Depuis quelques jours, mon esprit revenait toujours sur le même moment qui s’était déroulé il y a peu : ma mort. Pour être plus exact, ma seconde mort. À deux reprises, j’en étais revenu, comme si quelqu'un ou quelque chose ne voulait pas me voir disparaître aussi facilement. La première fois ? Je sais très bien qui m’a sauvé. La seconde fois ? Ce fameux Système qui semblait vouloir se jouer de moi.

Je suis né sous l’identité de Zack Edward Damon, premier fils de la famille Damon et fils de Matthew Arthur Damon, ingénieur en aéronautique, un homme brillant qui a travaillé sur plusieurs avancées dans le domaine depuis le milieu des années 2000. En plus de lui, il y avait aussi ma mère, Kaitlyn Irena Damon, professeur de mathématiques à l’université de Londres, et ma soeur aînée d’un an seulement, Aurore Nina Damon. Vu la manière dont je présente les choses, je peux donner l’impression d’être de la haute société avec une éducation stricte et un avenir tout tracé, mais la réalité est bien loin de tout ça, mes parents ayant décidé de mener une vie simple malgré leurs postes importants, ce qui n’était pas pour me déplaire à vrai dire.

Mon enfance en elle-même était plutôt calme, rythmée par les jeux vidéos, les sorties avec des amis et les bouquins que je dévorais avec passion, mais si je devais citer une ombre noire au tableau, ce fut ces nombreux tests passés sous la surveillance de mes parents ainsi que plusieurs pédiatres et pédopsychiatres. Je n’en comprenais pas trop l’intérêt à l’époque, mais lorsque j’appris que j’étais considéré comme HPI et la signification de cet acronyme, les choses me parurent plus limpides d’un seul coup. Malheureusement, ou heureusement selon le point de vue, cet état fut l’élément qui mena à ma première mort.

Je vous passe le reste de mon enfance et le début de mon adolescence, il n’y a rien d’intéressant là-dedans, et on se retrouve aux alentours de les quinze ans. Les donjons sont encore à l’étude et le système entier des Chasseurs n'existe pas, on pourrait presque parler de préhistoire vu la vitesse à laquelle le monde évolue. Ce jour-là, alors que ma soeur et moi quittons le lycée pour rentrer à la maison, deux fourgons noirs s’arrêtent, laissant quatre hommes masqués en sortir pour nous attraper avant de partir aussi vite qu’ils ne sont apparus. Rapide, précis, sans fioriture, un enlèvement comme des milliers d’autres auparavant et bien d’autres par la suite.

La tête recouvert par un sac qui nous empêchait de voir quoi que ce soit, les mains attachés par du scotch de mauvaise qualité, nous attendions de savoir ce que nos ravisseurs nous voulaient, bien que rapidement, en les entendant parler un anglais dont l’accent était clairement américain, j’eu l’information qu’ils avaient été payés pour ce job sans aucunes informations supplémentaires, des pions sacrifiables en somme. Le voyage dura plusieurs heures pour finalement arriver à notre destination : un entrepôt désaffecté dans une zone industrielle à l’abandon, conséquence des dernières avancées dans le domaine des transports et rien qu’avec cette information, la raison de notre enlèvement était claire : un concurrent de notre père qui souhaitait faire pression en usant de nos vies pour que notre géniteur abandonne son travail.

Ma théorie se révèla rapidement correcte, mais incomplète, car en plus de cela, ils devaient me rapatrier aux USA afin que je travaille pour eux, de gré ou de force évidemment. Malgré le stress immense que créait la situation, j’arrivais à garder mon calme et la tête sur les épaules, mais je n’eu même pas le temps de dire ou de faire quoi que ce soit que ma soeur prit les devants, commençant à discuter avec nos ravisseurs. Chacun de ses mots étaient soigneusement choisis pour faire mouche, marquer ses interlocuteurs afin de se créer une fenêtre de tir assez grande afin d’agir. Je l’avais déjà vu agir ainsi par le passé, mais je n’aurais jamais cru qu’elle serait capable de faire ça dans une situation comme la nôtre.

Malheureusement pour nous, cette démonstration de manipulation fut interrompue par l’arrivée d’un avion, un jet privé, duquel descendit une femme au regard dur qui brisa tous les efforts de ma soeur en quelques mots, des mots simples mais qui étaient comparables à l’étreinte d’un serpent autour de sa proie quand ils vinrent d’elle. Le silence prit place dans le bâtiment et le reste de leur opération se déroula dans cette atmosphère lourde, nous faisant monter ma soeur et moi dans le jet qui décolla peu de temps après. Nous étions finis, ne pouvant plus rien faire pour nous en sortir ou du moins, c’est ce que je croyais.

Comme je vous l’ai dit, l’époque des Chasseurs n’en était encore qu’à ses prémisses et cela signifiait que les éveillés n’étaient pas encore monnaie courante. Donc, comment vous occuperiez vous de l’un d’entre eux quand vous n’en avez pas de votre côté ? À l’époque, vous ne pouviez pas, tout simplement et ça, je l’ai compris lorsque ma soeur, dans un seul mouvement, créa une violente gerbe de flammes qui carbonisa deux gardes, menace suffisante pour effrayer le reste de nos ravisseurs. Pourtant, cela ne s’est pas bien terminé puisqu’en faisant cela, la porte du jet avait sauté, provoquant un appel d’air dans celui-ci, et donnant le temps suffisant à la cheffe pour qu’elle tire une balle dans la poitrine de ma soeur.

De mon point de vue, le temps était figé à cet instant, paralysé comme je l’étais par mon impuissance et je ne pouvais que graver à jamais l’image qui se dressait devant moi. Des ravisseurs, terrifiés et ne sachant que faire. Une cheffe, un pistolet à la main, mais qui n’était plus maîtresse de la situation. Ma soeur, blessée, qui me souriait avec un regard que je ne voulais jamais voir : celui des adieux. Une nouvelle gerbe de flammes me propulsait hors du jet, me faisant entamer une chute libre vers l’océan tandis que j’observais le jet continuer d’avancer… pour finalement exploser.

Je ne me souviens pas de la suite, juste de mon réveil dans un lit d’hôpital où j’étais recouvert de bandages suite à des blessures graves, mais pas mortelles, j’allais juste garder des cicatrices à vie, simplement. À ma grande surprise, mon identité n’avait toujours pas été découverte et pour cause, mon enlèvement remontait déjà à plus de six semaines et la conclusion de cette affaire était claire : moi, ma soeur et nos ravisseurs étions morts dans l’explosion du jet, avion dont il ne restait que des décombres, mais avec aucun reste de corps récupérable ou identifiable. J’étais un survivant, mais je n’existais plus et quand l’information finit par être totalement assimilée, je ne pus retenir mes émotions, déversant des torrents de larmes qui ne prirent fin que lorsque la fatigue me fit tomber dans le sommeil.

Je n’étais plus personne, quelque chose de compliqué quand il s’agit de redémarrer une vie entière, mais j’avais la chance d’avoir encore toutes mes capacités, qu’elles soient physiques ou intellectuelles, mais j’avais surtout à coeur de me venger de ceux qui avaient provoqué tout ça. Non pas pour assouvir une pulsion dévorante, loin de là, mais simplement parce qu’à ma place, Aurore n’aurait jamais accepté que de telles choses puissent continuer de se produire. Je me remettais donc d’abord de mes blessures avant de prendre des petits boulots différents pour accumuler de l’argent tout en perfectionnant les connaissances dont je disposais déjà pour atteindre mon objectif et je pouvais me permettre d’être méticuleux, car rien ne pressait.

En plusieurs années, j’avais coché les cases les plus importantes à la réalisation de mes projets : beaucoup d’argent en réserve, des capacités physiques et des connaissances maîtrisées et affûtées et un réseau d’informations fiable. J’avais aussi subi un éveil, mais ce dernier n’avait que peu renforcer mes capacités à cause du simple rang E que j’étais, rien de bien notable en somme. Le reste ne fut qu’une formalité au final : trouver les commanditaires, les approcher, les assassiner, disparaître sans laisser de traces, quelque chose qui fut sans réelle difficulté, mais qui me fit prendre conscience que ce genre de choses étaient en réalité bien plus habituelle et que le monde souterrain et criminel était côtoyé par beaucoup plus de “bonnes personnes” que je ne le pensais. Je devais retourner voir mes parents quand cette histoire était terminée, mais ce fut finalement abandonné, probablement pour le mieux.

Les années qui suivirent furent riches en événements divers et variés. J’avais ouvert ma propre librairie, cette dernière fonctionnant comme une vraie en apparence mais servait aussi de lieu où des “clients” pouvaient demander mes services. Bien évidemment, cela se faisait sans que personne n’apprenne ou ne comprenne qui j’étais réellement, passant pour un simple libraire en apparence. Ce fut d’ailleurs un de ses travaux qui amena à ma seconde mort, dans un donjon.

Un chasseur indépendant se servait de ses contacts et la réputation de sa famille pour faire pression sur des chasseurs débutants ou de rangs inférieurs afin de les exploiter sans avoir à bouger le petit doigt, la pression en question ne s’arrêtant pas à que des menaces ou petits dérangements. Une mission simple donc : le tuer pendant le donjon et faire disparaître son corps pour qu’on le croit dévoré par un monstre. Je m’exécutai et l’exécutai, mais cela était sans compter sur cette fameuse salle secrète où tout le monde y laissa la vie, moi y compris. J’en avais entendu parler, mais je n’aurais jamais cru que cela se serait avéré véridique et encore moins que j’en vivrais l’expérience.

C’est ainsi que je fus sauvé par ce Système, ce dernier m’ayant transformé en ce qu’il appelait un Joueur. Pas très original comme nom, mais il avait au moins le mérite d’être raccord avec les spécificités de ce nouvel état qui donnait vraiment l’impression d’être comme dans un jeu vidéo. J’allais donc devoir jongler avec une nouvelle problématique car tout ça, contrairement au reste, je n’en étais pas totalement maître et ça allait être problématique, c’était certain.