« ... l’affaire du meurtre d’Alonzo Conti, successeur de Tony Conti, semble corréler avec la soudaine disparition d’autres célébrités. D’après les suspicions de la police, la théorie comme quoi un seul et même auteur serait à l’œuvre derrière ces évènements, malgré quoi ils se questionnent encore sur les raisons qui poussent cet individu à viser parfois les têtes de familles, parfois leur entourage. Plus d’informations après une courte pause publicité. »

« - ... Encore un.
- C’est le quatrième ce mois-ci. Ça devient inquiétant.
- M’en parle pas, depuis l’incident de New York, ça n’arrête pas.
- C’était qui le dernier ?
- L’ainé de la PDG d’une marque de cosmétique Allemande, qui a été porté disparu. C’était un chasseur aussi.
- Comme quoi ... même un éveillé faisait pas le poids. »

La voix au travers de la radio diffusait un spot publicitaire pour une marque de voitures. L’un des deux hommes, accoudé au bar, régla la molette du volume pour mieux s’entendre parler.

« - C’est p’têtre un chasseur aussi, ce type ?
- Hm. Pas sûr. Chasseur ou pas, une balle entre les deux yeux et la lumière s’éteint. Mais c’est sûr que ça aiderait.
- L’éveil ... des fois, je me demande si c’est un don divin ou une malédiction. Tout à l’heure encore, j’ai dû faire équipe avec un type bizarre. On était en plein désert et il a refusé de retirer ne serait-ce que son casque pour prendre l’air.
- Dans ton donjon ? Eh, la chaleur a dû lui faire griller la cervelle.
- J’te jure. Il débitait pas un mot, une vraie tombe. Pire encore, il fonçait tête baissée dans la mêlée et y foutait un bordel pas possible. Les mages voulaient pas tirer une seule boule de feu, de peur de le toucher et de le foutre en rogne.
- Baaaah, sûrement qu’un type paumé.
- Ouais ... sûrement. Mais y avait un truc pas net chez lui.
- Du genre ?
- ...
- Barman, deux whiskies.
- Tout de suite, messieurs.
- Ça va Denis ? Tranquille ? T’es pâle, d’un coup. Bois un coup va, je te le paye.
- Ouais ... merci. »

Les verres tintèrent une première fois lorsqu’ils furent servis, une seconde lorsque les compères levèrent le bras pour trinquer.

« - J’sais pas, dans sa manière de faire, de parler, de nous ... regarder. On ne savait rien de lui et c’est comme s’il savait tout de nous.
- Comme vos infos personnelles ?
- Non, enfin je sais pas trop ... il n’avait pas assisté aux présentations et pourtant, il nous appelait par nos prénoms pendant les combats. Pas que ça, notre rodeur avait une crampe au mollet, mais il s’en plaignait pas. Pourtant, ce type l’a couvert pendant une embuscade, spontanément.
- C’est peut-être pas un si mauvais bougre, finalement.
- Je ne sais pas ... il n’inspirait pas franchement confiance non plus.
- Et il ressemblait à quoi ?
- J’ai pas pu voir son visage, il portait une visière et ... j’étais pas spécialement chaud de l’emmerder avec ça. J’ai bien tenté de jeter un coup d’œil, quand il était occupé pendant le combat ... mais rien à faire, on dirait que la lumière filtre pas au niveau de son visage. J’étais pas le seul que ça avait intrigué, d’ailleurs ...
- Hmm ... J’ai déjà entendu des histoires similaires, elles sont de plus en plus communes, surtout dans la banlieue de Tokyo.
- Ah ? Tu vas me raconter ça dehors, dans ce cas, j’aurais bien besoin de m’en griller une, là. »

Les deux hommes, après avoir réuni leurs affaires, quittèrent l’intérieur du bar pour s’installer en terrasse. En cherchant son paquet de cigarettes dans la poche de son manteau, le dénommé Denis afficha un air surpris et tira en même temps que celui-ci un papier soigneusement plié. Sous le regard inquisiteur de son ami, il le déballa et se figea net après quelques secondes.

« - C’est quoi cette tête ? T’as oublié un truc ? »

Pour réponse, il lui glissa le mot entre les mains, sur lequel avait été griffonné à la va vite les phrases suivantes : « La curiosité est un vilain défaut, Denis. J’espère que vous saurez faire preuve d’un peu plus de discrétion, dorénavant. »

Aucune signature, bien qu’aux yeux du destinataire, elle n’aurait été d’une quelconque utilité.