Si j’avais l’habitude de voyager à l’autre bout du monde pour régler des problèmes de portails, c’était pour une fois à domicile que je travaillais. Dans le même registre de « d’habitude, j’bosse comme ça », cette fois-ci, c’était un appel de la Guilde des Chasseurs qui m’avait extirpé de mon lit pour remplacer des désistements de dernière minutes importuns. Bien l’genre de comportement qui m’horripile ça, m’enfin, ç’moi qui touche la prime à la fin, so, j’m’en fous.

Bref, donc extirpée de mon lit aux aurores ce matin par un coup de fil, j’avalais un truc en neuvième vitesse et m’équipais de mon épée pour partir à pied jusqu’au lieu de rendez-vous. À pied, ouais ! C’est dire à quel point le portail était proche de chez moi. Deux p’tites heures de marche plus tard et j’arrivais au lieu de rendez-vous et... personne. J’étais la première à arriver aux pieds du portail qui se trouvait au beau milieu de champs fraîchement moissonnés. J’allais pouvoir attendre et ma console portable avec moi... Par tous les Dieux, j’aime PAS attendre dans le vide... Quitte à rien foutre, autant rattraper le reste de mon sommeil. Plantant mon épée dans le sol, je m’y adosse après m’être assise et en croisant les bras derrière ma tête pour fermer les yeux et trouver un peu de repos.

J’dis ça mais j’dors pas vraiment non plus. Disons qu’j’dors comme un oiseau ; un œil sur deux, 50% de mon cerveau à la fois ou que sais-je. J’suis persuadée d’avoir entendu un truc pareil dans un reportage animalier sur ces bestiaux et, si ma mémoire ne me fait pas défaut, j’continue de trouver ça complètement ouf. Enfin bref, si j’fais cette précision c’est que j’sais pas trop combien de temps passe mais un bus de gens – c'est une image, y’avait pas de bus – fini par arriver. Sûrement les gars de la Guilde. Je me redresse, m’étire et baille la gueule grande ouverte et me fie à mon oreille pour découvrir qu’ils parlent la langue du pays. Voilà qui est pratique. Je reprends mon épée, la range dans mon dos et l’un d’entre eux, le chef je présume, vient m’adresser la parole. Un Rôdeur portant un chapeau à l’ancienne.

« Eh bien, voilà qui n’est pas commode ! Quand la Guilde m’a annoncé qu’ils avaient trouvé quelqu’un pour remplacer notre Guerrier, je ne m’attendais ni à ce que ça soit quelqu’un du même acabit et encore moins qu’elle ne se présente avant nous. Ravi de faire ta connaissance petite et merci d’avoir répondu à l’appel. »

Il appuie ses remerciements avec un mouvement de tête et de chapeau qui ne manquent pas de me décrocher un sourire.

« Tout l’plaisir est pour moi chef. J’m’appelle Kayle et j’suis Combattante.  On a quoi que ce soit comme info sur le Donjon ? »

« Quand les éclaireurs de la Guilde y sont allés, ils sont arrivés sur une îles entourée de flotte. Y’a rien du tout à l’horizon donc on suppose que ça va déferler de monstres une fois à l’intérieur. Aucune idée de ce qu’il se cache dedans cela dit mais, vu le coin que c’est, je suis prêt à parier qu’il s’agit d’un bestiaire marin. »

Son regard m’épia de la tête aux pieds et il tira une drôle de tête en remarquant... quelque chose ?

« Mais dis-moi, tu n’as pas de Sacsansfaim alors que tu trimballes une arme pareille ? Tu ne sais pas ce que c’est ou c’est que tu ne veux pas en avoir ? » Il comprit à ma tête confuse que, non, j’avais aucune idée de ce que c’était et se mit alors à rire. « Okay, je vois le genre ! Earl, apporte-nous un Sacsansfaim vide pour la demoiselle ici, s’te plaît ! » Il s’exclama en tournant la tête vers l’un de ses collègues qui lui envoya un petit sac... genre, une sacoche en cuir qu’il me tendit. « Tiens, cadeau d’la maison pour t’être pointée si tôt et aussi vite après avoir été recrutée en dernière minute ! »

Et ainsi, des suites de passes entre collègues, la sacoche finit entre mes mains et sous mes yeux aussi ébahis que confus. Le Rôdeur ricana à nouveau, ouvrit le sac devant moi et y fit tomber son chapeau.

« Le Sacsansfaim te permet de stocker tous les objets non-vivant qui peuvent entrer dedans dans sa largeur ; ton épée y entrerait toute seule ! Si tu joues à des jeux-vidéos, voit ça comme un inventaire de RPG ! »

Et là, ça y est. Ça tique. Mon cerveau comprend tout. Je plonge ma main dans la bécasse, extirpe le chapeau et le pose sur ma tête comme si tout était parfaitement normal. Cet homme, que dis-je, ce héros, avait réussi à parler dans un langage que je comprenais. J’vais devoir montrer ça à Julia, elle va halluciner ! Enfin… sauf si elle connaît bien sûr. Là, j’vais avoir l’air d’une enfant trop contente d’avoir trouvé toute seule quelque chose qui, visiblement, est connu de tout le monde. Et mon air d’enfant fit justement rire le Rôdeur qui récupéra son chapeau pour le remettre sur sa tête.

« Simple comme bonjour, hein ? »

« Grave ! Merci beaucoup ! »

« Tout le plaisir est pour moi, petite. Viens, on va attendre les autres et débriefer quand tout le monde sera là. »

Ouais, ç’vrai que ça serait pas mal. J’accrochais mon nouveau sac à ma hanche et suivais le chef pour qu’on puisse discuter et rigoler avec les autres gars. J’appris rapidement que ces gars travaillaient souvent ensemble et que c’était généralement quand quelqu’un d’extérieur au groupe participait à une chasse qu’ils se retrouvaient avec des trous pour mener à bien leurs expéditions. Ce groupe était composé du Rôdeur en chef d’équipe, d’un Tank large et avec une pièce de protection ici et là, de deux Mages dont un, un poil nerd qui jouait beaucoup avec des invocations en veux-tu en voilà, et de deux Soigneuses, une étant spécialisée dans le supporting – notamment avec sa capacité de donner des armes et booster les dégâts – tandis que l’autre était dans le défensif avec ses capacités de soin. Avec moi, on était donc sept et il nous manquait trois membres – et oui, les barbares sanguines savent compte jusque dix, contrairement aux idées reçues. Ces trois-ci étaient un nouveau Rôdeur, un Tank et un dernier Mage. Une composition, ma foi, plutôt équilibrée même si on va manquer de front line à mes côtés d’après moi. Eh, je SUIS la front line, pas b’soin d’plus !

Bon, blague à part, le chef d’équipe préconise, effectivement, que les tanks protègent nos nombreux carrys à distance et que j’m’occupe de gérer ce que je peux à l’avant sans spécialement me mettre en danger. Je ne vais pas dire que les Soigneuses m’ont dans le collimateur mais le fait qu’elles me regardaient toutes les deux TRÈS intensément me faisait me poser des questions. Quoi, j’suis un jouet avec lequel elles veulent s’amuser ? Merci de ne pas sortir ça du contexte. Non parce que, j’veux bien, j’fais personnage de jeu-vidéo avec mon style particulier mais faudrait voir à pas pousser le vice trop loin, hein ! C’la dit, elles ont l’air sympatoches. J’les vois mal avoir des délires chelous.

Trêve de blablas mental ! Direction le Donjon !

À l’intérieur du Donjon, bah les informations qu’on m’avait données étaient plus qu’accurate, faut s’le dire. On est arrivé au beau milieu d’une petite île paradisiaque qui donne envie d’se foutre en maillot et d’piquer une tête dans l’océan d’vant mais aussi vide que l’appareil génitale d’une sainte vierge. Ouep, y’a pas à dire, y’a pas un chat à l’horizon. Même si le paysage est magnifique. À vue d’nez, il doit être... 14h30 ? 15h ? J’sais pas trop si je dois me fier au fait qu’on est au début d’été ou pas en fait parce qu’on pourrait très bien être à 18h30 vu la position du soleil dans le ciel alors que, pourtant, dans le monde « réel » il n’était même pas midi quand on est parti. Enfin, l’tout étant, le soleil est bien bas. Pas trop loin du crépuscule dans les faits.

« Aaaaaaaaaah, regardez-moi comme il fait beau ici ! » S’exclama le chef en venant se poser à côté de moi. « Difficile à croire que des monstres vont nous tomber dessus sous peu, pas vrai ? »

L’assemblée valida ses propos mais ne manqua pour autant pas de s’armer en fonction. Je suivis le mouvement et m’équipais de mon arme quand, soudain, de nulle part, l’une des soigneuses, une rouquine, posa ses mains sur mes épaules de par mon dos et me saisit complètement.

« WHAAaaa ! Par tous les Dieux ! »

« Whoups ! Excuse-moi, je ne voulais pas te saisir. Avant que les festivités ne commencent, sache que si tu as besoin de la moindre arme spectrale, n’hésite pas à me la demander. T’auras qu’à crier ce que tu veux et tu l’auras~. »

« Hum, okay, roger that boss. C’pour ça que tu m’épiais là tout de suite ? »

« En partie, ouais ! Je voulais voir si t’avais ce qu’il fallait pour jouer avec moi~. »

Jouer avec toi, hein ? On va éviter de sortir ça du contexte. J’me contente de lui répondre par un sourire et un p’tit rire avant qu’on ne se mette tous en positon sous ordre du chef. Celui-ci était tout sauf rassuré du bruit anormal des vagues et, sûrement, des ombres imposantes et menaçantes qui s’déplaçaient sous la flotte. Bien évidemment, j’me mets en première ligne et les Tanks, contre toute attente de ma part, me suivent. Ils s’arrêtent avant moi cela dit ; leur but est d’empêcher les monstres d’atteindre nos alliés, le miens c’est de servir de buter ce que les distances ne peuvent pas. En vrai, j’adore ce genre de strat’. J’ai l’impression d’être un élément central de l’équipe, ça m’plaît d’savoir que j’sers pas absolument à rien.

Quelques instants passèrent, juste le temps que les bêtes nous arrivent dessus. Nous les regardions avancer pendant tout ce temps, prêts à les accueillir. Les jambes bien ancrées dans sol, Rebellion sortie et prête à l’action, Anarchie qui se réveille doucement, le premier malheureux qui aurait la malchance de sortir en premier de la flotte finirait plus que certainement tranché en deux pour servir de sashimi !

« Dix ennemis en vue ! Présence sur 11, 12 et 13h ! » s’exclama alors le second Rôdeur du groupe, pas le chef, l’autre, celui qui était équipé d’une arme à feu à deux mains genre Mauser Kar98. Bon, c’très précis, je sais mais j’y peux rien, mon frère spirituel a la même.

Puis, effectivement, quelques instants après, trois grosses crevettes géantes sortirent de l’eau en nous sautant dessus tandis que des crabes – géants, eux aussi – suivirent quelques instants après. Trois gambas, sept crabes rouges de Norvège pour la table des Chasseurs ! Les crabes sont bien plus lents que les crevettes cela dit alors notre attention est portée sur ces bêtes. Des tirs habiles de nos Rôdeurs ciblent deux d’entre elles tandis que les Mages s’attaquent déjà aux Crabes. Je saute sur l’une des crevettes et lui rentre en plein dans le lard. Un marge coup d’épée ne suffit pas pour l’abattre mais est largement suffisant pour la mettre au sol alors qu’elle était encore à près de deux mètres au-dessus de celui-ci. Je lui retombe dessus aussi sec et l’abat aussi net. Ses sœurs la rejoignent très vite tandis que deux crabes sont déjà roussis. Deux des cinq derniers sont occupés sur nos Tanks et les trois autres les ignorent complètement pour s’en prendre directement aux carrys – si je puis dire. Je m’encoure alors vers les fugitifs, range Rebellion dans mon dos et hurle « Marteau de guerre ! ».

Exactement comme annoncé précédemment, la Soigneuse rouquine se tourne vers moi, lève son bâton de mage (?) et un gros marteau à deux mains qui fait bien fantaisiste m’apparaît alors dans les mains. V’savez, le Marteau de guerre doré de WoW ? Bah voilà mais genre tout vert et spectral. L’excitation me prend à la gorge, évidement, car j’ai l’impression d’être dans un beat ’em up et d’être un personnage principal et, faut l’dire, j’me sens plus pisser ! Je saute en hurlant « POUR LA HOOOOOOOOOOOORDE » comme une grosse barbare furieuse (mais également fort nerd) et abat le courroux de mon marteau de guerre sur le premier crustacé qui avait le malheur de se trouver à ma portée. Et... Réussite critique ! Fais jouir la guitare, BABYYYYYYYYYY ! J’sais pas trop ce qui fait que mais la violence de l’impact est telle que le bestiau se voit éclater – quasiment au sens littéral – au sol et ses organes, etc., se retrouvent éparpillés un peu partout sous lui. J’pense que le combo « attaque venue du ciel, poids, force et vitesse » ont pas dû lui plaire.

Ses p’tits potes non plus, d’ailleurs, n’ont pas l’air d’aimer ça ! L’un d’eux se retourne vers moi tandis que le second prend ses pattes à son cou ! Moi, bien évidemment, j’rigole comme pas possible. Celui qui a le courage de me faire face tenter de m’asséner un coup de pince mais notre Rôdeur à la Mauser à le bon réflexe de lui tirer en plein dans la pince alors qu’il la tend vers moi, coupant celle-ci aussi net qu’on coupe une corde avec une lame. La bête panique et, perdue, s’immobilise alors qu’un énorme coup de marteau vient la rencontrer en contre-plongée et l’envoie valser non-loin.

« Booyah ! R’viens par-là que j’te réduise en purée, crabe de mes deux ! » M’exclamais-je entre juste après avoir réalisé mon tir de polo sans cheval alors que je m’apprêtais à courir après mon projectile.

« Tu-tu-tu-tu ! Il saigne et vu les dégâts qu’il a pris, ça devrait suffire. Va plutôt aider nos Tanks. » me coupa alors mon armurière dans mon élan.

C’la dit, entre nous, que ça soit l’un ou l’autre, j’prendrais toujours autant mon pied à tabasser des mobs ! Mon intervention soulage notre premier Tank de sa peine. Il avait bien entamé le monstre mais, en sa nature de Tank, manque évidemment de capacités offensives. Le second Tank avait été secondé des Mages et, effectivement, le Crabe que je laissais, pour ainsi dire, pour mort semblait nous avoir quitté quelques instants plus tard.

Au terme de ce combat plus amusant qu’épique, mon arme spectrale disparue et nous nous réunissions tous pour discuter stratégie.

« Bon, vous l’aurez remarqué mais c’était du menu fretin. Ce n’est pas mon premier Donjon du style alors attendez-vous à rencontrer davantage de résistance lors de nos prochaines batailles ! On profite d’un rapide temps mort pour se remettre d’aplomb et on se prépare à accueillir les prochains invités à la fête, alright les enfants ? »

D’un enthousiasme surnaturel, je répondis gaiement « Oui, chef ! » en même mettant au garde à vous, ce qui ne manqua pas de faire rire l’assemblée. J’instaurais la bonne humeur en quelques sortes, j’trouve ça cool.

« J’vois qu’il y en a une qui s’amuse au moins, ça fait plaisir à voir ! Mais ne te repose pas trop sur tes laurier, d’accord ? Évitons d’avoir à déplorer des pertes. »

« T’en fais pas pour moi boss, j’suis plus solide que j’en ai l’air ! Et puis, avec une équipe pareille, j’devrais vraiment le vouloir pour me mettre en danger, héhé ! »

Évidemment, l’intéressé ne semblait pas spécialement rassuré par mon attitude mais il devrait faire avec. Pendant que je m’étirais un peu pour me préparer au prochain combat, les Mages du groupe se ruèrent sur les cadavres des monstres pour récupérer du loot. En les observant, je remarquais que ces bestioles avaient de drôles de cristaux sur eux, effet secondaire du donjon ; toutes les créatures ont des cristaux sur le corps ? Boah, j’m’en pose des questions, ça s’vend et puis c’est tout. Enfin, c’la dit, le temps qu’ils faisaient ça, j’le passais pas les yeux rivés sur eux non plus. Je regardais plutôt le soleil et… je dois dire que je trouvais qu’il descendait bien rapidement pour être normal. Si, à vue de nez, il était 15h quand je suis arrivée, j’avais l’impression qu’il était bien 16h maintenant. Mon petit doigt me dit qu’il doit y avoir un timer caché quelque part et qu’on peut pas le voir…

Et justement, pas longtemps après que j’eu finis ma réflexion, notre Rôdeur Mauser s’écria : « Contact à douze heure ! »

Les Mages levèrent la tête à la hâte, les Rôdeurs s’équipèrent et les Tanks vinrent me rejoindre alors que je m’étais déjà avancée vers la plage, plus attirée par le soleil que les potentiels monstres, cependant. M’équipant fermement de mon arme, je n’eu pas dû les attendre longtemps cette fois-ci puisqu’une quinzaine de monstres « homme-requins » sortirent les uns après les autres de l’eau. Ils venaient tous de la même direction mais c’était une putain de déferlante qui nous arrivait dessus ! Et vu la distance à laquelle allaient les mobs, nos carrys risquaient d’être atteints plus vite que prévu.

« Les gars, retournez près du reste de l’équipe, j’m’occupe de ceux qui s’arrêtent sur moi ! »

Sans poser davantage de questions, ils suivirent mes consignes et, moi, de mon côté, je sautais pour en faucher un vol. Certains étaient équipés de lances ou tridents, d’autres de coutelas ou simplement à mains nues. En tant qu’humanoïde poissons, enfin, requins, ils étaient naturellement dangereux à cause de leurs dents et j’aurais tendance à dire qu’ils étaient plus résistants que les trucs qu’on venait d’affronter mais le fait qu’ils soient capable d’user d’arme me perturbait un peu… Compensaient-ils quelque chose ? Leur manque de portée j’imagine ou leur lenteur car, oui putain, une fois sur terre, c’était plus du tout la même chose !

Bon, passons celui que j’ai fait se vautrer lamentablement au sol, les premiers à atterrir se déplaçaient alors bien plus lentement que lorsqu’ils étaient dans la flotte. Un avantage certain dont nos Tanks profitèrent pour leur couper la route, l’un en chargeant comme un bélier et le second en effectuant un saut impressionnant.

De mon côté, j’avais attiré l’attention de cinq requins, soit un tiers de leurs forces tout de même. Six, si je compte celui qui est au sol et se bouffe ma lame à l’instant. Tel Arthur, j’extirpais Rebellion du dos de la bête que je venais de planter en essuyant un peu de sang de qui avait giclé sur ma joue. Les cinq autres me tournaient autour. Deux équipés d’une lance et d’un trident, deux de coutelas et le dernier de… bah rien du tout.

« Bien, à qui le tour ? »

Mon invitation se suivit d’un sourire en coin qui se dessina rapidement alors que l’un des valeureux porteur de coutelas décida de me charger en premier. Malheureusement pour notre premier concurrent, j’ai une meilleure allonge, je suis plus rapide, bien plus forte et, de manière générale, j’suis une gladiatrice née. Un coup d’épée sur sa « main » pour lui faire lâcher prise et pisser le sang into tranchage de bras into ouvrage de gorge et l’affaire était dans le sac. Ses quatre compères ne commirent pas la même erreur cependant et attaquèrent en même temps. Les plus grosses menaces étaient les lanciers car, contrairement aux deux autres, leur allonge étaient supérieures à la mienne. Je m’approchais alors volontairement de l’un d’eux, le laissait m’attaquer en évitant son attaque pour, à son tour, lui sectionner un bras. Pas le temps finir le travail que son pote au coutelas arrive alors, d’un coup de pied bien placé, je repousse le porteur de la lance et m’intéresse au coutelas.

Il tranche gauche à droite, en oblique haut droite vers bas gauche et finalement d’haut en bas. J’esquive, j’esquive et j’esquive. Des coups, certes, relativement puissant vu la force qu’il doit mettre à en juger par la vitesse à laquelle se déplace son bras une fois l’attaque partie mais ridiculement prévisible tant, sans y mettre cette force, il est lent. Lorsque son arme est finalement proche du sol, mon épée vient se planter dans son nez et transperce son crâne de part en part. Je m’empare rapidement du coutelas que j’envoie, en prenant brièvement le temps de viser, dans l’œil du porteur du trident qui tentait alors de m’attaquer sur le côté. J’visais la gorge mais c’win-win.

Le désarmé m’arrive enfin dessus et, alors que je m’apprêtais à m’emparer de Rebellion pour me débarrasser du problème fissa, le manchot m’attrapa en « bear hug » dans le dos. Je le reconnais, ces merdes ont de la force puisqu’il me soulève comme rien et que, alors qu’il me tient d’un bras, j’arrive à peine à le faire bouger en y mettant les deux miens. Pas l’choix, faut impro ! Le désarmé m’arrive donc dessus et tente de me mordre mais il se bouffe mon 42 en pleine poire et recule d’un pas, légèrement sonné. J’colle un coup de boule à celui qui me tient et, coup d’pot absolu, il s’apprêtait à me mordre dans l’épaule donc j’l’interrompais dans son élan et le fit tanguer. Un peu comme si je venais de toucher son point faible en lui headbuttant le nez, il lâchait prise pour se masser la zone blessée, me donnant ainsi l’occasion de reprendre ce que j’avais entamé.

D’un geste aussi vif que fluide, j’attrapais Rebellion par le manche, l’arrachais de la tête de sa précédente victime et l’abattais comme un marteau sur le désarmé qui, à peine remis de sa peine, se retrouva alors le crâne fendu en deux. Le dernier porteur d’une arme, que j’avais un peu oublié, profita de mon inattention pour tenter une attaque mais je parvins, in extremis, à éviter le plus gros des dégâts en ne finissant, finalement, solidement griffée que par l’une des dents de l’arme. Rangeant entre mes dents, j’attrape l’arme encore en pleine extension de son mouvement et la tire vers moi pour offrir un nouveau coup de boule au gaillard devant moi. Allez, tournée générale mes amis ! Deux coups de boule achetés, le troisième offert ! Éborgné, étourdit et profondément vexé, il lâche son arme que je ne manque pas d’user afin de terminer son pote manchot derrière en le plantant dans la cage thoracique. Si deux coups sont nécessaires afin que je la perce, il ne m’en faudra pas un de plus pour finir travail.

Je me retourne finalement vers ma dernière victime sur laquelle je me rue, profitant encore qu’elle se tienne le museau, pour lui flanquer un nouveau punch dans ce qui lui servait, à priori, de plexus solaire. Bon, c’est ce que je visais dans les faits mais j’pense avoir touché l’estomac, hein… c’truc est plus grand que moi et j’dois reconnaître ne pas trop avoir réfléchi à là où je tape donc on fera avec ! La bête chavire et tombe sur le cul, une occasion que je saisis d’emblée en partant me rééquiper d’un coutelas avant de lui resauter dessus afin que je lui plante à plusieurs reprises la gorge. Le sang gicle mais la bête finit, dans un dernier soubresaut, par passer l’arme à gauche.

Je relève la tête pour voir comment mes alliés s’en sorte et j’aperçois alors qu’il ne reste que deux bêtes. L’une d’entre elle est plus noire que du charbon – allégorie rigodrôle pour dire qu’il a été cramé vif –, une autre a été dévisagée par des tirs (nan, j’veux dire, sérieux, on dirait un camembert sa tronche là), encore une a le nez renfoncé (ma main à couper qu’un tank lui a brisé le crâne sur une réussite critique), deux sont gelés vifs et les deux derniers sont juste étalés au sol ; morts de causes naturelles je présume. La cause naturelle étant l’EMPIÈTEMENT DE L’HOMME SUR LE TERRITOIRE DE DAME NATURE MON GARS ! ‘MERICA !

Hum-hum. Oui donc, il n’en reste que deux et le reste de l’équipe gère visiblement bien la bataille. Je note que nos Tanks sont touchés et qu’un Mage a le bras en sang donc, autrement dit, que leurs défenses ont été percées. Je lance mon coutelas dans le dos d’une des bêtes avant de remarquer, après coup, que j’ai cassé la lame dans le feu de l’action. Si les dégâts sont minimes, ils sont suffisants pour interrompre le coup de ma victime qui laisse ainsi une opportunité au chef d’équipe pour lui caler un carreau dans le nez et le faire s’effondrer. Le second suit quelques instants plus tard, électrocuté à la mort par notre Mage blessé qui ne se priva pas d’insulter sa mère dans la plus grande gratuité.

Je rejoignis mes camarades en récupérant mon arme tandis que les Mages valides partirent récupérer les ressources. C’doit être leur truc à eux.

« Beau boulot, Kayle ! Tu ne déconnais pas quand tu disais que t’étais solide. » M’interpelais alors le chef tandis que ma Soigneuse « attitrée » vint user de sa magie sur moi pour soigner mon bobo.

« Parce que t’avais des doutes en plus ? Héhéhé »

J’l’aime bien lui. Il s’inquiète pour de bonnes raisons mais se radoucit quand il voit qu’il n’y a plus de raisons de s’inquiéter. J’ai l’impression qu’il me fait confiance, c’est cool.

« J’ai remarqué que le soleil avançait bizarrement. Il va trop vite. »

« Oui, j’ai vu aussi… Je pense que chaque manche survient à une certaine heure de la journée. J’ai l’impression que ce Donjon a été délaissé pendant un peu trop longtemps ou… »

« Ou bien, c’est juste qu’il fonctionne comme ça ? » Intervint la Soigneuse toujours en pleine action.

« Ça me paraît gros, quand même… Je ferrais mon rapport à la Guilde et verrais bien plus tard. »

J’sais pas si c’est normal mais j’sais que j’aime beaucoup ce style de Donjons. Pas d’exploration, du lattage de monstres par dizaine, ça c’est de l’action ! J’aime beaucoup l’explo, hein, mais après l’épisode du vaisseau où le boss te chasse tout le long du Donjon… bon, fait chier, hein.

Puisqu’on savait à quoi s’attendre cette fois-ci, on fut bien moins surpris de voir la nouvelle vague arriver. Tous en position deux bonnes minutes à l’avance, attendant les indications de Mauser – c'pas son nom mais j’l’appelle comme ça – sur les positions ennemies. Comme à la première vague, celles-ci étaient à onze, douze et une heure mais... contrairement à tout ce qu’on avait eu droit jusque-là, les bêtes arrivaient par les airs.

Nageant dans les cieux comme s’elles étaient dans leur milieu naturel, huit raie-manta géantes et douze méduses aux tailles hors normes et de pleins de couleurs différentes arrivaient droit vers nous. Rien qu’à les voir, j’avais un gros doute d’être capable de m’occuper des méduses... J’sais pas, leurs tentacules ne me rassuraient, mais alors, pas du tout.

Une première volée d’attaques fut envoyée alors que les bêtes n’étaient pas encore tout près. Certaines des attaques ratèrent mais la plupart atteignirent une cible. Les raies n’en n’avaient, visiblement, pas grand-chose à faire d’être attaquées par les projectiles élémentaires ou du bon vieux plomb mais trois méduses, elles, ne supportaient pas l’assauts et moururent sur le chemin.

Arrivant enfin au niveau de l’île, les raies descendirent à grande vitesse pour s’en prendre à nous en essayant de nous gober vivants à l’aide de leurs bouches ! Celle qui croisa ma route fut très, très mal reçue et subit une lourde blessure qui la trancha tout du long. Leur taille imposante les rendait plus ou moins prévisible et celle-ci n’avait pas eu la bonne idée de me laisser assez de place pour sauter au-dessus d’elle. On s’en sortait tous plus ou moins bien si ce n’est un Mage qui s’était fait gober. J’sais pas trop comment il avait fini là-dedans mais bon, y allait bien falloir le sortir de là ! Je m’élance en première vers la bête fuyarde car, de toute manière, je n’étais pas très utile pour le moment et, tandis que je lui saute dessus, ZAP !

« GYAAAAAAAAAAAAAAAHHH !!! »

De nulle part, un éclair foudroyant me fouetta le dos et me fit hurler de douleur, me fauchant en plein saut et me faisant ainsi lourdement m’écraser la tête la première dans le sable de l’île. Mes sens un peu brouillés, la tête lourde, je me relève en m’aidant de Rebellion, la rage plus que visible sur le visage. Je tournais la tête vers le ciel pour découvrir que les méduses nous bombardaient d’éclairs à l’aide de leurs tentacules. Les Tanks peinaient à les contenir et nos carrys n’étaient pas fait pour encaisser des quantités pareilles de dégâts. Notre seul avantage repose en le grand manque de précision des méduses qui, une fois mes alliés abrités sous des arbres, peinent à les atteindre. Mon attention se repose alors sur la raie en cavale. D’ici quelques mètres, elle aura quitté l’île et seuls les Dieux sauront ce qui adviendra de ce pauvre Mage. Pas de temps à perdre ; je me relève en neuvième vitesse, reprends ma course en manquant de trébucher à plusieurs reprises à cause de mes nerfs qui me lâchaient à chaque fois jusqu’à ce que je me rende compte que je ne pourrais pas l’atteindre. Je m’arrête alors et, pendant que la bataille fait rage dans mon dos, hurle : « Harpoon gun ! ». Aussi tôt dit, aussi tôt fait. Ça, c’est du service rapide !

Ainsi se matérialisa un magnifique et imposant lance-harpons entre mes deux mains. Je pris un instant pour viser et fit feu droit dans le dos de la bête qui hurla de douleur à son tour, relâchant ainsi la victime qu’elle avait emporté qui s’empressa de fuir vers moi. Je tirais la bête vers moi de toutes mes forces en actionnant la rétraction du câble raccordant le harpon à mon arme dans le but. Elle était un peu plus forte que je ne m’y attendais mais elle finit par céder revenir vers moi au bout de trois bons coups et s’écrasa lamentablement au sol, sur son dos. Un bon coup de Rebellion bien placée et la bête n’était plus mais ses sœurs, visiblement vexées de ne pas avoir eu de quoi becter, entamaient les manœuvres de demi-tour pour nous en remettre une couche.

En me tournant vers mes équipiers, je remarquais que ceux-ci avaient eu raison de la plupart des méduses mais qu’une poignée voulait encore dans le ciel. Cinq ou six, je ne saurais le dire précisément. On avait étonnement peu de blessés – si ce ne sont les tanks qui attirent l’aggro évidemment – mais je sentais que les ressources de nos Mages commençaient à être bien entamées. Enfin, j'dis ça, j’en sais absolument rien. J’fais ma vie de mon côté depuis le début des combats pour ainsi dire. Et parlant de combat justement, mes amies les raies commençaient à sérieusement s’approcher de notre position. Two down, six to go.

J’en vise une avec mon lance-harpons, lui tire dans l’estomac et... touche ma cible ! YUS ! Je lâche mon arme et laisse la bête se débattre, s’écraser au sol ou peu importe, j’m’en fiche pas mal, j’m’occuperais de son cas plus tard. Là, j’ai cinq autres problèmes sur les bras. Me rééquipant de Rebellion, je fonce sur la première qui me prend pour cible et, contrairement à la dernière fois, je glisse sous elle, profitant du sable pour ne pas être ridiculement freinée dans mon déplacement, et la tranche sur le sens de la longueur. Elle vint s’écraser lamentablement quelques mètres plus loin et ne bouge alors plus le moindre muscle, comme si je venais de toucher une zone sensible. J’ai à peine le temps de me relever qu’une nouvelle raie me fonce dessus et elle est bien trop proche que je puisse l’éviter ou la bloquer. Tentant le tout pour le tout, je pose la lame de mon arme au sol et, au moment où la mâchoire de la bête arrive à ma portée, la relève d’un coup sec pour la faucher dans son élan. Mon assaut passe et retourne la bête sur 270°, la faisant ainsi planter sa tête dans le sable tel un piquet avant que son corps ne s’affaisse sur lui-même.

Je n’ai pas le temps de célébrer ni même de finir mon assaut qu’une raie finit par me faucher par mon dos. Je me retrouve désarmée et gobée vive dans la bouche de ce monstre qui se déplace dans les airs en prenant de l’altitude. J’hurle de rage et me débat en son sein mais rien n’y fait, la peau élastique de la bête est bien trop souple pour que mes mouvements de brutes n’y changent quoi que ce soit. Aux grands maux...

« Okay ma salope, on va voir laquelle de nous deux mord le plus fort ! »

Me dites pas qu’vous m’en pensez pas capable ? Après tout ce que j’ai déjà bien pu faire ? Z’êtes loin d’être prêts pour le reste de mes conneries si stupides qu’elles en deviennent intelligentes. À la une, à la deux... À LA TROIS ! GNAP.

Comme ce délicat moment où l’on se mord la langue ou la joue en mangeant un bon morceau de viande, de patate ou de tomate, je viens mordre l’intérieur de la bouche de la bête et... d’une part, c’est complètement dégueulasse mais, d’autre part, elle gueule de douleur. J’ai pas le temps de m’échapper, j’suis trop occupée à lui rendre la pareille, à écouter mon Anarchie me dire de lui faire souffrir ses grands morts mais mes coéquipiers la remarquent et elle se fait cribler de plombs. L’atterrissage est... pour le moins mouvementé mais j’m’éclate comme une grosse débile. Et, parlant de s’éclater, bah j’me retrouve dans la flotte en fait. Putain mais elle avait été jusqu’où cette merde ? C’est que je m’apprête à découvrir en nageant hors de sa bouche, tout ça pour découvrir l’horreur qui m’attend de l’autre côté de la barrière...

Horreur ? Mouais, c’était pas tout à fait un mot adapté à la situation tout bien réfléchis. Disons que... C’EST LA MERDE ! Notre vague n’est pas encore terminée et une nouvelle arrive avec encore plus de requins et encore plus de raies ! J’crois voir qu’il reste deux méduses de notre précédent combat et trois raies dans le ciel, le reste arrive par la mer. J’ai été menée assez loin de la... euhm, plage ? Et nager jusque là-bas me demandera autant de temps que d’effort. Il fallait que je trouve un moyen d’atteindre mes coéquipiers, et vite ! Et ça tombe bien car j’ai exactement la mauvaise idée de merde qu’il me faut~.

Les huit raies qui arrivent sont, dans les faits, chevauchées par des requins bien mieux armés que les précédents. Si les anciens n’cassaient pas trois pattes à un connard, ceux-ci sont armés de sabres, lances, tridents et même d’un putain de canon de vaisseau pirate ! Et ça, Madame, JE VEUX ! Euhm, oui, bref, ces raies servent donc de montures aux requins et il s’avère que je me trouve plus ou moins sur leur trajectoire. Ça fait quelques années que j’ai pas pu faire un peu de nage mais, c’comme le vélo, ça s’oublie pas ! Alors, d’une magnifique nage crawlée bien violente et bruyante, j’me rapproche d’une raie et... bah la rate de peu. Ouais, elle me passe devant et j’ai pas le temps de m’en rendre compte qu’elle est déjà partie. J’dois admettre que j’rage un peu entre mes dents mais j’perds ni espoir, ni mon focus ! Je cherche après une autre qui serait, elle aussi, proche de moi et, cette fois-ci, DU BOUT D’LA BITE, j’attrape son espèce de queue, tige ou je n’sais quoi et m’y agrippe fermement, justement à temps pour qu’elle quitte les flots et parte dans les cieux. Ayant on ne peut plus de force dans les bras qu’un Mage, je me tracte jusqu’au dos de la bête et parviens finalement à lui grimper dessus ! Le requin m’a remarqué cela dit...

L’intéressé – une fois de plus, bien mieux équipé que ses précédents compères – tient, d’une main, une espèce d’harnais à cheval mais pour raie. Il a une lance dans le dos et, donc, une main libre pour s’emparer de son arme. Faut que j’agisse vite et bien. Il se tourne vers moi sur un angle de +/- 45° et me grogne dessus mais ne lâche pas le harnais. M’est d’avis que la bête est récalcitrante et qu’il vaut mieux la tenir en laisse. D’un geste vif cependant, je me rue sur lui et lui met une énorme patate dans le museau. Il n’a pas tout à fait le temps de le voir venir et se met à chavirer. J’attrape le harnais d’une main, le tire et fais partir la bête de mon côté, signant la perte de l’équilibre du requin qui s’écrase une demi-dizaine de mètres plus bas avant de se prendre une énorme décharge de la part d’une des méduses encore présentent sur le terrain. Ces bêtes ne sont pas dans le même camp, donc ? Eh beh...

Perchée sur ma raie, j’en reprends vaguement le contrôle et la dirige comme je peux – juste le temps de m’adapter au fait que tirer dans une direction avec le harnais la fait tourner dans cette direction précise – pour revenir, lentement mais sûrement, sur le champ de bataille. Mes coéquipiers sont... visiblement dans un mauvais état. Les requins leur mènent la vie durent mais l’escadron est le plus gros du problème. Par chance, la faune de la précédente vague s’occupe de griller certains de nos adversaires vifs ce qui réduit ainsi considérablement leurs nombres au fur et à mesure. L’un des envahisseurs s’en est bien rendu compte et s’attaque alors à l’animal à l’aide de son canon, implosant ainsi la pauvre bête avant de se faire réduire en cendres par la seconde. La voilà, la fameuse arme que je veux ! J’aurais bien été tentée de descendre la chercher mais débarrasser de ma monture temporaire qui me donne un avantage certain sur nos ennemis serait, je pense, une fameuse erreur... Mais une nouvelle idée me vint alors que je vois un requin sur raie pointer son propre canon de bateau sur l’une des raies sauvages avant de l’abattre dans les cieux à son tour ; bien résolue à m’emparer de son arme, je lui fonce dessus à l’aide de ma raie, profitant de l’altitude que j’avais pour descendre en piquée à une vitesse phénoménale. Il me remarque, bien qu’un peu tard, et tire sur l’animal en pensant que celui-ci s’était rebellé contre son maître pour découvrir avec horreur que, effectivement, il a touché et abattu la raie mais que celle-ci portait en réalité une viking enragée et envieuse de son arme si particulière ! Je lui tombe donc dessus, lui met deux coups dans le nez et le dégage de la raie en prenant bien gare à m’emparer de son arme avant de prendre contrôle de l’animal et retourner dans les cieux. Pendant la montée, j’observe cette arme unique en son genre ; aussi brute que cela puisse paraître, il s’agit d’un canon monté sur une crosse et sur lequel on a monté tout un système de gâchette pour tirer avec. Une arme lourde, capable d’infliger de gros dégâts mais avec un recul certain à mon avis. J’suis assez forte pour la porter d’un bras contrairement aux requins mais j’sais pas trop d’où sortent les boulets. I guess it’s magic? Puis, bon, j’suis ni armurière, si spécialiste en armes venues des Donjons. Tant qu’ça marche, j’m’en plaindrais pas !

Finement armée de mon arme, je mets un terme à ma montée vers les cieux et redescend pour bombarder les ennemis en usant de leur propre arme contre eux, humant l’air de la musique “The Red Baron” de Sabaton..

BOOM ! BOOM ! BOOM ! BOOM !

« WHOUAHAHAHAHAHA !! L’Baron rouge vous salue bien bas, mes salopes !! »

Sur le moment, je ne m’en étais pas rendue compte mais mes alliés m’avait momentanément pris pour cible, pensant que j’étais un requin à dos de bête. Ils interrompirent leur assaut juste à temps en réalisant, alors que mon hument s’était changé en « ta-ta-ta-ta » aussi stupidement fort qu’en accord sur la musique j’avais en tête. Une à une, les bêtes moururent sous mes assauts répétés ; une piquée, un bombardement, une remontée, répéter. Des vingt-cinq requins n’en restaient bientôt que des parties éparpillées aux sols et des animaux volants ne restaient finalement que ma monture qui, malheureusement pour elle, ne pouvait que subir le destin d’une métalleuse bien trop dans son délire lui réservait : se bouffer le sable la tête la première alors que, spirituellement à la fin de ma musique, je chantais en débarquant telle une héroïne.

« Higher! The king of the sky, he's flying too fast and he's flying too high. Higher! An eye for an eye, the legend will never diiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie ! »

Et sur cette dernière... parole ? J’abattais ma main sur les cordes de ma gratte invisible alors que dans mes oreilles tambourinaient les derniers coups de la batterie du groupe. Les applaudissements de mon public m’extirpent de mon esprit et réveillèrent alors l’anarchiste qu’ils avaient rencontrée plus tôt dans la journée.

« Tu pourrais au moins prévenir quand tu disparais, nan ? » m’interpela alors le chef d’équipe avec un grand sourire aux lèvres en me voyant m’amuser à ce point. « Bon, je déconne parce que le Mage nous a expliqué ce qu’il s’est passé mais on sérieusement cru que tu t’étais fait avoir et qu’on ne reverrait pas. »

« Ouais, enfin, moi j’y croyais pas ! T’as pas le profil pour te laisser crever comme ça ! »

À la réaction de la Soigneuse qui infirmait les dires du chef la concernant, je lui fis un double revolver gun en ricanant comme une débile.

« Now, that’s the spirit! J’suis trop bornée pour crever et j’aurais raté une séance d’amusement pareille pour rien au monde ! »

Toujours avec son sourire sur le visage, le chef d’équipe soupira longuement. Il n’avait pas besoin de parler, je l’entendais se dire que, ouais, y’avait bien quelqu’un qui prenait ce Donjon comme une sacrée partie de rigolade et qui le revendiquait alors qu’elle venait de se faire avaler vive par un monstre, ce qui aurait très bien pu la mener à sa mort. Eh ouais, on en fait pas deux des comme moi !

La Soigneuse – enfin, j’doute que ça soit elle qui soit partie me la chercher, hein, mais c’est elle qui me l’apportait – eut la gentillesse de me rendre mon arme, ma fidèle Rebellion, tandis que la seconde soignait mes bobos. On était tous plus ou moins en bon état, merci à notre important nombre de Soigneurs dans l’équipe, et plus ou moins prêts à passer à la suite.

Tous en ligne sur la plage, observant l’horizon alors que le soleil se couchait, nous attendions patiemment de voir ce qui allait nous accueillir pour cette prochaine vague. Si Mauser restait fidèle à son poste et parfaitement concentré, moi, je dois le reconnaître, j’avais décroché depuis un moment. Voir le soleil se coucher de la sorte m'apaisait profondément. Une espèce de Discorde improvisée si je puis le formuler ainsi. J’avais parfois du mal à réaliser que de tels paysages puissent exister dans des mondes desquels sortent des créatures avides de sang et obnubilés par la destruction de notre monde. Je me disais, finalement, que si de tels monstres pouvaient venir de lieux comme celui-ci, que pouvait bien sortir de lieux bien pires ? Ou, simplement, de notre monde ? J’veux dire, j’suis déjà un bon exemple de ce qui se fait de plus... bizarre ? Mais j’sais pour sûre qu’il y a bieeeeeeen pire que moi d’là où j’viens, y’a qu’à voir tous les culs que j’ai botté dans ma jeunesse à maintenant.

Le temps se fait long, il faut se le dire. Même si je suis momentanément absorbée par mes pensées, je trouve que ça fait bien trop longtemps que le moindre mob n’apparaisse... Si bien que certains d’entre-nous finissent par baisser leurs gardes, ce qui n’était pas le cas de Mauser.

« On aurait épuisé les vagues, chef ? » demanda l’un des tanks.

« J’en doute, nous n’avons pas combattu de boss jusqu’à présent... »

« Ah, parce qu’il y a un boss après tout ça en plus ?! »

« J’espère bien ! »

« Évidemment, grande. Ça reste un Donjon malgré que les ennemis nous foncent dessus par le biais de vagues. »

Et c’est, évidemment, à ce moment-là que l’intéressé décida de montrer le bout de son... nez ? De sa truffe ? De son... groin ? J’en sais trop rien... mais – bref – surtout ses deux yeux jaunes luisant !

« Présence ennemie à 12h, chef ! » s’exclama malgré tout Mauser pour ceux et celles qui s’étaient endormis en attendant le boss.

« Allez tout le monde, en positions ! » ordonna alors notre leader.

Nous adoptâmes la même formation qu’à notre arrivée dans le Donjon : les Tanks avec moi en front line et les carry à l’arrière. Lorsque le boss sorti de l’eau, je pus découvrir une espèce de... euhm... gros... poisson... vert... avec six nageoires dont deux paires – soit quatre – qui lui servent d’ailes avec un aileron dorsal et deux ailerons au bout de la queue... et sa fameuse truffe-groin. Putain, tu parles d’un boss haut en couleurs. Il nous regarde longuement, semblant nous analyser avant de pousser un petit cri... ABSOLUMENT RI-DI-CU-LE ! Putain, on aurait dit un couinement de jouet pour chien !

Même si un large sourire se dessine rapidement sur mon visage, pas vraiment le temps me foutre de sa gueule puisque la bête charge l’un de nos Tanks à toute vitesse et l’envoie balader dans le décor. À peine fit-elle arrêtée qu’elle enchaîna avec le second et, une fois encore, à peine s’arrêta-t-elle qu’elle me chargea. L’ayant vu agir à deux reprises et m’étant préparée à être l’une des potentielles victimes, j’avais préparé un sacré coup et, bien qu’il atteignît sa cible, ne fut pas suffisant pour entièrement contrer la force de mon adversaire. Je l’envoie vers les cieux d’un coup sec, déviant sa trajectoire initiale et permettant ainsi à mon équipe de respirer un peu et à nos Soigneurs de s’occuper de nos Tanks mais, en contrepartie, j’tombe sur mon cul et me fait violemment fouetter par l’une de ses nageoires qui tranche au travers de ma peau comme un couteau chauffé dans du beurre. Il m’a eu à la joue gauche c’salaud et j’pisse le sang... Mieux vaut éviter de se faire toucher.

Nos carrys profitent de ce cours moment de répit pour l’assaillir mais, malgré mon assaut ô combien déstabilisant, il évite la plupart des coups qui lui sont portés. Seuls quelques-uns des assauts ne l’atteignent vraiment mais rien ne semble vraiment l’handicaper ou ne serait-ce que nous donner l’impression de l’avoir blessé. Nous répétons notre séance de rodéo à quelques reprises, essayant de faire en sorte à ce le dévier lorsqu’il arrive à notre portée pour contre-attaquer et le blesser par la suite mais on est bien vite forcés de constater qu’il encaisse mieux nos assauts que nous – moi et les Tanks – ne le faisons...

Je rage entre mes dents après une énième chute me laissant, cette fois-ci, avec une balafre qui m’avait tranché le bras gauche en longueur. Heureusement que j’suis droitière...

« Grrrrr... Bête de merde ! Cesse de jouer avec mes couilles, s’pèce de saloperie ou j’te cloue au sol et use d’tes nageoires comme planche de surf ! ET PAS DE CHANCE POUR TOI, J’AI APPRIS À SURFER TRÈÈÈÈÈS RÉCEMENT ! »

Si l’extériorisation de ma rage boostée à l’anarchie ne faisait, évidemment, aucun sens aux oreilles de mes compères, ma Soigneuse attitrée le perçu d’une autre oreille et s’exclama alors d’un « Eureka ! »

Je me tourne alors vers elle, l’air confuse, tandis qu’elle use de sa magie pour faire un harpoon-gun entre mes mains.

« Oh. I like where this is going. »

Et un grand sourire s’affichait alors sur mon visage. Je me tournais vers la bête, fièrement armée d’une arme spectrale et lui hurlait dessus : « APPROCHE, MOBYDICK ! J’VAIS T’MONTRER QUI C’EST QU’À LA PLUS GROSSE ! »

Si les facepalm, ricanements et soupires de mes collègues vinrent délicatement faire bourdonner les tympans de mes oreilles et ainsi titiller la fierté liée à mon sens de l’humour si mauvais, j’eus vite fait d’isoler tout bruit parasite afin d’accorder toute mon attention à la bête verte qui venait de se remettre de ma dernière claque tranchante. Le boss me regardait longuement comme s’il avait réagi à ma provocation – bien que j’en doute sincèrement. Calmement, j’attendais qu’il me fonce dessus et ma patience fut finalement récompensée. Après avoir poussé à nouveau un cri aussi ridicule qu’en désaccord avec son apparence, il me chargea. Ce coup, je l’attendais de pieds fermes et, tout en le frappant avec mon arme temporaire, je bondis vers l’arrière pour éviter de prendre trop de dégâts. La bête fut propulsée sur le côté et, d’un tir hâtif mais fort précis, je lui plantais un harpon dans le dos, l’empêchant ainsi de se déplacer davantage.

Nos carrys le ruèrent d’attaques qui, cette fois-ci, touchèrent davantage et semblaient le décontenancer bien plus brutalement. Ma Soigneuse m’offrit un nouvel harpoon-gun et que je m’empressais d’utiliser en visant un autre flanc. Encore et encore, et encore, et encore, jusqu’à complètement l’immobiliser momentanément. Ses cris devenaient de plus faiblards, presque implorant notre pitié au fur et à mesure que nos Mages se vidaient les réserves de mana sur lui et que nos Rôdeurs firent de même avec leurs chargeurs. Je ne pus, je dois dire, moi-même résister à la tentative de lui faire bouffer un gros boulet de mon canon-magique et, au prix d’une bataille qui s’annonçait difficile et que, pourtant, avec la bonne stratégie, fut en réalité une partie de plaisir, et ce, malgré toutes les blessures que nous avait infligé l’animal, nous en sortîmes enfin victorieux.

L’animal, tout enragé qu’il était, atterrit lourdement sur le sable au-dessus duquel il flottait en poussant un dernier râle d’agonie avant de tristement fermer les yeux, nous concédant ainsi la victoire et le droit de rentrer chez nous.

Pendant que nos Mages récoltaient les récompenses, secondés par nos Tanks et Mauser, ma Soigneuse et sa compère s’occupaient de panser mes solides bobos. Notre chef les regardait faire en ricanant.

« Eh bah Kayle, t’es vraiment pas une Combattante comme les autres, toi. Jamais j’aurais cru voir une nana comme toi autant s’amuser dans un Donjon où, pourtant, tu risques ta vie. Enfin, si, j’en ai vu mais ceux-là voyaient rarement le bout du Rang E voire D avec un peu de chance. C'est un miracle que tu aies tenu jusqu’au Rang C. »

Je gloussais en l’entendant. L’Anarchie baissait à vue d’œil et laissait place à la Discorde ; j’m’étais bien assez amusée comme ça durant les combats.

« Héhéhé, c’pas un miracle, chef, c’moi qui ai appris à m’en sortir malgré c’que les autres voient comme des conneries. J’rentre pas dans le moule, et ce d’puis longtemps, j’ai juste fini par l’accepter et j’m’en sors bien mieux comme ça. »

Discorde oblige, un sourire aussi bienheureux que smooth décorait mon visage. Ça fit glousser le chef.

« Je vois ça ! Et tu n’as jamais pensé à rejoindre la Guilde des Chasseurs ? »

« Sans façon, j’aime pas savoir qu’j’suis considérée comme un numéro parmi tant d’autres et remplaçable de surcroit. J’ai rencontré des gens bien sympathiques venus de différentes Guildes – comme j’ai rencontré de véritables fils de pute soit dit en passant – mais c’est tout ce délire de rentabilité monétaire et j’en passe qui m’casse les couilles. J’tire mon chapeau bien bas aux membres qui voient leur adhésion comme un service rendu à la population, pour le peu qu’on en est récompensés. »

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

« J’veux dire... J’suis rarement respectée parce que j’suis une Éveillée, tout du contraire même. J’ai davantage l’impression que les gens prennent pour acquis qu’on les défende alors qu’ils sont pas foutus de le faire eux-mêmes. Enfin, j’veux dire, les non-Éveillés quoi. »

La Soigneuse intervint dans la discussion.

« Ça, c’est parce que t’es pas tombée sur les bonnes personnes, trésor. Je ne vais pas dire qu’on est souvent acclamés par des foules en délire mais on nous remercie bien souvent des services qu’on rend dans les pays dans lesquels on va. »

Et le chef acquiesça.

« J’allais le dire. Je ne sais pas sur qui tu es tombée par le passé mais t’as vraiment pas dû avoir de chance. Tu ne devrais pas voir le monde comme ça si tu veux mon avis, les non-Éveillés ne sont pas tous pareils. »

Pas tous pareils, hein... Vrai que j’en ai rencontré pas mal de bien sympa, à commencer par mes amis d’ma région et mes collègues de travail qui n’veulent pas que j’bosse de trop sous prétexte que tout m’est facile. Si j’pourrais pensé que c’est pour qu’ils puissent garder leurs jobs, quand ils me le disent, je n’peux que penser que c’est fait avec un bon fond, de bonnes intentions. Y’a du bon et du mauvais partout, j’imagine, mais... Urh, j’sais pas quoi en penser, c’pas l’moment, la Discorde n’m’aide pas là...

« O-ouais... Z’avez sans doute raison. Mais, enfin, le chef de votre Guilde, Samuel, j’crois, il s’est fait incendier parce que, soi-disant, il savait très bien que ça grouillait de monstres ultras puissants et qu’il n’aurait jamais dû envoyer des Rangs E et D, voire des Rangs C. J’sais pas si c’étaient des non-Éveillés ou pas mais... c’était hard quand même. »

« Malheureusement, beaucoup voient de la conspiration là où il n’y en a pas... Ne te laisse pas influencer par ces gars-là, ils ne font que te faire perdre ton temps. T’es une brave fille, ça serait moche que tu finisses mal si tu décidais de t’en prendre à des imbéciles bien plus cons que toi. »

Il parlait implicitement de finir en prison pour Éveillés, j’en suis sûre. J’refuse catégoriquement de finir dans un endroit pareil et puis... J’vois pas ce que j’ai fait qui pourrait me faire tomber là-bas. Enfin, si, j’ai fait des trucs qui me feraient mériter de... mais est-ce que j’ai pas rendu le monde un peu plus... j’vais pas dire joli mais, en tout cas, plus sûr en m’débarrassant de ces mafiosos du Dimanche ? C’pas la première fois, certes, mais still... J’ai la fâcheuse impression qu’une moi du passé me jugerait très fort et se permettrait même de me mettre une sacrée claque, j’sais pas trop pourquoi...

Mes blessures pansées et ma discussion déviée sur des sujets plus drôles et intéressants – tels que le fait que j’suis une super guerrière avec laquelle ma Soigneuse a adoré travailler –, nous avons vite fait de partager ce qui avait récolté. On m’a filé beaucoup de ces cristaux roses et une putain d’aile-nageoire entière du boss pour me féliciter de mon épisode « Red Baron ». J’ai aussi gardé le canon. Si j’parviens pas à le revendre ou le faire fonctionner en dehors du Donjon, il servira de chouette déco pour mon parrain. J’pense que j’irais le revoir bientôt... J’sais pas pourquoi, j’ai envie qu’il m’apprenne la forge et la restauration.