Musique dans les oreilles : Check. Bien fort même.
Tasse de café à moitié vide : Encore chaude.
Avoir passé au minimum une heure à procrastiner sur internet : Double dose.

Ouais, j’étais parée à programmer.

Posée dans mon fauteuil, je fis craquer mes doigts avec un certain plaisir et un début de concentration. Ouais, pour une fois, j’étais inspirée, et l’illumination m’avait saisie comme une envie nocturne de cacahuètes ! Au programme : des heures et des heures et des heures à bosser sur un projet qui, en effet, pouvait se révéler sacrément percutant : mon traducteur.

Bon, dans les faits, il était déjà à un stade plutôt concret. Enfin, de prototypage assez avancé. J’avais baladé le mien un peu partout dans le monde, et je devais admettre qu’il y avait eu des hauts et des bas. C’était dire qu’il était capable de gérer des phrases et d’y répondre sans trop de difficultés, mais que de l’autre, la détection des mots était encore assez lacunaire si je devais être franche. Plusieurs fois je m’étais retrouvée à balancer un autre mot à la place d’un autre, juste car certains trucs avaient mal été distingués.

Mais là, j’étais sur une bonne pente. Le problème était qu’auparavant, j’essayais de le faire travailler via la phonétique des gens, sans considérer le fait qu’ils avaient un accent ou différentes intonations qui rendait la chose encore plus difficile à percevoir. Et avec le bruit ambiant, c’était juste beaucoup trop difficile à faire fonctionner. Enfin, ça marchait, parfois, mais seulement dans des conditions trop théoriques. Et comment enlever la composante sonore de la voix ?

Croyez-le ou non, j’avais trouvée la réponse !

Alors, si je devais être honnête, on partait tout de même sur une technologie un peu de pointe. Clairement pas le truc qui fonctionnerait en donjon, mais pour être franche, c’était pas le but. C’que j’avais trouvée était un truc tout con en fait, mais qui, je crois, n’avais jamais été spécialement utilisé avant. Plutôt que d’analyser le son qui quittait la bouche… Pourquoi ne pas l’analyser simplement avant ?

Autant l’expliquer simplement. Grâce à un petit capteur qui pouvait se coller contre la peau via le support, en emetant quelques infrasons qui passeraient sans problème le cou de la personne, on pouvait dire en temps réel la forme des cordes vocales. Donc, en d’autre terme, quel son allait sortir de la bouche de la personne. Et même pas besoin de parler fort en plus !

“Aaaaaa, Eeeee, Ooooo… Cacahuète !”

Ouais, je faisais quel test. J’avais quand même besoin de réussir à adapter chaque son, chaque syllabe à la position des cordes vocales correspondante. Donc ouais, surement que j’avais l’air conne, mais j’étais plutôt satisfaite : je n’avais même pas besoin de parler bien fort.

Cartographie des cordes vocales : Terminée.
Heures de sommeils rattrapées sur le canapé : Deux et demies.
Nombres de rond de café sur le bureau : Trop.

Pas grave, ça restait un bilan acceptable. J’atteignais mes objectifs. Non sans cernes mais c’était pas grave ! J’arrivais à un stade où le sommeil était une option que je n’allais pas prendre. Tant pis si c’était la cafféine qui me faisait tenir, tant pis si c’était pas forcément très sain où je ne sais quoi. J’en avais rien à faire pour le coup.

Non, là, c’était pas les considérations basiques, presque lamentables, de mon corps, qui me feraient reculer. J’étais inspirée. Mon génie s’exprimait, et j’en étais à un stade où je pouvais commencer à faire quelque chose de réellement sympa.

“Ok, test numéro 82.” Fis-je à voix haute, avant d’appuyer sur le bouton de mon casque, pour exprimer d’une petite voix ce que je voulais :

Est-ce que tu es homme ou une femme ?


Hum… De quel genre es-tu ?


Ouaiiiis… Mais c’est quoi qu’il ya dans ton pantallon.


Mis-à-part la référence douteuse à un meme qui me faisait toujours rire, un sourire satisfait se fit sur mes traits lorsque, sur l’ordinateur, je pus voir que le texte avait été parfaitement capté, et que par conséquent, mon logiciel pour acquérir les sons était on ne peut plus adapté ! Pourquoi n’y avais-je pas pensée avant ? Lorsque les problèmes étaient présents, un bon coup de pied dans la tour des idées préconçues était la meilleure option !

Mais maintenant que ce point là était fait, j’avais d’autres chats à fouetter. Façon de parler. Car si j’avais contournée l’acquisition des sons et une phase de traitement, j’en avais encore une qui ne pouvait pas être ainsi esquivée : La traduction. Et tout le monde connaissait l’approximation douteuse des traducteurs en ligne. Fort heureusement, j’avais ma propre solution, une IA qui avait déjà fait ses preuves et qui m’avait déjà servie !

Ouais, contrairement aux autres qui se fiaient à des banques de données, j’avais laissée une IA auto-suggestive tourner afin qu’elle puisse apprendre d’elle-même. Pourquoi lui entrer des millions de traductions différentes lorsqu’elles pouvaient faire les recherches d’elle-même ? Évidemment, fallait tout de même lui dire de s’intéresser à certains languages, et elle allait s’améliorer au fil du temps, mais c’était déjà une base plus qu’honorable pour se faire comprendre. Cependant, si je voulais qu’elle soit performante, il allait falloir du temps. Ou de la performance. Et ça, j’avais le nécessaire pour la faire carburer à plein régime, et ça allait demander une petite installation pour adapter tout ça.

Mais je me faisais confiance pour faire des miracles avec mes dix doigts.

Cable électroniques achetés en urgence : Trois.
Heures de sommeils rattrapées sur mon clavier : Trois aussi.
Nombre de touches de mon clavier tatouées sur ma joue : Vingt-six.

Vingt-trois. C’était le nombre d’appareils électroniques branchés en parallèle sur mon ordinateur. Et punaise, je crois que j’avais jamais fait un tel branchement. Entre des ordinateurs portables dont la batterie tenait plus, téléphone, tablette et tous les appareils connectables que j’avais pu trouver, ça avait été un branle-bas de combat pour réussir à trouver le nombre de port correspondant, mais bon, quand l’idée était là…

Bref, j’avais connecté tous ces appareils dans un seul et même unique but : perfectionner mon IA. Chacun d’entre eux était en train d’arpenter le net afin de gagner un maximum de données sur le langage, que ce soit à lire des romans, des threads reddit, les dernières allocutions d’un candidat aux présidentielles et je ne sais quoi de passionnant.

Et autant dire que mon installation faisait un vacarme monumental. Les processeurs qui fonctionnaient, les ventilos qui vrombissaient… J’avais l’impression d’être dans une centrale pour le coup, alors que la seule chose que je pouvais faire c’était d’attendre. Bon au moins, j’en avais profitée pour commander une pizza, histoire de remplir un peu mon estomac, mais la hype que j’avais me forçait à rester à proximité, espérant que, l’instant d’après, un miracle se produise.

Et pourtant, c’était un bazar… Y’avait quoi ? En marque obscur, un Kapsys qu’appartenait à mon père. Une tablette Condor que j’avais pris pour mes études mais qu’avait été mise au placard, et même un Tinno complètement obscur qui avait même pas la traduction européenne. Autant dire un capharnaüm complètement assumé, au point où je me demandais si la limite serait pas la bande passante… Et dire que j’avais tout de même une sacré puissance dedans… Et probablement que la facture d’électricité montait en flèche, comme la chaleur.

Donc ouais, j’étais cette fille. Celle qui était en soutif dans son appart fenêtre ouverte sans avoir spécialement grand chose à montrer, et qui faisait ça pour la science. Eh beh, j’me surprenais moi-même parfois tant je pouvais me retrouver dans des situations connes ! Mais ça progressait, et en quelques heures, mon IA plutôt pas mal devenait encore meilleure. J’étais même capable d’avoir une conversation avec elle ! Bon, pas vraiment une conversation hein, plutôt que si je posais une question elle était capable de me suggérer les réponses les plus adaptés. Mais c’était surement ce que j’avais de mieux à pouvoir faire !

Maintenant, quant à un nom pour elle… Boarf, j’ai tapé quelques trucs, et une petite référence au nombre d’appareil. Qui sait, ça serait un petit souvenir sympa à se remémorer un autre jour, bien lointain probablement, lorsque je reverrais ça.

Dans tous les cas, je pense que c’était fin prêt pour une bonne implémentation ! Évidemment, j’étais pas folle au point de mettre toutes les données dedans, j’avais un serveur à domicile pour ça, mais j’avais mit dedans plusieurs ports de cartes suffisamment compactes pour contenir les modules d’une langue chacun sans trop de problème. Après, suffisait d’en changer une et hop, c’était bien des pays qui s’ouvraient au dialogue ! Ah… Comme quoi, c’était pas sorcier, c’était la science !

Nombre de parts de pizzas encore restante : Deux. J’avais callée.
Nombre de tasse entassée sur le bureau : Quatre. Et je trichais, j’avais bu plusieurs fois dedans par moment.
Taux de méprise avec un raton laveur : Proche des 90%.

Il me restait qu’une seule et dernière étape majeure à faire. Et pas des moindres… C’était que bon, avoir un traducteur capable de parler en temps réel, c’était une chose très cool hein, clairement, mais dans la vie de tous les jours, avoir une voix robotique et désincarnée était pas top top. Clairement, ça puait la merde, pour le dire plus simplement et plus honnêtement.

Donc bon, fallait faire avec et gérer avec un simulateur de voix. Enfin, c’était ce sur quoi j’étais partie à la base, de potentiellement enregistrer tous les sons moi-même, mais ça aurait pas été spécialement terrible en fait, surtout si je comptais vendre ça. Non, ce qu’il fallait, c’était que l’IA soit en mesure d’utiliser la voix de son porteur ! Et comment faire ça sans passer des heures un micro à la bouche ? Impossible.

Mais c’était pas le but d’esquiver ça en fait. Le but était que ça dérange pas.

Donc ouais, aucune heure dans un studio. AUCUNE ! Car ce que j’étais en train de programmer, c’était que l’IA dedans soit en mesure d’enregistrer la phonétique de la personne afin de retranscrire au mieux sa voix dans une autre langue tout simplement ! Évidemment, ça allait prendre quelques temps avant que l’IA soit au point, donc je laissais l’option robotique par défaut, mais au moins c’était une manière d’envisager ça de manière cool je trouve !

Après, il y avait l’autre sens, et ça, ça allait se faire par lecture audio. A ce niveau là, j’avais fait du mieux que je pouvais et complété avec l’IA, je pouvais que croiser les doigts pour que ça fonctionne. Surprenament, ça semblait mieux marcher avec les autres qu’avec l’utilisateur. Peut-être par rapport à la position du micro sous le menton… Bref, si ça fonctionnait, j’allais pas m’en plaindre, et suffisait de relier des oreillettes à ça pour permettre la traduction dans les deux sens.

Concernant l’esthétique, j’étais restée sur un truc assez simple. Un tour de cou argenté. Y’avait également quelques petits boutons par-ci par-là, un micro et… Ouais, c’était pas le truc spécialement lisse hein, c’était un truc assez fin, portable, mais clairement bourré de technologie. Je pouvais probablement encore perfectionner dessus, j’étais pas une designeuse non plus, mais c’était en bon état et je m’en félicitais ! J’avais même des idées pour perfectionner ça sur les prochains essais, mais restait cependant à graver un truc.

Scorp . Eh ouais, j’avais ma propre petite boite maintenant ! Enfin, administrativement. La Sherman Corp, la Super Corp, la Supra Corp… Chacun y allait de son S je suppose. Dans tous les cas, c’était bon. J’avais mon traducteur, et je m’effondrais dans mon lit avec ce nouveau gadget autour du cou.

Ah… Si j’étais pas aussi crevée, je m’en féliciterais bien. D’autant que théoriquement, je devrais mettre ce truc là en vente. Mais bon, tout faire moi-même… Même si la technologie pouvait être copiée, les jours que j’avais passée dessus étaient nombreux. Trop nombreux.

Baaah, ça sera pour une prochaine fois…