat Kid ? C’était un jeu à la base, mais ils en ont fait un dessin animé. Et pas le truc Nyan-Nyan pour les gamins, le truc référencé geek, brisage de quatrième mur et des vannes qui fonctionnent ! Allez, vendu !”

J’avais bien envie de me le repasser de toute façon. La simple évocation du titre aujourd’hui m’avait fait tiqué, et le genre en mode “Tiens pourquoi pas, ça pourrait être drôle !” Mais derrière ça, il y avait également une toute autre raison, une qui allait titiller mon côté espiègle. Car si Kayle fut rouge pour ça… Peut-être que je pouvais la taquiner un peu plus sur le sujet ? Hé… En voilà un plan.

Me rapprochant d’elle, non sans mon burger, je me penchais contre son bras, jusqu’à poser ma tête contre son épaule, l’air de rien. Bon, si, l’air amusée et avec une smug face qui laissait bien penser que je n’étais pas si innocente. Cependant, cela ne m’empêchait pas de lancer la bête :

“Et hop, épisode 1 !”

Histoire d’introduire l’univers, les protagonistes et tout le tintouin.